PROCES 13 NOVEMBRE : POUR LES VICTIMES, C’EST "LA FIN D’UN SPRINT" ET "LE DEBUT D’UN MARATHON"

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Hélène Sergent, Publié le 08/09/21 à 20h07

Le procès des attaques terroristes du 13 novembre 2015 s’est ouvert pour neuf mois, mercredi 8 septembre 2021, devant la cour d’assises spécialement composée de Paris.
Vingt personnes sont jugées dans ce dossier mais 14 seulement seront présentes dans le box des accusés.
Pour la première fois, toutes les parties – accusés, avocats, magistrats et parties civiles – se sont retrouvées dans la salle d’audience spécialement construite pour accueillir ce « procès historique et hors norme ».

A la cour d’assises spécialement composée de Paris,

Dans les couloirs de l’historique palais de justice de Paris, île de la Cité, les robes noires affluent ce mercredi matin. Chargés de représenter les près de 1.800 parties civiles au procès des attentats du 13-Novembre qui vient de s’ouvrir, rares sont les avocats accompagnés de leurs clients ou clientes. « Pour beaucoup de victimes, cette première journée, c’est de la technique judiciaire et ce n’est pas encore leur moment », justifie Arthur Dénouveaux, le président de l’association Life for Paris. Les premiers jours de ce procès fleuve seront en effet consacrés à l’appel des témoins et parties civiles.

Pour autant, cette date reste « exceptionnelle » aux yeux de ce trentenaire victime de l’attentat commis au Bataclan (11e). « Je suis là parce que c’est important, c’est un symbole fort. C’est aussi la fin du sprint de la préparation du procès et c’est le début du marathon. Il y a une forme d’adrénaline », poursuit-il face à la nuée de caméras installées à quelques mètres de la salle d’audience spécialement construite pour l’occasion. Aux prémices de ce « procès hors norme et historique », comme l’a qualifié le président de la cour d’assises spécialement composée, les parties civiles attendent désormais un procès « exemplaire ».

Des attentes très différentes

Paul-Henri Baure était au Stade de France le soir du 13 novembre 2015. « J’étais chargé de la sécurité, porte H quand un terroriste s’est fait sauter à moins de dix mètres de nous », explique-t-il. Blessé aux pieds et à une cheville, il a subi une importante perte d’audition. Pendant trente mois, ce professionnel qui travaille toujours dans la sécurité, a été contraint d’arrêter son activité. Devenu depuis membre de l’association 13Onze15, Paul-Henri Baure a tenu à faire le déplacement ce mercredi matin. Cordon vert autour du cou – ce qui signifie qu’il accepte d’échanger avec les journalistes – et costume sombre sur le dos, l’homme assure dans un rire franc « se sentir très bien » à quelques minutes du début de l’audience.

Contrairement à Arthur Dénouveaux qui explique « ne rien attendre » des accusés dans le box, Paul-Henri, lui, confie : « J’attends qu’ils se repentent (…) même si c’est peu probable, il le faut ». Selon l’avocat Gérard Chemla qui défend 130 victimes dans ce dossier, les espoirs de ses clients diffèrent pour chacun d’entre eux : « Certains attendent qu’on ne leur en parle pas trop et que le procès se passe. D’autres vont attendre que des face-à-face aient lieu, que des questions soient posées. » « Parmi les 800 victimes que nous avons accompagnées, il y a celles qui attendaient l’audience avec impatience et qui sont extrêmement documentées. D’autres font un déni total et ne veulent pas en entendre parler », constate également Marie-Claude Desjeux, présidente de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac).

Une réponse à la barbarie

En revanche, avocats comme parties civiles s’accordent sur un point : cette audience doit se dérouler dans les meilleures conditions possibles. « Il faut qu’on arrive à remettre de la dignité, de l’humanité et un petit peu de hauteur de vue dans ce qui va être le procès d’un des crimes les plus abominables que nous ayons connu en France et que nous puissions vraiment y répondre par une expression démocratique », espère Me Gérard Chemla. Très émue, Marie-Claude Desjeux abonde : « Ce procès se doit d’être exemplaire. La seule façon de répondre à la barbarie, c’est par l’expression de la démocratie. »

Un exercice d’exemplarité auquel les parties ont dû se plier dès ce premier jour. Comme lors de son procès à Bruxelles en février 2018, le principal accusé Salah Abdeslam s’est présenté d’emblée comme « combattant de l’Etat islamique ». Des mots qui ont suscité que peu de réactions dans la salle. Après le malaise de l’un de ses coaccusés, le seul survivant des commandos du 13-Novembre a réitéré, livrant une virulente diatribe religieuse. Très calme, le président de la cour d’assises spécialement composée a simplement rappelé à Salah Abdeslam qu’il se trouvait devant un « tribunal laïque ». Quelques heures plus tôt, juste avant d’entrer dans la salle, Arthur Dénouveaux avait prévenu, à l’attention du box : « Nous, on ne veut rien devoir à ces gens-là et on ne veut pas d’interaction avec eux. On est là pour raconter ce qu’on a subi, pour raconter le chemin de résilience collective et ensuite on laissera la justice faire son travail. »

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