Attentat du Caire : les investigations bientôt relancées ?

Alors que l’enquête sur la mort de Cécile Vannier s’enlise, un témoin-clé vient de confirmer au juge que l’Égypte détenait des informations.

C’est un témoignage que l’on n’attendait plus dans ce dossier qui, année après année, s’enlise dans les sables judiciaires. Le 22 février 2009, un attentat à la bombe fait un mort au Caire. Cécile Vannier, jeune lycéenne de 17 ans en voyage scolaire avec sa classe de Levallois, succombe à l’attaque. Vingt-quatre autres personnes sont blessées. L’enquête est menée tambour battant et débouche sur plusieurs interpellations en Égypte, dès le 23 mai 2009. Ce jour-là, les autorités annoncent avoir arrêté des suspects, dont le Belge Farouk Ben Abbes, proche des frères Clain, la Française Dude Hoxha et un certain Abou Khattab, soupçonné d’être à la tête d’un groupe terroriste.

Les services secrets égyptiens affirment que Farouk Ben Abbes et ses acolytes projetaient également un attentat contre le Bataclan. Et puis… plus rien ! Contre toute attente, l’Égypte cesse de collaborer. Les suspects, après avoir été interrogés et torturés, sont relâchés début 2010. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) prend le relais, mais ne parvient pas à réunir suffisamment de preuves pour les traduire en justice. Tous bénéficient d’un non-lieu pour le projet d’attentat contre le Bataclan.

« Inertie patente des autorités »

À l’époque, les juges d’instruction chargés de l’affaire, Christophe Teissier et Nathalie Poux, s’en émeuvent : « Les renseignements initiaux perçus par la DCRI, dont une grande partie résultant des informations communiquées par les services de sécurité égyptiens », n’ont pu être vérifiés « en raison de l’inertie patente des autorités égyptiennes ». « Malgré plusieurs demandes d’entraide pénale, [les autorités égyptiennes] n’ont jamais transmis la moindre pièce de procédure permettant d’étayer les éléments qu’elles avaient pu elles-mêmes recueillir », écrivent-ils, dans une ordonnance au vitriol.

Huit ans plus tard, des notes de la DCRI, déclassifiées grâce au combat de plusieurs avocats, ont été exhumées. Si ces notes montrent les liens qui unissent les acteurs du dossier avec quelques-unes des figures de la galaxie djihadiste, elles ont cependant été largement noircies par les services de renseignements français. Dans quel but, sinon cacher une partie de la vérité ? Pourquoi ces notes n’ont-elles pas été versées plus tôt au dossier d’instruction ? Et pourquoi les services égyptiens refusent-ils toujours de collaborer ? Mystère.

Un témoignage-clé

Dans cet écheveau judiciaire ne reste donc que la procédure lancée à la suite de l’attentat du Caire, dans laquelle seule Dude Hoxha a été mise en examen. Huit ans plus tard, et alors qu’aucune avancée significative n’a eu lieu dans l’enquête, la procédure est en péril. Selon nos informations, le dossier s’est cependant enrichi récemment du témoignage-clé d’un policier français, jusqu’à peu attaché de sécurité intérieure (ASI) au Caire. L’homme a pris rendez-vous fin mai avec le juge Choquet et lui a confié avoir assisté à un rendez-vous avec plusieurs huiles du ministère de la Justice et du contre-terrorisme égyptien.

Le policier affirme que, lors de ce rendez-vous, qui a eu lieu à l’été 2016, ses interlocuteurs se sont montrés particulièrement gênés au moment d’évoquer l’attentat du Caire. Ces derniers lui ont toutefois remis une note résumant les investigations ayant eu lieu en Égypte, laquelle confirme noir sur blanc que les suspects nourrissaient des projets d’attentat en France en 2009, en particulier contre le Bataclan. Surtout, le policier français a assuré au juge Choquet que le dossier portant sur l’attentat du Caire n’avait pas – contrairement à ce que l’on croyait – été détruit et qu’il était toujours entre les mains du ministère de la Justice égyptien…

Une information cruciale : une nouvelle demande d’entraide judiciaire émise par les autorités françaises permettrait peut-être d’avoir enfin accès à des informations jusque-là conservées dans le plus grand secret.

Le combat des « mamans du Caire »

Cet ultime rebondissement est une étape de plus dans le combat des «  mamans du Caire » – Catherine Vannier, Chantal Anglade, Sophie Darses ou encore Joëlle Cocher – qui luttent depuis des années pour connaître les circonstances exactes de l’attentat. Plusieurs islamistes qui évoluaient en Égypte en 2009 sont aujourd’hui recherchés pour des actes de terrorisme liés à l’État islamique (EI). « Tout démarre du Caire, abonde Catherine Vannier, la mère de Cécile. Il nous faut plus que jamais l’aide de l’État.  » Contactée par Le Point.fr, une de leurs avocates, Me Sabrina Scolari, réagit elle aussi : « Ce témoignage montre que de nombreuses pistes restent encore à explorer dans cette affaire. Il est temps que la quête de vérité des victimes aboutisse. »

Source : lepoint.fr
Auteur : Marc Leplongeon
Date : 26 juin 2017

Crédit photos : Source : lepoint.fr Auteur : Marc Leplongeon Date : 26 juin 2017

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