Après Merah et avant Charlie : l’heure du procès pour la cellule terroriste de "Cannes-Torcy"

L’attentat contre l’épicerie juive de Sarcelles a eu lieu fin 2012 lorsque la menace terroriste était peu présente en France malgré les attentats de Toulouse et Montauban. Quatre ans plus tard, la vingtaine de jeunes hommes de la filière djihadiste "Cannes-Torcy" qui comparaissent actuellement dans l’affaire font figure de précurseurs.

Une semaine après l’ouverture du procès de la cellule djihadiste Cannes-Torcy, devant la cour d’assises spéciale de Paris, de nombreuses interrogations demeurent tant la gravité des faits reprochés aux vingt prévenus ne semble pas correspondre aux visages, encore enfantins, de certains jeunes conduits depuis le 20 avril dans le box des accusés. Les chefs d’inculpation parlent pourtant d’eux-mêmes : attentat à la grenade commis en 2012 contre une épicerie juive de Sarcelles (Val d’Oise), projet d’attentat contre une caserne militaire du sud de la France, départs en Syrie… A elle seule, la filière Cannes-Torcy condense ainsi dès fin 2012 quelques unes des principales obsessions des différentes cellules islamistes qui passeront par la suite à l’acte dans l’Hexagone. A cette différence près : l’immense hétérogénéité des profils qui composent le groupe.

Riches, pauvres, fils de parents musulmans, catholiques ou juifs, issus ou non de l’immigration, habitants des banlieues de Paris, de la cote d’Azur ou des quartiers chics de la capitale, convertis pour leur grande majorité, les vingt mis en cause, dont trois se trouvent actuellement en fuite, font en effet mentir les préjugés.

Attaquer "des militaires ou des sionistes"

La plupart des accusés, âgés aujourd’hui de 23 à 33 ans, originaires de Seine-et-Marne (Torcy) et des Alpes-Maritimes (Cannes), encourent par conséquent une peine allant de trente ans de réclusion à la perpétuité pour, entre autres, association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme, tentative d’assassinats, détention d’armes etc. En une semaine de procès (qui doit durer jusqu’au 21 juin), les dix-sept prévenus, anciens amis d’enfance ou voisins de quartier – radicalisés au contact du gourou du groupe, un certain Jérémie Louis-Sidney tué lors de son interpellation en octobre 2012 – n’ont toutefois pas tous fait preuve de la même attitude à l’égard des juges.

Si le principal accusé, Jérémy Bailly, 29 ans, considéré comme "le fidèle lieutenant sans scrupules" de Louis-Sidney s’est parfois montré agressif, en particulier face à l’avocat général et à son opinion dont il "n’a rien à cirer", d’autres ont en revanche exprimé des regrets. C’est notamment le cas de Kevin Phan, 23 ans, fils de parents bouddhistes réfugiés politiques, arrivés en France après avoir fui la dictature Khmer rouge au Cambodge.

"Droit dans sa chemise noire, toujours poli", rapporte l’AFP, Kevin Phan a effectivement présenté ses "sincères excuses" et dit son "dégoût" d’être "détenu pour des faits de terrorisme", lui qui "n’a jamais consulté un site djihadiste". Une image à rebours de celle véhiculée par Jérémy Bailly, le numéro 2 de la cellule qui avait en sa possession lors de son arrestation, en octobre 2012, tout le matériel nécessaire à la fabrication d’un engin explosif. L’arsenal découvert dans un box à son nom devait servir d’après ses propres aveux à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes".

Une virée radicale en camping-car

Concernant les militaires, l’attaque devait avoir lieu à l’été 2013. Des repérages avaient été effectués en ce sens par l’équipe "cannoise" aux mois de juillet et août, à Draguignan par exemple, soit plus de huit mois après que l’équipe de "Torcy" – d’où était originaire le gourou de la bande Jérémie Louis-Sidney - a attaqué à la grenade une épicerie juive de Sarcelles. L’attentat, commis le 19 septembre 2012, (jour de la publication de nouvelles caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo), par deux hommes aux visages dissimulés, n’avait par chance fait qu’un seul blessé léger. Jérémie Louis-Sidney et son lieutenant, Jérémy Bailly, sont soupçonnés d’en être les auteurs, bien que le second nie les faits.

La montée en puissance du groupe trouverait son origine dans une virée en camping-car sur la Côte d’Azur, à l’été 2012, peu après les tueries de Mohamed Merah, leur modèle. Jérémie Louis-Sidney, décrit comme "fanatique virulent et dangereux", avait emmené à l’époque quelques amis parisiens dans la région cannoise où résidait l’une de ses épouses. Garé devant la mosquée Al Madina de Cannes, il aurait alors peaufiné ses prêches et fini d’embrigader ses oies. Quatre partiront ensuite combattre en Syrie, mais toutes n’ont pas été si déterminées.

En témoigne l’attaque avortée d’un restaurant de l’enseigne McDonald’s en Ile-de-France. "Ce projet, qui devait avoir lieu le 3 octobre 2012, n’avait été abandonné qu’en raison de l’absence de Kevin Phan, lequel devait apporter l’essence mais ne s’était pas réveillé", écrivent de fait les magistrats instructeurs dans leur ordonnance de renvoi devant la cour d’assises spéciale de Paris…

Source : marianne.net
Auteur : Patricia Neves
Date : 28 avril 2017

Crédit photos : Source : marianne.net Auteur : Patricia Neves Date : 28 avril 2017

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