Sans aucun contrôle à quai, le tireur a pu monter à bord du Thalys muni d’un véritable arsenal. L’attaque déjouée d’un homme armé à bord d’un train reliant Amsterdam à Paris, vendredi 21 août, pose, désormais, la question de la sécurité dans les gares ferroviaires, bien plus difficile à assurer que dans les aéroports.
Quelques heures après cette attaque, le gouvernement belge a annoncé le renforcement du contrôle des bagages et l’intensification des patrouilles dans les Thalys et dans les gares. De telles mesures sont en effet décidées par les gouvernements et non par les compagnies ferroviaires.
En France, le secrétaire d’Etat chargé des transports, Alain Vidalies, a annoncé sur Europe 1 qu’il comptait renforcer « le contrôle aléatoire des bagages » en France, un dispositif déjà existant, qu’il considère comme « l’une des mesures les plus efficaces ».
Interrogé sur le risque de discrimination qui pourrait en découler, notamment en termes de « délit de faciès », M. Vidalies a répondu :
« Je préfère qu’on discrimine pour être efficace plutôt que de rester spectateur. »
Patrouilles renforcées
Depuis les attentats de janvier en région parisienne, sept mille soldats sont chargés de surveiller les lieux sensibles dans le cadre de l’opération « Sentinelle », et le plan « Vigipirate » a été relevé à son niveau maximal en Ile-de-France, avec des patrouilles fréquentes dans les gares et aérogares et davantage de contrôles d’identité.
Sans annoncer un nouveau dispositif, le premier ministre français, Manuel Valls, a indiqué que la SNCF allait « mettre en place un numéro national de signalement des situations anormales ». « Le 3117 existe pour les incivilités, il sera opérationnel pour ce nouveau dispositif le 1er septembre », a précisé le président de la SNCF, Guillaume Pepy, au Journal du dimanche.
M. Pepy a également rappelé que trois mille agents « spécialement affectés à la sûreté, armés et assermentés, qui travaillent en collaboration étroite avec la police ferroviaire sur tout le territoire », patrouillent actuellement dans les gares et les trains. Ces patrouilles devraient être renforcées, mais la nature de ce renforcement reste confidentielle. Enfin, une signalétique renforcée va être mise en place.
Trois mille gares à surveiller
« Je crois que la question d’étendre le système des aéroports aux gares, aujourd’hui, on ne peut pas dire que c’est réaliste », en raison du nombre trop important de voyageurs dans les gares, vingt fois plus que dans les aéroports, précise cependant le président de la SNCF. Le réseau ferroviaire français est constitué de trois mille gares, et cinq millions de Français empruntent chaque jour quelque quinze mille trains.
Quant à contrôler seulement quelques lignes à grande vitesse ou internationales, cela nécessite d’être, « comme Eurostar, dans un domaine complètement fermé. […] Soit vous êtes exhaustif, soit votre efficacité est faible ».
En France, gendarmes et militaires arpentent les quelque trois mille gares, arme à la main. C’est également le cas en Grande-Bretagne, où des membres de la British Transport Police (BTP) sont présents dans les grandes gares, souvent armés. Mais les voyageurs outre-Manche ne subissent pas non plus de contrôle des bagages avant d’embarquer à bord d’un train.
Même chose en Suisse ou en Allemagne, où la police fédérale a conclu en 2000 avec la Deutsche Bahn un accord prévoyant des échanges d’informations et de vidéosurveillance, ainsi que des actions de prévention. Les gares italiennes, connues pour leur désorganisation, soumettent les passagers, depuis le 1er mai et au départ de certaines grandes gares, à des contrôles de sécurité avant d’embarquer.
Seule l’Espagne, profondément marquée par les attentats du 11 mars 2004 à Madrid, qui avaient fait cent quatre-vingt-onze morts et près de mille neuf cents blessés dans quatre trains de banlieue, contrôle les bagages des passagers des trains longue distance, a expliqué l’établissement public espagnol chargé de gérer le réseau ferroviaire et la sécurité dans les gares (dministrador de infraestructuras ferroviarias).
Le cas particulier de l’Eurostar
Eurostar, filiale de la SNCF qui relie la Grande-Bretagne à la France, demande également à ses passagers d’arriver plus d’une demi-heure avant le départ du train et leur fait passer un contrôle de sécurité comme dans un aéroport. Mais cela est dû, d’une part, aux contrôles d’identité effectués pour entrer au Royaume-Uni, qui ne fait pas partie de l’espace Schengen, et d’autre part aux mesures de sécurité nécessaires avant d’emprunter le tunnel sous la Manche.
« Les gares sont des lieux extrêmement compliqués à gérer », car elles sont « anciennes, beaucoup plus ouvertes » que les aéroports, explique Marc Ivaldi, chercheur à l’Institut d’économie industrielle de Toulouse. Sécuriser l’ensemble des gares ? « A très court terme, c’est strictement impossible », juge-t-il, estimant que le coût en serait astronomique.
En effet, aux dépenses liées à l’installation de barrières et autres portiques s’ajouteraient celles induites par le personnel indispensable pour que les voyageurs ne fassent pas la queue pendant des heures avant d’embarquer. Marc Ivaldi estime pourtant qu’« on ne peut pas faire autrement que de sécuriser les Thalys et un certain nombre de TGV ».