ATTENTAT DE NICE : 15 ANS DE PRISON REQUIS CONTRE LES TROIS PRINCIPAUX ACCUSES

Au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, la journée de ce mardi a été dédiée au réquisitoire à trois voix de l’accusation. Après une première partie dédiée aux victimes et à leur souffrance, le parquet s’est attelé au fond du dossier, en détaillant les responsabilités qu’il attribue à chacun des huit accusés, dont trois étaient poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste ».

Avec notre envoyée spéciale à l’audience, Laura Martel

« Il n’y aura pas de citation, pas d’effet de manche : l’horreur est telle qu’elle impose la sobriété », débute l’avocate générale Alexa Dubourg l’une des trois représentantes du parquet national antiterroriste (Pnat), qui adresse « de cœur à cœur » son « infinie compassion » pour les victimes – toutes les victimes, souligne-t-elle.

« Celles qui ne sont plus là pour l’entendre », celles venues témoigner de « leur insondable souffrance » ou dont « les cris, à Nice, ont résonné jusqu’à Paris » poursuit-elle, comme celles qui ont « préféré se tenir loin de l’enceinte judiciaire ».

L’avocate générale s’appuie sur les témoignages déchirants entendus, évoque ce « temps impuissant à apaiser les traumatismes », « les deuils souvent impossibles », face notamment à cette « insupportable particularité » de l’attentat de Nice, quinze enfants morts, des centaines touchés.

Si la magistrate refuse de revenir sur un point soulevé tant de fois par les parties civiles, la controverse sur les mesures de sécurité le soir du drame, objet d’une instruction toujours en cours, elle aborde frontalement une autre problématique : les autopsies et prélèvements massifs d’organes pratiqués par l’institut médico-légal de Nice sur certaines victimes.

Au-delà de « l’excès de zèle », qu’avait reconnu François Molins, ancien procureur de Paris, l’avocate générale déplore un « terrible échec », « une mauvaise décision » qui a « ajouté de la douleur à la douleur ».

« Évidemment, nous avons failli sur le sujet de l’information aux familles, eh oui, c’est insupportable », admet Alexa Dubourg. « Au nom de notre institution, nous sommes sincèrement désolés », insiste-t-elle, consciente de la « rupture de confiance » que ça a pu induire.

« Même si cela ne réparera rien », conclut-elle, « nous avons désormais revu nos protocoles » pour éviter que ça se reproduise.

Trois hommes, deux situations différentes, une même réquisition
Le parquet s’attèle ensuite au fond du dossier. « Il y aura des frustrations, c’est inévitable », lance Alexa Dubourg à l’attention des parties civiles. Les accusés, rappelle-t-elle, doivent être jugés uniquement pour les faits qui leur sont reprochés, et aucun n’est poursuivi pour complicité de l’acte meurtrier que l’avocate générale s’attèle à définir.

« Parler d’une tuerie de masse qui n’aurait rien à voir avec des velléités jihadistes serait faire insulte à votre intelligence », indique la magistrate, soucieuse de balayer une théorie de la défense évoquant l’acte d’un déséquilibré.

Concernant l’accusation la plus lourde, l’« association de malfaiteurs terroriste » reprochée à trois accusés, « peu importe qu’ils aient eu connaissance du projet » de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ou qu’ils « aient partagé sa radicalité », insiste Jean-Michel Bourlès, l’un des trois avocats généraux du parquet national anti-terroriste. Il suffit qu’ils « aient eu connaissance de son idéologie radicale » quand ils ont participé aux préparatifs, en l’occurrence, en étant associés à la recherche d’armes et à la location du camion.

Et l’avocate générale de détailler la proximité avec le tueur de Mohamed Ghraieb, l’ami de quinze ans qui « échange sur des sujets intimes », et de Chokri Chafroud, qui partage une relation « intense » et « affectueuse » avec Lahouaiej Bouhlel, au point d’être son fond d’écran de portable, et qui envoie au futur terroriste des messages évoquant « un camion qui tue les gens ».

Ces deux hommes « n’ignoraient donc pas sa capacité à commettre un acte en lien avec son idéologie radicale », estime l’avocate générale, même s’ils n’ont finalement pas fourni d’arme et sont donc « matériellement moins impliqués » que Ramzi Arefa.

Ce dernier est certes « le plus directement impliqué dans l’attentat », puisqu’il procure le pistolet utilisé pendant l’attaque, mais « son absence totale de relation avec le tueur en dehors de la recherche d’arme » induit qu’il « ne pouvait avoir conscience du risque terroriste », estime l’avocate générale, qui demande donc qu’il ne soit poursuivi que pour association de malfaiteur de droits communs, c’est-à-dire sans qualification terroriste.

Trois hommes, deux situations différentes, mais finalement, une même réquisition : quinze ans de prison. Contre les cinq autres accusés, impliqués à divers degrés dans la fourniture d’armes, mais qui n’ont jamais eu de contact avec le terroriste, le parquet requiert des peines allant de deux à dix ans de prison.

Crédit photos : article par la rédaction de RFI publié sur le site rfi.fr

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