Hommage aux victimes du terrorisme : Le 19 septembre laisse désormais place au 11 mars

Comme chaque année depuis plus de vingt ans, la date du 19 septembre a vu se tenir l’hommage aux victimes du terrorisme organisé par l’AfVT et la FENVAC autour de la statue « Parole portée » aux Invalides.

Présidée par Madame BELLOUBET, Garde des Sceaux, en présence de Madame PELSEZ, Déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, et de nombreuses autorités civiles, diplomatiques et militaires, la dernière édition de cette cérémonie a réuni plus de 400 personnes : victimes, proches de victimes et citoyens solidaires.

Ces retrouvailles en hommage aux victimes du terrorisme étaient empreintes de nostalgie, celle d’une tradition qui prend fin. En effet, le 19 septembre 2019 a marqué la clôture définitive de cette cérémonie commémorative d’initiative associative remplacée à partir du 11 mars 2020 par une journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme tel que décidé par le Président de la République.

La FENVAC, qui a fait de la mémoire un pilier de son action, participe et continuera à participer à toutes les concertations autour de la question mémorielle pour que la nouvelle date dédiée aux victimes du terrorisme en France et à l’étranger reste synonyme d’unité et de solidarité.

Retrouvez le discours du Président de la FENVAC, M. Pierre-Etienne DENIS, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme du 19 septembre dernier ;

« Madame la Garde des Sceaux,

Victimes et proches de victimes,

Mesdames, Messieurs,

MADAME LA GARDE DES SCEAUX, Laissez-moi tout d’abord - au nom de nos deux associations - vous remercier très chaleureusement pour votre présence à cet hommage national aux victimes du terrorisme.

VICTIMES ET PROCHES DE VICTIMES, mes amis présents aujourd’hui. Comme chaque année, je veux vous saluer avec fraternité et amour en espérant que cette cérémonie de mémoire et d’hommage vous apporte un peu d’apaisement.

Mais je pense aussi à toutes celles et à tous ceux qui ne sont pas parmi nous.

Certaines/certains vont mieux et cherche à passer à autre chose et c’est tant mieux… le signe pour tous que la résilience est une voie longue et difficile - toujours partielle car on n’oubliera jamais -mais possible. Une lumière qui luit dans les ténèbres.

A l’inverse, beaucoup d’autres restent trop marqués pour venir ou n’en éprouvent pas le besoin, encore en soins, confrontés à la vie quotidienne toujours trop compliquée 1 an, 3 ans, 10 ans après. Les accidents de la vie ne manquent pas à ceux qui ont déjà subi les actes de terrorisme.

J’ai aussi une pensée toute particulière et pleine d’émotion pour Tahar Mejri père et mari de deux victimes de l’attentat du 14 juillet à Nice, mort de chagrin… oui de chagrin en juillet dernier, il ne pouvait plus vivre sans sa femme et son petit bonhomme de fils assassinés ce jour funeste.

Enfin, comme l’année dernière, je n’oublie pas Sophie PETRONIN otage depuis le 24 décembre 2016. Agée, gravement malade, elle manque terriblement à sa famille mais aussi à notre collectivité nationale.

Nous venons d’entendre ces témoignages et ces rappels, ces récits suscités par la souffrance. Chaque année, je suis frappé par la dignité des victimes et des familles. C’est important de les écouter et de les entendre - Parler fait du bien mais rappelle aussi concrètement à ceux qui les écoutent la réalité qu’elles vivent au quotidien, se débattant dans un univers qui n’est plus le leur, les valeurs ont changé : poursuivre leur chemin, savoir la vérité, obtenir justice, ne pas oublier.

Aujourd’hui c’est une cérémonie bien particulière puisque c’est la 22ème et dernière fois que se tient un hommage national aux victimes du terrorisme en cette date du 19 septembre et peut-être en ce lieu pourtant si symbolique.

Créée en 1998 à l’initiative de SOS Attentat poursuivie par AFVT puis rejoint par la FENVAC, cette journée du 19 septembre s’est toujours voulue un lieu d’expression directe des victimes et des associations de victimes. Elle est devenue au fil du temps un repère et un lieu précieux d’échange, de dialogue indispensable.

Désormais, et après une concertation dont je souligne la qualité - la journée nationale en hommage aux victimes du terrorisme se tiendra le 11 mars, journée européenne du terrorisme organisée par les pouvoirs publics. Cela est positif car cette journée d’hommage et de mémoire s’inscrit ainsi définitivement dans la durée et le calendrier républicain.

Ainsi le même jour, l’hommage, la mémoire des victimes du terrorisme réunira tous les pays de l’UE ; un beau symbole pour honorer toutes les nationalités que le destin avait choisi de réunir pour le pire - sous la menace des assassins - au Bataclan, sur la prom ou sur les ramblas notamment, mais aussi à Ouagadougou, au Caire ou à Londres par exemple.

Nous serons bien entendu attentifs à ce que chaque 11 mars la parole des victimes et des associations de victimes restent très présentes. Un tel hommage c’est précieux, c’est du soin apporté aux victimes et aux familles, c’est aussi de la prévention et c’est enfin un lien fort entre la collectivité humaine nationale et ceux qui ont été frappés lâchement et qui ont besoin d’aide, d’accompagnement et de compréhension.

Comment pourrait-il en être autrement ?

Si en tout homme existent des fragilités, devenir victime d’un attentat est proprement inhumain et l’on plonge immédiatement dans la vulnérabilité, l’état de faiblesse.

Sur les lieux, on subit l’attentat avec sa brutalité. Et pour ceux qui survivent, commence l’interminable traumatisme physique et psychologique, la souffrance dans son corps et les visions récurrentes de l’indicible, l’épreuve des soins, de la rééducation ; en fait une nouvelle vie infligée et les questions longtemps sans réponses…

Hors des lieux, on apprend l’attentat par les médias ou le téléphone. On s’inquiète car on sait qu’un proche était dans la ville, dans l’avion, dans la salle. On se rend au CAF (centre d’accueil des familles) pas encore en mesure de donner des réponses (il faut vérifier, être sûr pour ne pas faire encore plus de mal). Dans l’attente, on fait la tournée des hôpitaux inlassablement, on téléphone. Puis c’est le soulagement ou au contraire le sol se dérobe… là aussi une nouvelle vie infligée et les questions longtemps sans réponses…

S’y ajoute les JT qui toutes les 10 minutes nous bombardent, les univers nouveaux pour nous de l’assurance, de la justice et dans cet état de faiblesse, nous victimes sommes assaillies de décisions à prendre et de questions, encore ces questions et de l’incertitude et du stress et de la souffrance.

« Savoir s’il faut se porter partie civile tout de suite » – « s’il faut prendre un avocat – lequel – le coût »

Mais surtout

« Quand vais-je récupérer le corps » … « Dois-je organiser une cérémonie en attendant ? »

« J’ai peur des expertises – je ne supporte pas les expertises. »

« Je suis au fond… », « j’ai peur de ne pas y arriver… » « je ne survivrai pas à cela … » « Pourquoi ? »

Pour répondre à cette détresse infinie, de grands progrès ont été réalisés depuis deux décennies sur les dispositifs d’aide aux victimes, qui notamment en termes de terrorisme prennent en charge nombre de frais. Et de la prise en charge par le FGTI qui progresse elle aussi lentement. Il y a une volonté réelle de l’Etat.

Mais beaucoup reste encore à faire, notamment en termes de relation humaine, de lien, dès les premiers instants avec les victimes.

Et c’est là que l’entraide des associations de victimes, l’altruisme prend tout son sens et j’insiste qu’il est irremplaçable.

Accompagner ce n’est pas seulement informer ou parler mais c’est aussi rassurer en expliquant concrètement de victime à victime ce que nous avons-nous même subi à l’époque, ressenti à l’époque, les décisions que nous avons prises, et la manière dont nous l’avons vécu à l’époque, comment nous le vivons aujourd’hui.

Faire de la défense des droits puisque nous sommes partie civile – accompagner la création de l’association.

Il n’y a rien de plus rassurant pour les victimes en pleine détresse que d’entendre des personnes qui ont déjà vécu le parcours, expliquer ce qui va se passer, quelle va être la conséquence de leur action, de leur acceptation, de leur engagement et de leur association… Montrer que nous avons réussi quelques années après à aller un peu mieux, un peu moins mal.

C’est pour cela que nous insisterons toujours pour que les associations de victimes soient aux cotés des associations du réseau France Victimes dès les premiers moments… « en même temps ! ». Nous sommes complémentaires et non pas supplétifs.

Cette complémentarité c’est une chance pour les victimes et nous devons encore travailler sur ce point car c’est la clef pour que l’humain reprenne le dessus sur la barbarie autant que faire se peut. Et cela c’est une magnifique mission collective.

Toutes les victimes du terrorisme doivent être accompagnées de la même manière y compris pour les événements intervenus à l’étranger.

Je pense à elles et aux familles qui ont été touchées depuis tant d’années en France et à l’étranger.

Je passe la parole à Guillaume auquel j’exprime ainsi qu’à son association toute ma sympathie.

Il y a 30 ans ce jour il perdait son père - Il y a eu 20 ans cette année je perdais mes proches … nous n’avons pas besoin de nous parler pour nous comprendre.

Je vous remercie pour votre attention. »

Photos : Michel POURNY

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