AU PROCÈS DE L’ATTENTAT DE SAINT-ÉTIENNE-DU-ROUVRAY, L’INVENTAIRE DES ALERTES MANQUÉES

Les débats se sont focalisés mardi 1er mars sur une note de renseignement qui n’a pas eu de suite. Les dysfonctionnements de la police et de la justice ont été nombreux dans cette affaire qui a mené à l’assassinat du père Jacques Hamel.

« Vous ai-je dit qu’il n’y a pas de problème ? » Il y avait à la fois une sorte d’aveu et une marque d’exaspération dans la réponse de Françoise Bilancini à un avocat des parties civiles, mardi 1er mars, au procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray. La directrice du renseignement de la préfecture de police de Paris est restée trois heures à la barre, bombardée de questions sur une note de son service, en date du 22 juillet 2016, soit quatre jours avant l’attentat. Cette note, révélée début 2018 par le site Mediapart, identifiait Adel Kermiche comme l’auteur d’un texte sur la messagerie Telegram qui exhortait à commettre des attentats en France et citait une église comme une cible possible.

Cette note n’a pas eu de suite et des éléments d’information peuvent laisser penser qu’au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), on a ensuite cherché à postdater le document au 26 juillet. Ce qui aurait eu pour but de dissimuler une dramatique erreur d’appréciation sur le danger imminent que pouvait représenter Adel Kermiche.

Françoise Bilancini – qui n’était pas à la tête de la DRPP à l’époque, puisqu’elle a pris ses fonctions en avril 2017 – s’est employée à contrer l’idée d’une erreur d’appréciation sur le danger imminent que pouvait représenter Adel Kermiche. Parlant à mots couverts (il s’agit d’un service de renseignement), la policière a indiqué que l’agent de la DRPP ayant noué un contact avec Adel Kermiche était arrivé à la conclusion que ce dernier cherchait toujours avant tout à partir en Syrie et non à commettre un attentat. A posteriori, cela apparaît bien sûr comme une erreur de jugement. D’où, sans doute, la phrase de Françoise Bilancini : « Vous ai-je dit qu’il n’y a pas de problème ? »

Des alertes peu prises en compte

Mardi après-midi, le débat s’est poursuivi autour de cette note de la DRPP. Elle apparaît comme une cristallisation des occasions manquées dans la prévention de cet attentat. Car, depuis le début des débats, les indications sur des alertes ou des inquiétudes qui n’ont pas été suffisamment prises en compte se multiplient. Dès la première semaine des audiences, Nicole Klein, préfète de Normandie au moment de l’attentat, a dit, comme une évidence, qu’il était question d’Adel Kermiche presque chaque semaine lors de la réunion hebdomadaire de sécurité dans son bureau.

Lundi, le témoignage d’Aldjia Kermiche a mis en lumière ses démarches auprès du commissariat et de la mairie de Saint-Étienne-du-Rouvray pour demander, sans succès, de l’aide face à la radicalisation de son fils. Mais on peut citer aussi des faits similaires concernant deux des accusés du procès. La démarche de la mère de Jean-Philippe Steven Jean-Louis au commissariat de Villeparisis, prévenant qu’il voulait partir en Syrie. Un beau-frère s’inquiétant en juin 2016 du comportement de Farid Khelil auprès de la police.

Au procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, ceux qui n’ont rien dit
Si le débat d’hier s’est focalisé sur le renseignement policier, il faudrait également évoquer les erreurs du côté de la justice, comme l’a mentionné mardi une des avocates générales. Il est surprenant qu’Adel Kermiche ait pu être placé en liberté provisoire sans un suivi étroit de sa situation. Or le service chargé de ce suivi envisageait, dix jours avant l’attentat, d’espacer davantage les contacts. Et, dans un rapport transmis le 26 juillet, ce même service affirmait à propos d’Adel Kermiche : « Son discours sur la religion ne démontre pas une idéologie extrémiste. »

Françoise Bilancini, patronne de la DRPP, a insisté mardi matin sur le fait que, depuis 2016, les procédures avaient été perfectionnées, notamment en termes de coordination des différentes instances du renseignement anti-terroriste. Et souligné la difficulté pour les services de police d’ajuster leur réponse à une menace dont les formes ne cessent de changer.

Crédit photos : Date : 01/03/2022 Auteur : Guillaume Goubert Source : LaCroix.com

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