Attentat de Magnanville : Le mystère de la trace d’ADN retrouvée reste entier

COMPTE RENDU Deux experts en empreinte génétique ont regretté vendredi de ne pas pouvoir expliquer comment et pourquoi l’ADN de Mohamed Lamine Aberouz s’était retrouvé dans la maison des deux policiers tués à Magnanville en juin 2016.

Le 13 juin 2016, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant adjoint du commissariat des Mureaux (Yvelines), et sa compagne Jessica Schneider, 36 ans, agent administratif dans un commissariat voisin, sont assassinés dans leur pavillon de Magnanville (Yvelines), sous les yeux de leur fils âgé alors de 3 ans. L’assaillant, Larossi Abballa, a été tué par le Raid.
Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, est jugé devant la cour d’assises spécialement constituée, à Paris, pour « complicité d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique », « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et « complicité de séquestration en relation avec une entreprise terroriste ». Le procès est prévu jusqu’au 10 octobre.
Au cinquième jour du procès, la cour a interrogé deux experts en empreinte génétique pour tenter de comprendre comment et pourquoi l’ADN de Mohamed Lamine Aberouz s’était retrouvé sur l’ordinateur appartenant aux victimes.

A la cour d’assises spécialement constituée,

Le docteur Olivier Pascal résume la position des experts en empreintes génétiques appelés à témoigner dans ce dossier. « On ne peut rien vous apporter, ni à l’accusation, ni à la défense », regrette ce vendredi matin le président de l’Ifeg, un laboratoire nantais qui analyse les scellés envoyés par les enquêteurs dans l’espoir d’y trouver des traces d’ADN. Ses explications et ceux de sa consœur du laboratoire de police scientifique de Paris, Florence Fournier, étaient pourtant très attendus par la cour d’assises spécialement composée devant laquelle est jugée Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans. Car si l’accusé, qui nie les faits, est jugé depuis cinq jours pour « complicité d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique », c’est notamment parce que son ADN a été retrouvé sur l’ordinateur portable du couple de policiers, tué par Larossi Abballa à leur domicile.

C’est « un service de police technique et scientifique de terrain » qui a effectué les prélèvements sur la machine de marque Packar Bell ainsi que dans la voiture du terroriste, indique à la barre Florence Fournier. Ils utilisent pour cela « un coton-tige imbibé de sérum physiologique ». Il suffit de « badigeonner la zone de prélèvement pour récupérer un maximum de cellules », poursuit l’experte. Les écouvillons ont ensuite été transmis au laboratoire de police scientifique de Paris afin d’être analysés. Sur l’ordinateur, les experts ont mis en évidence les profils génétiques des deux victimes, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, ainsi que celui de Larossi Abballa.

« M2 »
Mais ils ont aussi retrouvé, sur le repose poignet droit de l’ordinateur familial, et sur la ceinture de sécurité du siège passager avant de la Renault Clio du terroriste, une trace inconnue, numéroté « M2 ». Il s’agit d’un « profil pur », souligne Florence Fournier. C’est-à-dire que cette trace n’a pas été mélangée avec celle d’une autre personne. Elle est comparée avec celles contenues dans le Fnaeg (Fichier national des empreintes génétiques). Et en décembre 2017, un an et demi après les faits, les résultats tombent : cet ADN est celui de Mohamed Lamine Aberouz, qui avait été mis en examen en septembre 2016 pour non-dénonciation de crime terroriste dans une autre affaire et placé en détention provisoire.

Son ADN a été relevé à cette occasion. L’accusé a toujours affirmé qu’il se trouvait dans une salle de prières le soir du crime. Un alibi qu’aucun témoin n’a encore pu confirmer. Comment, alors, son ADN s’est-il retrouvé sur l’ordinateur ? « Je ne peux pas dire pourquoi ces cellules étaient présentes sur l’écouvillon quand il nous a été transmis » par les services de police, explique prudemment l’experte.

L’hypothèse d’un transfert d’ADN pas « exclu »
La défense de Mohamed Lamine Aberouz avance l’hypothèse « d’un transfert » d’ADN et non d’un « contact primaire ». Larossi Aballa aurait pu récupérer l’ADN de son ami d’enfance, soit en lui serrant la main, soit en touchant une partie de sa voiture sur lesquelles le profil génétique de l’accusé a été retrouvé. Le terroriste aurait ensuite déposé son ADN en manipulant le PC des victimes. Ses avocats, Mes Vincent Brengarth et Nino Arnaud, en veulent pour preuve qu’aucune autre trace ADN de leur client n’a été retrouvée, ni dans la maison des victimes, ni sur l’arme du crime, un couteau de boucher de 39 cm.

Une hypothèse que « n’exclut pas totalement » Florence Fournier, bien qu’elle ne soit pas la plus privilégiée. Le docteur Olivier Pascal ne dit pas autre chose à la barre. Pour lui, cette hypothèse d’un « transfert secondaire » est « très théorique ». « Il n’y a pas beaucoup de cas où on a pu le prouver », remarque-t-il, ajoutant qu’il était cependant impossible de « l’exclure » formellement. « On ne pourra jamais conclure scientifiquement à un transfert secondaire », regrette-t-il. Avant de conclure : « Scientifiquement, nous n’avons aucun élément pour aller dans un sens ou dans un autre. » L’expert laisse donc à la cour le soin d’interpréter ces résultats. L’ADN, rappelle-t-il, « ce n’est qu’un élément d’enquête. Nous en apportant une petite partie, mais c’est à vous d’assembler les pièces du puzzle ».

Cet article est rédigé par Thibaut Chevillard pour 20minutes.

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