Attentat de Nice : la difficile indemnisation des victimes "indirectes"

Une semaine après l’attentat qui a fait 84 morts et plus de 200 blessés le 14 juillet à Nice, les victimes sont au début seulement d’un long parcours. Outre le deuil et la convalescence, c’est la question de l’indemnisation qui va se poser. Si les familles des personnes décédées et les blessés physiques hospitalisés ou accueillis par le centre d’accueil des victimes sont automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d’indemnisation, le chemin est plus tortueux pour les victimes indirectes, c’est-à-dire les proches de blessés grave ou les personnes traumatisées ayant assisté a l’attentat.

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme a été créé en 1986, alors que la France essuyait une vague d’attentats, afin d’indemniser les atteintes corporelles, qu’elles soient physiques ou psychiques, ainsi que les préjudices moraux et économiques des proches de victimes décédées ou lourdement atteintes. Cette indemnisation doit normalement être effectuée dans un délai d’un mois après la demande de la victime. Le samedi 16 juillet, la secrétaire d’Etat chargée de l’Aide aux victimes Juliette Méadel a assuré de la mobilisation du gouvernement après l’attentat de Nice : "Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions doit verser de premières provisions. J’ai demandé que cela intervienne dès la fin de la semaine prochaine". Et de préciser : "Nous veillerons à ce que les victimes, qu’elles soient choquées ou qu’elles soient indirectes, soient indemnisées".

Des preuves difficiles à fournir pour les victimes indirectes

Pour faire valoir leur droit à indemnisation, les victimes indirectes et psychologiquement atteintes devront fournir des éléments de preuve. Et ce, de façon à éviter les fraudeurs, comme cette femme qui s’était fait passer pour une victime du Bataclan afin de réclamer des indemnités et qui a été condamnée le 13 juillet pour tentative d’escroquerie. Selon Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats, c’est là réside "la vraie difficulté pour les victimes indirectes, car l’indemnisation des préjudices liés à un acte de terrorisme est soumise au régime de droit commun, qui admet des indemnités pour les cas d’atteintes morale et indirectes mais n’institue pas de critères partagés et cohérents concernant l’apport de preuves dans ces situations".

Le problème s’est posé après les attentats du 13 novembre 2015, souligne-t-il, "de personnes affectées psychologiquement par l’attentat qui souhaitaient savoir comment être indemnisées pour leur préjudice moral mais qui, ayant assisté au événements dans la rue, ne pouvaient prouver qu’elles se trouvaient bien sur les lieux au moment des faits, contrairement aux victimes du Bataclan qui possédaient un ticket de concert". Il encourage donc les demandeurs d’indemnisations à utiliser des témoignages et leurs historiques de téléphone de façon a prouver leur qualité de victimes.

Concrètement, pour toucher des indemnités à la suite des préjudices liés à un attentat, les victimes doivent, dans un délai de 10 ans à compter du jour de l’acte terroriste, remplir un formulaire de demande d’indemnisation. A Nice, elles peuvent se faire aider notamment par "trois juristes de la Fédération nationale des victimes d’attentats qui opérent au centre d’accueil des familles", nous signale Stéphane Gicquel. Le formulaire rappellera la date, le lieu, l’autorité de police ou de gendarmerie intervenue et sera accompagné de justificatifs des dommages corporels (certificat médical, état des premiers frais médicaux engagés…). Une procédure qui reste longue et exigeante et a déjà été dénoncée par les victimes des attentats de Paris en 2015, sans pour autant que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions n’y apporte une réponse globale.

Le nombre de victimes à Nice repose le problème du fonds

En mars, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme disposait d’une réserve de 1.2 milliard d’euros, alimentée par une taxe sur les contrats d’assurance-chômage. Au 1er juillet 2016, 2.650 dossiers avaient été ouverts et 35.8 millions d’euros versés pour les victimes des attentats du 13 novembre 2015. En mai, le Fonds prévoyait de prélever encore 350 millions dans ce but. L’attentat du 14-Juillet rebat les cartes : sur la promenade des Anglais à Nice, 30.000 personnes étaient présentes. Toutes, ayant pu être traumatisées par l’attentat, pourraient demander à être indemnisées pour leur préjudice moral. Les demandes d’indemnisation promettent donc d’être nombreuses et coûteuses, ce qui fait craindre que certaines victimes de Nice ne soient pas ou peu indemnisées, sachant que le montant des indemnités varie évidemment selon le préjudice subi.

Pour réduire les incertitudes concernant le droit aux indemnisations, Stéphane Gicquel conseillait en novembre dernier aux demandeurs "de se faire épauler par des avocats spécialisés" car il notait " des écarts d’indemnisation importants entre une personne conseillée et une autre". La secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes se veut rassurante : "D’une manière ou d’une autre, si c’est nécessaire, l’Etat sera présent. Ce n’est pas un sujet de préoccupation". Une réponse insuffisante pour Stéphane Gicquel, qui demande aujourd’hui "un vrai débat ouvert sur le terrorisme de masse" car "la façon dont les victimes sont prises en charge constitue une réponse politique de l’Etat aux attentats".

Source : marianne.net
Auteur : Marie LOMBARD
Date : 21/07/2016

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes