Aide aux victimes : la délégation interministérielle en ordre de marche

La suppression du secrétariat d’Etat, il y a deux ans, avait été perçue comme un recul.

Deux ans après la création de la délégation interministérielle à l’aide aux victimes, Elisabeth Pelsez, nommée à sa tête par Matignon, est parvenue à convaincre ceux qui avaient vu un recul dans la suppression du secrétariat d’Etat. « Le bilan est positif, Mme Pelsez a une grande proximité avec les acteurs de terrain, des chantiers ont pu être menés à leur terme, comme celui sur les conditions d’annonce du décès aux familles de victimes », dit Sophie Seco, ­directrice de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs.

Lors de l’accident de Millas (six morts dans la collision entre un autocar scolaire et un train), le 14 décembre 2017, « les familles n’ont pas appris la mort de leur enfant dans les conditions de délicatesse et de prévenance qui auraient été nécessaires », reconnaît avec euphémisme la déléguée interministérielle. Le groupe de travail qu’elle a constitué après cet événement pour élaborer un référentiel commun à destination des personnes (policier, médecin, autorité préfectorale, etc.) chargées de faire ces annonces rendra ses conclusions le 25 octobre à la ministre de la justice.
« Notre action est ancrée dans la réalité », explique Mme Pelsez, magistrate, dont l’équipe reçoit « presque tous les deux jours » des victimes ou des familles de victimes. Placée auprès de la garde des sceaux, la délégation interministérielle comprend neuf personnes issues des ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé et des finances, et trois agents pour les fonctions support. « Le statut interministériel permet à Mme Pelsez d’avoir une très grande efficacité et réactivité pour déverrouiller des blocages administratifs ou des situations délicates de victimes », constate Guillaume Denoix de Saint Marc, directeur général de l’Association française des victimes du terrorisme.

Des comités locaux d’aide aux victimes

Sur le terrain, ces deux années ont été consacrées notamment à la mise en place des comités locaux d’aide aux victimes (CLAV) dans les départements. Autour du préfet et du procureur, ils réunissent les hôpitaux, les services sociaux, les associations, la police et la gendarmerie, etc. « Nous nous sommes déjà rendus dans 36 des 99 CLAV créés. Leur mission est d’une part d’établir un annuaire des institutions et associations susceptibles de prendre en charge les victimes et, d’autre part, de rédiger un schéma départemental d’aide aux victimes », précise la déléguée interministérielle. « L’existence de ces CLAV permet aux protagonistes de l’accompagnement des victimes de se connaître et d’échanger avant la survenue d’une situation de crise », se ­réjouit Mme Seco. Par exemple, le comité local d’aide aux victimes de l’Aude, créé au moment de ­l’attentat de Trèbes (quatre morts le 23 mars 2018), a également servi lors des inondations du 15 octobre 2018.

Dans le même souci d’anticiper les crises, quatre coordonnateurs (trois magistrats et un général de gendarmerie, tous à la retraite) ont été recrutés et formés. Ils sont désormais mobilisables à tout moment pour faire l’interface entre les victimes et les assureurs dans les situations complexes d’accidents collectifs. Deux d’entre eux ont été missionnés pour la première fois par le premier ministre au lendemain du crash d’Ethiopian Airlines (157 victimes, dont huit Français) le 10 mars 2019.

Prise en charge des psycho-traumatismes

Partie du terrorisme, la mobilisation des services de l’Etat et de la justice envers les victimes s’est ensuite étendue aux accidents collectifs et aux catastrophes naturelles. Mais la mission de Mme Pelsez est encore plus large, et embrasse par exemple les victimes de violences conjugales. « Nous avons poussé pour que les schémas départementaux intègrent un chapitre sur l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales », affirme-t-elle, en se félicitant de voir remonter des bonnes pratiques nées d’initiatives locales, comme la prise en charge des enfants de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.

La création du Centre national de ressources et de résilience, en février, pour valoriser la recherche en matière de prise en charge des psycho-traumatismes en liaison avec les dix unités de ­consultation existantes sur le territoire est saluée.« Il s’agit aussi de travailler sur le stress post-traumatique des intervenants comme les forces de l’ordre ou les pompiers », précise Mme Pelsez.

Mais l’une des missions sur laquelle son doigté sera sans doute le plus utile – car au centre d’injonctions contradictoires – est le projet de création d’un « musée-mémorial des victimes du terrorisme ». Un chantier de 2020.

Publié le 15 octobre 2019
Le Monde
Jean-Baptiste Jacquin

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