Après les attentats, la soirée shit et McDo de Salah Abdeslam avec des lycéens

Dans la nuit du 13 novembre, le seul membre vivant des commandos de Paris s’est réfugié dans la cage d’escalier d’une cité de Châtillon. Avant d’être exfiltré par ses amis vers la Belgique.

Le 13 novembre, comme bien des vendredis, Tom* squatte avec ses copains la cage d’escalier d’une des tours de la Cité Vauban à Châtillon, dans les Hauts-de-Seine. La petite bande de lycéens fume, discute, fait des allers-retours au McDonald’s situé juste en bas pour se ravitailler. Le soir des attentats de Paris, vers 1 heure du matin, un inconnu débarque au neuvième étage, connu pour être un lieu de trafic de shit. A la main, il tient un menu acheté au McDonald’s, et cherche un endroit calme pour manger et se reposer. Il est "sympa" et passera une partie de la nuit à fumer et discuter avec les lycéens, raconte Tom, que "l’Obs" a retrouvé et longuement interrogé.

Eux ne savent pas qu’il s’appelle Salah Abdeslam, et qu’il vient de renoncer (ou d’échouer) à activer sa ceinture d’explosifs en même temps que son frère et ses amis de Molenbeek. Cet épisode surréaliste contribue à épaissir encore le mystère qui entoure le seul membre vivant des commandos de Paris. Est-il un terroriste raté, démuni, qui se réfugie en urgence dans un immeuble de banlieue au lieu d’appliquer à la lettre les ordres reçus ? Ou le grand organisateur des attentats qui ont fait 130 morts ?

Salah Abdeslam, logisticien incontesté des tueries du 13 novembre, refuse de livrer ses secrets. Après son arrestation le 18 mars, à l’issue de quatre mois de cavale, il avait commencé à parler aux autorités belges, surtout pour raconter n’importe quoi… Mais depuis, devant les autorités françaises, il se tait.

Les joints tournent

Tom, 17 ans et élève en première, se souvient : "On mangeait notre McDo avec deux copains quand on l’a vu arriver vers 1 heure du matin. Il avait l’air d’un mec normal, qui n’a rien à faire. On a commencé à discuter, il était sympa, alors il est resté avec nous."

Au même moment, les sirènes de pompiers déchirent l’air de la nuit parisienne et des hôpitaux de fortune sont improvisés dans les bars du 11e arrondissement de Paris pour tenter de sauver les blessés. Salah raconte à ses nouveaux amis qu’il est allé voir des cousins à Barbès et que sa voiture a été immobilisée par la police. Tom poursuit : "Il voulait manger puis dormir je crois, alors il a demandé à un gars du McDo d’en bas de lui indiquer un endroit calme."

A moins que le petit voyou de Molenbeek n’ait demandé un endroit où acheter de quoi fumer du shit. Abdeslam n’a pas très faim et propose ses frites à ses nouveaux amis. Les joints tournent, les têtes aussi. Tom explique encore : "Il nous a beaucoup parlé de lui, il nous a raconté qu’il travaillait dans la maintenance des trams en Belgique. Il nous a parlé de sa fiancée, il nous a dit qu’il allait bientôt se marier."

Salah évoque en fait une vie révolue. Il a été licencié de la Stib (les transports bruxellois) en 2011. Trois jours avant les attentats, il a dit au revoir à sa petite amie.

Salah reste de marbre

Au cours de la discussion, les portables des lycéens ne cessent de vibrer : des alertes sur le bilan des victimes qui s’alourdit tout au long de la nuit. Salah ne laisse rien paraître. Il reste de marbre en regardant, derrière l’épaule d’un des lycéens, la vidéo amateur montrant les terroristes du Bataclan tirer sur les forces de l’ordre. Ni exalté, ni atterré, juste "curieux", se souvient Tom.

Vers 4 heures, la petite bande lève le camp. Salah se met en boule, dans un coin, pour dormir. Ses deux copains belges viendront le chercher au petit matin pour l’exfiltrer vers Bruxelles. Ils seront arrêtés plusieurs fois aux barrages mis en place par les autorités après les attentats, mais ne seront pas interpellés.

Comment Salah Abdeslam a quitté Paris

Quand Tom repense à cette soirée, le lycéen est persuadé qu’à ce moment-là, Salah portait encore son gilet d’explosifs. "Sa doudoune était gonflée, il avait un air bizarre."

Deux jours plus tard, les lycéens découvriront, éberlués, le visage de leur étrange compagnon d’une nuit sur un avis de recherche.

Source : NouvelObs.com
Auteurs : Violette Lazard et Vincent Monnier
Date : 15.06.2016

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes