DE NOUVELLES RÉVÉLATIONS SUR LES CAUSES DU CRASH DU PARIS-LE CAIRE D’EGYPTAIR

La chape de plomb sur les causes des accidents aériens est une spécialité égyptienne. Après le crash de Charm el-Cheikh en 2004, les familles de victimes vivent un scénario similaire avec la disparition en Méditerranée d’un A320 d’Egyptair. Lors de ce vol MS 804 Roissy-CDG-Le Caire, le 19 mai 2016, on déplore la mort de 66 personnes, dont 15 Français. Les deux enquêtes – judiciaire et technique – sont plus ou moins bloquées par les autorités égyptiennes.

Comme le veulent les règles de l’aviation civile internationale, l’Égypte dirige l’enquête technique qui vise à améliorer la sécurité et éviter qu’un tel drame ne se reproduise. Outils majeurs de cette expertise, les deux enregistreurs de vol ont été récupérés en mer en mauvais état, mais ont néanmoins pu être lus par le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile) du Bourget, un des rares laboratoires au monde capables de décrypter des boîtes noires en déshérence.

Mais le bureau est censé laisser aux enquêteurs égyptiens la maîtrise de la communication sur le contenu (données FDR, voix et bruits CVR) des enregistreurs. C’est pourquoi la justice française doit finalement faire saisir au Bourget l’enregistreur vocal CVR pour le mettre à la disposition des experts judiciaires dans le cadre de l’enquête sur homicide involontaire. Leur rapport a été remis le mois dernier à la cour d’appel de Paris et notre confrère italien Corriere della Sera en a pris connaissance. Il en ressort deux conclusions majeures.

Le pilote fumait

L’incendie à l’origine du crash a été favorisé par la fuite d’un masque à oxygène (sifflement entendu sur le CVR). Ce masque du copilote avait été échangé et mal vérifié lors de l’escale à CDG. L’ensemble de l’expertise pointe d’ailleurs de nombreux dysfonctionnements opérationnels et de sécurité d’Egyptair. L’avion, présentant trop de défauts, n’aurait jamais dû être déclaré « bon pour le vol » avant cet aller-retour vers la France. La présence de cendriers, largement utilisés au point d’avoir été récemment remplacés, a orienté les experts vers une cigarette fumée dans le cockpit ayant déclenché l’incendie. Depuis, les cockpits des avions d’Egyptair sont « no smoking », comme c’est le cas depuis longtemps dans la majeure partie des compagnies mondiales.

Du côté de l’enquête judiciaire égyptienne, la thèse officielle veut qu’il y ait eu une explosion, à la suite d’un attentat terroriste (non revendiqué). L’effet de la bombe n’apparaît pourtant pas sur les enregistreurs et, à l’autopsie, aucun corps ne présente de trace de brûlure. Les débris de l’avion repêchés infirment aussi cette affirmation qui a l’avantage de reporter, en cas d’attentat, la responsabilité sur les contrôles de sûreté au départ du vol à Roissy-CDG. Cela permet à la justice de classer l’affaire avec le secret-défense lié au terrorisme. En plus, ni Egyptair ni l’aviation civile égyptienne ne peuvent être inquiétées.
Habituelle réticence égyptienne

Pour les experts français des accidents aériens, cette réticence des autorités égyptiennes à collaborer n’est pas nouvelle. On se souvient des atermoiements lors du crash du Boeing 737 du charter égyptien Flash Airlines peu après son décollage de Charm el-Cheick vers Roissy-CDG le 3 janvier 2004. Le bilan s’établit à 148 morts, dont 134 passagers français et 13 membres d’équipage. Le rapport final égyptien ne dégage pas de cause à la catastrophe. Très critiqué, il est jugé non recevable par la communauté internationale.

Le manque de formation du commandant de bord, intouchable car ancien héros de la guerre des Six Jours, les 500 heures seulement de vol et la désorientation spatiale du copilote lors d’un virage de nuit sont quelques-unes des causes du crash qui apparaissent dans un océan de défaillances de la compagnie et de l’aviation civile. Après cet accident, l’Union européenne a établi une liste noire des compagnies aériennes à éviter dans le monde qui est mise à jour régulièrement.

Mais la révélation trop publique des causes de cet accident d’Egyptair qui montre le laisser-aller de la compagnie nationale et sa responsabilité ainsi que le laxisme de la tutelle risque-t-elle de contrarier la bonne entente diplomatique avec l’Égypte, gros client de l’industrie d’armement française ?

Date : 28 avril 2022
Auteur : Thierry VIGOUREUX
Source : Lepoint.fr

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