IL Y A 20 ANS À NANTERRE, HUIT ÉLUS ÉTAIENT TUÉS DANS UNE FUSILLADE EN PLEIN CONSEIL MUNICIPAL

Il est 01H00 du matin, en cinquante secondes, Richard Durn, visage impassible, fait feu à 37 reprises, et blesse également 19 personnes, 18 élus et un employé municipal.

Stupéfaction, panique dans ce conseil municipal. Certains élus tombent, d’autres se cachent sous les pupitres.

Le tireur vise la maire communiste Jacqueline Fraysse-Casalis. Elle échappera à ces balles.

"Couchez-vous !", crie celle qui préside alors le conseil municipal, alors que le tireur avance dans les travées de la salle.

Un élu lui jette une chaise, sans succès. Un autre tente de le ceinturer mais déjà, les chargeurs sont vides et huit personnes sont mortes. Le forcené extirpe tant bien que mal une nouvelle arme d’une poche et tire encore. C’est un revolver de gros calibre qu’il vide à son tour, blessant encore élus, employés.

"J’ai tenté de le neutraliser mais j’ai repris deux balles, une dans le ventre et une dans la main", se souvient auprès de l’AFP Patrick Jarry, maire actuel DVG de Nanterre, déjà blessé par deux premières balles dans la jambe et l’épaule.

Scène "d’attentat"

Avant lui, Gérard Perreau-Bezouille, alors adjoint aux finances, se jette le premier sur l’assaillant, "un fou", et le frappe violemment. "Quand j’ai arrêté il m’a tiré dessus, me blessant au ventre à deux reprises", raconte-t-il, toujours marqué psychologiquement vingt ans après.

Ce soir-là, l’ancien élu a été confronté à sa "propre violence", "une violence que je ne me connaissais pas", dit-il aujourd’hui.

La scène ressemble à un "lieu d’attentat", selon un responsable Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui est intervenue juste après les faits.

Dans la salle, aujourd’hui entièrement réaménagée et sécurisée, personne ne comprend. "Il n’y avait pas eu de débats vifs", lors du conseil avait expliqué la maire à l’époque. Le tueur a même discuté avec plusieurs personnes, dont des élus, et les victimes ont manifestement été visées au hasard, sans considération de leur appartenance politique.

"Il n’y avait aucune tension dans la ville, pas de menaces contre des élus, c’est le geste d’un fou qui aurait pu faire une fusillade sur le marché quelques jours avant, c’était un prétexte pour faire le plus de victimes", affirme aujourd’hui Gérard Perreau-Bezouille.

Maitrisé puis interpellé, le tireur est rapidement identifié par la brigade criminelle parisienne : Richard Durn, 33 ans, sans emploi, vivant seul avec sa mère dans un pavillon de Nanterre.

Suicide au 36

Grand maigre à lunettes, licencié en histoire et en sciences politiques, il a ni ami ni travail. Il a milité pour le PS, pour les écologistes, pour la Ligue des droits de l’homme, mais sans jamais être vraiment ni intégré ni reconnu nulle part.

C’est quelqu’un de familier des séances municipales et participe activement à la vie politique locale, notamment au dépouillement lors des élections.

Inscrit dans un club de tir des Hauts-de-Seine, il est licencié de la Fédération française de tir et détient des autorisations de détention d’armes.

Face aux policiers de la brigade criminelle, Durn avoue tout et explique qu’il a tenté ainsi de se faire tuer. Interrompu pour la nuit, l’interrogatoire reprend le lendemain matin et Durn est de nouveau loquace, expliquant notamment être sous anti-dépresseurs.

Et subitement, à 10H15, se levant d’un bond, il saute par la fenêtre du 4e étage, dans la cour du 36 quai des Orfèvres et meurt sur le coup.

En pleine campagne présidentielle, Lionel Jospin, alors Premier ministre et candidat qualifie la fusillade de "tragédie affreuse", ajoutant que le tueur était atteint de "démence furieuse".

De son côté, Jacques Chirac alors président-candidat y voyait un "acte de folie meurtrière commis avec des armes très sophistiquées".

Il avait également relié la tuerie au problème de l’insécurité, thème phare de sa campagne : "L’insécurité, ça va de l’incivilité ordinaire au drame que nous avons connu cette nuit", avait-il déclaré.

"J’appréhende ces commémorations car j’ai peur que ce soit récupéré par certains candidats de droite pour en faire des arguments de campagne, cela va être un moment difficile", redoute l’ancien élu et survivant Gérard Perreau-Bezouille.

Crédit photos : Date : 27 mars 2022 Auteur : AFP Source : France 24

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