La compagnie est condamnée à indemniser des victimes. La responsabilité d’Airbus n’est pas reconnue.
C’est la première condamnation d’Air France dans l’Hexagone dans le cadre de l’accident du vol AF 447. Le tribunal de grande instance de Toulouse a condamné mardi en référé la compagnie à verser des indemnités à plusieurs familles de victimes du Rio-Paris du 1er juin 2009. Celles-ci n’avaient jusqu’ici perçu que 16.500 euros de la part d’Axa, l’assureur d’Air France. Elles vont recevoir 126.000 euros, à titre de provision, en accord avec la convention de Montréal qui régit les catastrophes aériennes.
« Cette condamnation marque la fin d’une injustice, explique l’avocat d’une famille. Les sommes dues aux familles de victimes étaient restées jusqu’ici dans les fonds de placement des assureurs ». Cette première condamnation en faveur de cinq familles pourrait inciter d’autres victimes du vol AF447 à leur emboîter le pas. Pour l’instant, la majorité des familles est en négociation avec l’assureur d’Air France pour convenir d’une indemnisation forfaitaire sans en passer par une procédure civile. Une manière pour elles d’accélérer le versement des indemnités et pour Axa d’éviter la prolifération des décisions de justice ainsi que de limiter le risque financier.
Ce premier jugement porte sur « l’évidence » et non sur le fond. Le juge a appliqué la convention de Montréal, qui induit automatiquement le versement d’indemnités aux familles, quelle que soit par ailleurs sa responsabilité dans l’accident. Ces indemnités ne signifient donc pas encore que la compagnie est responsable. Les fautes vont devoir être déterminées par l’enquête judiciaire en cours. L’erreur de l’équipage qui a précipité la chute de l’appareil dans l’Atlantique sud n’a donc pas été évoquée à ce stade, pas plus que le possible rôle contributif des sondes Pitot, de l’ergonomie de l’Airbus ou de la formation des équipages. Le tribunal a établi qu’il n’y avait pas encore d’évidence sur les responsabilités du drame et a relevé des « dysfonctionnements non contestés » sans qu’un rapport de cause à effet puisse encore être établi avec l’accident, qui a coûté la vie à 228 personnes.
Le Brésil, eldorado intéressant
Contrairement à la demande de l’avocat des familles, le juge a donc tenu le constructeur à l’écart de la condamnation faute d’élément avéré sur l’implication de l’appareil dans le drame. L’avocat, Marc Fribourg, du cabinet Martin-Chico et Associés, a d’ores et déjà annoncé qu’il intenterait une action judiciaire au Brésil, où « les indemnisations de préjudice sont arbitrées plus favorablement qu’en Franc e ». La stratégie de plusieurs avocats de familles est en effet de tenter une exportation des procédures civiles hors de France, jugée souvent peu généreuse en matière d’indemnisation (voir ci-dessous). Des avocats ont tout d’abord essayé d’obtenir réparation aux États-Unis, pays qui indemnise à hauteur de 3 millions de dollars les victimes de catastrophes aériennes.
Ces démarches visaient à incriminer les systèmes embarqués de l’avion (les centrales Adiru) fabriqués par l’américain Honeywell et jugés responsables de la perte d’informations dans le cockpit ainsi que du décrochage de l’avion. Ces démarches se sont soldées par une fin de non-recevoir d’un tribunal de Californie. Les juges américains ont décidé que seules les familles américaines (il y en a deux) pourraient intenter une action en justice aux États-Unis dans le cadre de l’AF 447. Le Brésil pourrait donc être un eldorado intéressant : « Il indemnise de trois à quatre fois mieux les victimes d’accident, explique Marc Fribourg, et comme le vol a décollé de Rio, il est fort probable que les tribunaux brésiliens soient reconnus compétents ». Dès mars 2010, Air France avait été condamnée par la justice brésilienne à verser 1 million d’euros à la famille du procureur de l’État de Rio de Janeiro qui a péri à bord du vol AF 447.
Fabrice Amedeo - LeFigaro.fr publié le 12 juillet 2011