CATASTROPHE FERROVIAIRE DE BRÉTIGNY-SUR-ORGE : AU PROCÈS, LES VICTIMES RACONTENT LE "CHAOS"

La voix nouée par l’émotion et les yeux souvent embués par les larmes, les parties civiles ont commencé à raconter mardi 31 mai 2022 au tribunal d’Évry les conséquences sur leur vie de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, qui a fait 7 morts et des centaines de blessés en 2013.

C’est Jean-Luc Marissal, le vice-président de l’association des victimes de Brétigny (EDVCB), qui le premier a pris la parole pour lire la lettre d’une victime une femme d’une soixantaine d’années, incapable de se rendre au procès car encore trop bouleversée.
Lire aussi : Catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge : cinq questions sur le procès
Cet après-midi du 12 juillet 2013, Dominique se trouvait à bord du train Intercités Paris-Limoges, voiture 2, place 32, « adossée au petit espace à bagages ». En traversant la gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne), quand une éclisse, sorte de grosse agrafe reliant deux rails, se retourne et provoque le déraillement du train, elle voit « un monsieur éjecté de son siège ».

Elle se souvient du « bruit, de la montagne de ferraille »

Dominique se souvient encore « du bruit, du chaos, de la montagne de ferraille » qui l’entoure. Dans ce wagon renversé où il n’y a « plus de plancher », elle a dû « ramper pour sortir », passant à côté de « cette dame dont (elle) était persuadée qu’elle n’avait plus de jambes ». Marquée physiquement – « les fractures, les hématomes » – et psychologiquement – « des crises d’angoisse qui arrivent et resteront » – elle en a pour trois ans de kiné et deux ans d’arrêt de travail.
« Depuis deux mois », a-t-elle encore expliqué dans sa lettre lue au tribunal, « je travaille à rentrer dans la gare, aller sur les quais, sans train puis avec train ».
« La première tentative avec un train qui arrive a été terrible », raconte-t-elle, décrivant des » fourmis dans les jambes » au moment de l’arrivée de la locomotive. « La prochaine étape sera de faire un trajet court », espère-t-elle, un « Libourne-Bordeaux ». L’arrivée du procès a particulièrement perturbé Dominique, qui se demande encore, « Pourquoi eux et pas nous ? », en pensant aux morts.

Ces victimes ne prennent plus le train

D’âges, parcours ou professions différents, la douzaine de parties civiles qui se sont exprimées mardi ont en commun un même traumatisme et une peur des trains qui persiste.
Un des blessés, Philippe, a expliqué dorénavant voyager très tôt pour dormir dans le wagon. Quand cela n’est pas possible, il prend des somnifères. « Mais je me réveille toujours en sursaut quand je passe à un aiguillage », a-t-il précisé. C’est sur un tel appareil de voie qu’une éclisse, sorte d’agrafe métallique, s’est retournée, provoquant la catastrophe le 12 juillet 2013.
Quand il vient à Paris, cet homme prend la voiture. « J’ai tout faux, je le sais, a-t-il reconnu, conscient des risques d’accident automobile. Mais j’ai plus confiance en moi et en ma conduite qu’en la SNCF ». Nathalie, enseignante, aurait dû prendre le train précédent. En retard, elle est finalement montée dans l’Intercités Paris-Limoges 3657, qui a quitté la gare d’Austerlitz à 16 h 53 avant de dérailler à 17 h 11 à Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne.

« Je me suis dit’’c’est pas grave c’est les vacances, j’ai un billet échangeable, il n’y a pas mort d’homme’’ », a-t-elle expliqué, des trémolos dans la voix. Quand elle se lève pour se rendre aux toilettes, elle sent « de grosses secousses ». Elle se retrouve « ballottée, cognée ».
Très vite, « des gens sont venus pour nous aider à sortir, ils nous ont dit de ne pas regarder par terre ». Elle appelle alors son compagnon et lui annonce que le train a déraillé. Ce dernier ne comprend pas immédiatement, pensant d’abord que c’est une métaphore. À ce jour, Nathalie ne reprend toujours pas le train. « Mais la voiture c’est pas toujours pratique, surtout sur Paris », sourit-elle.

Une trentaine de parties civiles attendue à la barre

Après son témoignage, d’autres parties civiles, des blessés ou des familles des personnes décédées pendant l’accident, ont pris la parole.

Plus d’une trentaine d’entre elles doivent s’exprimer pendant trois jours, après six semaines d’audiences plutôt techniques. En tout, 435 victimes ont été identifiées et parmi elles, 184, dont 9 personnes morales, se sont portées parties civiles.
« C’est le parcours du combattant pour les victimes, a regretté Jean-Luc Marissal, le vice-président de l’association des victimes de Brétigny (EDVCB). Beaucoup de personnes ont abandonné car elles n’avaient pas de soutiens, elles n’avaient pas la force, et je les comprends », a-t-il ajouté.
Le cadre qui a réalisé la dernière tournée de surveillance, SNCF Réseau (ex-RFF) et la Société nationale SNCF sont jugés jusqu’au 17 juin pour « homicides involontaires » et « blessures involontaires ».

Crédit photos : Date : 31 mai 2022 Auteur : Ouest-France avec AFP Source : Ouest-france.fr

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes