Le ministère public a réclamé des peines allant de deux à quinze ans de prison à l’encontre des principaux accusés. Les plaidoiries de la défense débutent ce mercredi, le verdict est attendu mardi.
« 4 minutes 17 auront suffi à faire 86 morts, des centaines de blessés, et combien de victimes collatérales… » débute l’avocate générale Alexa Dubourg, en évoquant « le carnage » et « la signature djihadiste » voulus ce 14 juillet 2016 par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel sur la Promenade des Anglais au volant d’un 19 tonnes blanc. « Il a été l’un des attentats les plus horribles et les plus meurtriers jamais commis en France », soulignera son collègue Jean-Michel Bourlès.
Après trois mois d’audience et au terme d’un long réquisitoire à trois voix, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis ce mardi des peines allant de deux à quinze ans de prison à l’encontre des huit accusés du procès de l’attentat de Nice, jugés devant la cour d’assises de Paris depuis le 5 septembre.
« Personne ne doit être condamné comme s’il était l’auteur direct de l’attentat »
Un réquisitoire exhaustif mais parfois tortueux. Sans doute en raison de l’extrême diversité des accusés – dont cinq comparaissent pour des infractions à la législation sur les armes – mais aussi parce que soucieux de pédagogie à l’égard des parties civiles. « Il y aura des frustrations, c’est inévitable. Personne ne doit être condamné comme s’il était l’auteur direct de l’attentat », a ainsi souligné Alexa Dubourg, en rappelant qu’aucun « ne comparaît pour des faits d’assassinats ou de complicité de ces crimes ».
Pour les trois principaux accusés, les seuls jugés pour association de malfaiteurs terroriste, la même condamnation à 15 ans de réclusion a ainsi été demandée, mais l’abandon de cette qualification terroriste requise pour l’un d’eux, Ramzi Arefa, le fournisseur du pistolet automatique dont Lahouaiej-Bouhlel s’était muni et s’est servi ce soir-là, au motif qu’il « ne pouvait connaître son évolution radicale ».
Si « tous ont gravité autour d’un soleil noir qui cherchait à tuer et dont ils savaient qu’il recherchait une arme », dépeint Jean-Michel Bourlès, seuls Mohamed Graïeb et Chokri Chafroud « connaissaient sa fascination pour l’Etat islamique ». « Ils n’ignoraient pas sa capacité à commettre des actes en lien avec son idéologie radicale », assène-t-il, en pointant « leurs points de convergence » et leurs multiples contacts autour du camion loué quelques jours avant.
À l’encontre des cinq autres accusés, dont quatre Albanais, poursuivis pour trafic d’armes, le ministère public a requis des peines de 2 à 10 ans de prison. Le maximum encouru a été demandé pour Artan Henaj, « le fournisseur de l’arme » de Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
« L’intention très claire de faire un maximum de dégâts »
« Aurait-il commis ses crimes sans cette arme ? Nous pensons que non. Elle était une condition sine qua non de son passage à l’acte », insiste l’avocate générale Rachel Lecuyer. Celui-ci a été « mûri, réfléchi avec l’intention très claire de faire un maximum de dégâts », pose sa collègue Alexa Dubourg, qui revient sur « le caractère terroriste de l’attentat » et écarte « la thèse de la folie ». « Nous sommes très loin d’une violence erratique, hors de contrôle. Sa violence inouïe, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel choisit sur qui il l’exerce », relève-t-elle.
Le parquet national antiterroriste a dédié son propos liminaire « à toutes les victimes » de « ce drame absolu ». Pour leur livrer « (son) infinie compassion pour leur souffrance ». Pour rappeler cette « insupportable particularité de l’attentat de Nice » que sont « ces enfances volées et ces familles anéanties », a rappelé Alexa Dubourg.
L’avocate générale a abordé aussi le douloureux sujet des prélèvements d’organes réalisés par les légistes sur les corps de 14 victimes. Pour admettre que le Pnat avait « failli » dans son obligation légale d’information des familles. « Nous sommes sincèrement désolés », a-t-elle énoncé.
Les plaidoiries de la défense débutent ce mercredi. Le verdict est attendu mardi prochain.