PROCÈS DE SAINT-ÉTIENNE-DU-ROUVRAY : LES CAGNOTTES D’UN DES ACCUSÉS EN QUESTION

L’implication de Jean-Philippe Jean Louis a été au cœur d’une enquête, qui a été révélée ce lundi 21 février

Loin du rôle de « modérateur » qu’il prétend avoir joué, Jean-Philippe Jean Louis, l’un des accusés au procès de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, était pleinement impliqué dans le soutien au djihadisme, notamment via la création de cagnottes en ligne, a estimé lundi 21 février un enquêteur.

Au cours de l’enquête sur l’assassinat du père Hamel en juillet 2016, ce jeune homme aujourd’hui âgé de 25 ans, administrateur d’une chaîne sur la messagerie cryptée Telegram, a affirmé qu’il cherchait à y « dialoguer » avec les djihadistes, en « reprenant leur façon de parler » pour changer leur « vision des choses ».

Mais aucun témoignage des personnes abonnées à cette chaîne ne vient confirmer cette version, a souligné un enquêteur de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire, devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Cagnotte en ligne

Au contraire, sa chaîne, « Ansar At Tawhid », avait « une véritable notoriété » dans la jihadosphère pour la diffusion de messages de propagande violents, la mise en relation de candidats au départ vers la Syrie et la diffusion de cagnottes de soutien.

Entre août 2015 et juillet 2016, quinze cagnottes en ligne sont ainsi créées avec ses identifiants, sous des intitulés vagues (« Aide pour notre sœur », « Aide pour tous ») ou trompeurs (« Fête chez moi »). Elles rassemblent chacune quelques dizaines à quelques centaines d’euros et bénéficient pour certaines au compte de Jean-Philippe Jean Louis (pour un peu plus de 2 500 euros), pour d’autres, à des tiers, comme « deux jeunes femmes belges connues pour leur radicalisation ».

Pour l’accusation, « ces cagnottes sont manifestement en lien et viennent en appui des projets djihadistes ».

Le policier antiterroriste souligne aussi qu’Adel Kermiche, l’un des deux assassins du prêtre, avait relayé plusieurs publications d’« Ansar At Tawhid » sur sa propre chaîne Telegram. Quant au second djihadiste, Abdel-Malik Petitjean, après avoir transmis au propagandiste Rachid Kassim sa vidéo d’allégeance au groupe État islamique, c’est sur la chaîne de Jean-Philippe Jean Louis qu’il lui demande de la diffuser.

L’exploitation de ses échanges sur Telegram a aussi mis en évidence qu’après un essai avorté pour rejoindre la Syrie, début juin 2016, « dès son retour sur le territoire national […], il a organisé une nouvelle tentative de départ, avec Abdel-Malik Petitjean et son cousin Farid Khelil », l’un des co-accusés. Dans ces messages, Jean-Philippe Jean Louis semble avoir « un rôle moteur », décrit l’enquêteur.

« Partir en Syrie, pour moi, (c’était) pour aider les gens et pour rejoindre Hanane », une jeune fille rencontrée sur Facebook et partie en Syrie début 2015, avait affirmé l’accusé à l’expert psychiatre rencontré en prison.

Si, dans ses messages, Jean-Philippe Jean Louis évoque « régulièrement son souhait de rejoindre » cette jeune femme, « ses motivations […] sont bien de rejoindre les groupes armés » des organisations djihadistes, estime l’enquêteur, citant sa volonté de trouver des « sœurs » pour partir, afin de ne pas faire « trop djihad », ou son message « On est des terroristes, oui, on terrorise l’ennemi ».

Du retard

Le projet tarde toutefois à prendre forme, notamment parce que le jeune homme, qui se sait désormais fiché, doit d’abord trouver des « faux papiers ».

L’un des enjeux du procès, prévu pour durer jusqu’au 11 mars, est de savoir s’il connaissait le projet des deux assassins du père Hamel, tués par les forces de l’ordre à leur sortie de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray.

L’enquête a notamment montré que quelques heures après être entré en contact avec Adel Kermiche sur Telegram, dans la nuit du 21 au 22 juillet, Abdel-Malik Petitjean recontacte Jean-Philippe Jean Louis lui affirmant vouloir « prendre un covoiturage » mais manquer d’argent, avant d’ajouter « j’ai un plan avec un frère […] je vais voir ça demain sur place ».

« Je vais faire une cagnotte », lui propose alors le jeune homme, qui la crée effectivement dans l’après-midi mais la supprime moins de 24 heures plus tard, sans rien dire à son interlocuteur.

« On peut y voir une prise de conscience sur la destination finale de ces fonds et qu’il apparaissait alors préférable de la faire disparaître », a analysé le policier antiterroriste.

Jugé pour « association de malfaiteurs terroriste », il encourt trente ans de réclusion.

Mardi, la cour examinera le rôle des deux autres accusés présents dans le box, Yassine Sebaihia et Farid Khelil. Le quatrième accusé, Rachid Kassim, est présumé mort en Irak en 2017.

Crédit photos : Date : 21/02/2022 Source : SudOuest.fr Auteur : Par SudOuest.fr avec AFP

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