ATTENTAT DE NICE : SIX ANS APRES, CERTAINES VICTIMES EN SITUATION DE GRANDE PRECARITE

Une mère au RSA « en retard de loyers et qui risque l’expulsion », des parents forcés de délaisser leur travail pour s’occuper de leur enfant en stress post-traumatique : malgré des aides, six ans après l’attentat de Nice, certaines victimes se débattent dans la précarité.

Au lendemain du 14 juillet 2016, quand 86 personnes furent tuées et des centaines blessées sur la Promenade des Anglais, une grande chaîne de générosité s’est mise en place pour aider les victimes d’une des pires attaques commises sur le sol français.

Une collecte lancée par la mairie de Nice a permis de recueillir « plus de 730 000 euros », ensuite redistribués aux victimes dans le besoin, à raison de versements de 500 ou 1 000 euros, renouvelables une fois. La perte d’emploi a représenté 38 % des motifs de demande d’aide, selon la mairie.

La Maison des victimes ouverte par la municipalité continue à apporter son soutien et « un référent » est en lien avec les associations et les services sociaux. La Fondation de France a versé de son côté 547 000 euros d’aides directes « à plus de 600 victimes » pour du soutien psychologique, une assistance juridique ou des pertes ponctuelles de ressources.

Dernier engagement à hauteur de 80 000 euros, « un projet porté par l’association Montjoye à destination des victimes mineures et de leur famille, en amont et pendant le procès » qui a débuté lundi devant la Cour d’assises spéciale de Paris, explique Cécile Malo, déléguée générale de la Fondation de France Méditerranée, basée à Marseille.

Le club de football de l’OGC Nice, a lui organisé une vente aux enchères qui a rapporté « 121 500 euros entièrement reversés à l’association Promenade des Anges », laquelle indique que l’argent a été utilisé intégralement pour payer des frais d’avocats aidant les victimes. Quant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et d’autres infractions (FGTI), chargé de l’indemnisation, il a versé pour le moment 92 millions d’euros à près de 2 500 victimes.

Rideau déchiré

Pour autant, « les difficultés sont parfois bien plus grandes », raconte Samira Rouibah, co-présidente de l’Association de victimes Promenade des Anges, qui a elle-même perdu son fils de quatre ans dans l’attentat.

« Beaucoup de victimes et de parents, épuisés, ont voulu se débarrasser rapidement de leur demande d’indemnisation et ont accepté des sommes ridicules. Six ans après, ils se retrouvent dans des situations financières très compliquées parce que sur le moment, ils n’avaient pas perdu leur emploi, mais aujourd’hui ils ne peuvent plus travailler » en raison du choc ou de la nécessité de s’occuper des traumatismes de leur enfant, explique cette ancienne cadre chez Veolia, sur le point de retrouver un emploi.

Les préjudices professionnels, « contrecoup majeur, sont souvent reniés par le Fonds de garantie », explique l’avocate Olivia Chalus-Penochet. « Comme l’a si joliment dit la procureure lors du procès du 13 novembre, cet attentat "a déchiré le rideau", brisé cette inconscience temporaire de la mort qui nous permet d’avoir cette joie de vivre. Les victimes se disent alors "À quoi bon s’investir dans un métier ?" », ajoute l’avocate « en colère contre la communication et la dureté des positions du FGTI ».

Stress des enfants

Alors que des centaines d’enfants blessés physiquement et psychologiquement souffrent de stress post-traumatique, « les parents doivent les garder quand ils sont en crise et ne peuvent plus aller à l’école pendant des semaines », témoigne Hager Ben Aouissi, présidente de l’association la Voie des enfants.

Elle-même reste régulièrement à la maison pour s’occuper de sa fille Kenza, 10 ans, blessée dans l’attentat : « Tout cela a de graves conséquences sur la vie professionnelle et familiale et n’est pas indemnisé ».

Certaines victimes « actuellement n’ont aucun revenu et se retrouvent au Revenu de solidarité active à ne plus pouvoir payer leur loyer, dont une mère menacée d’expulsion », confie encore Mme Rouibah. Une partie de ces personnes « ne se sentent plus prioritaires, la mairie de Nice et les services sociaux leur disent qu’ils doivent maintenant s’occuper des Ukrainiens », ajoute-t-elle.

« S’il y a bien une ville où l’on prend en charge les victimes, d’où qu’elles viennent, quand elles s’adressent à nous, c’est Nice », réagit Martine Ouaknine, adjointe au maire chargée de la maison des Victimes. Avec le procès, « il y a des réactions exacerbées et excessives, je les pardonne, mais n’exagérons pas ».

Crédit photos : Article par AFP sur lavoixdunord.fr 06/09/2022

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