Attentat manqué de Villejuif : vers un procès pour Sid Ahmed Ghlam

Le parquet national antiterroriste a requis un procès aux assises pour Sid Ahmed Ghlam (ici en 2015), assassin présumé d’Aurélie Châtelain en 2015. AFP/HO

Selon l’accusation, l’assassin présumé d’Aurélie Châtelain a mûri son projet, en grande partie avorté, pendant plusieurs mois, en lien constant avec des commanditaires de l’Etat islamique.

La perspective d’un procès se rapproche pour Sid Ahmed Ghlam, mis en examen pour l’assassinat d’Aurélie Châtelain. Cette professeur de fitness de 32 ans avait été abattue le 19 avril 2015 sur un parking de Villejuif (Val-de-Marne). Or l’enquête a révélé que les objectifs de son assassin présumé étaient encore plus terrifiants.

Enraciné dans la mouvance djihadiste, cet étudiant algérien de 27 ans, fiché S, est soupçonné d’avoir eu pour réel objectif de commettre un massacre dans une église. Mercredi 16 octobre, au terme d’un volumineux réquisitoire de 262 pages, le parquet national antiterroriste (PNAT) a requis son renvoi devant la cour d’assises, notamment pour assassinat et tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste.

Le parquet requiert également la mise en accusation de neuf autres personnes, soupçonnées d’être impliquées à des degrés divers dans le soutien logistique de l’opération. Parmi elles, deux hommes présumés morts en Syrie, mais considérés comme les commanditaires de l’attentat avorté. L’enquête a mis au jour les liens très forts noués entre Sid Ahmed Ghlam et les plus hauts cadres de l’organisation Etat islamique (EI).

Il impute le meurtre à l’un des terroristes du Bataclan

Dans ce dossier, tout part d’un coup de fil passé par Ghlam au Samu le 19 avril 2015, à 8h43. L’étudiant explique qu’il a été agressé par balle dans une rue du XIIIe arrondissement de Paris. Hospitalisé, il présente effectivement une plaie à la cuisse.

Les policiers qui perquisitionnent son véhicule découvrent un arsenal : plusieurs armes de poing, des munitions, deux couteaux et un gilet pare-balles. Des notes manuscrites en français et en arabe retrouvées dans un porte-document s’apparentent à un guide chronologique et méthodologique pour un attentat. A son domicile, un studio dans une résidence universitaire du XIIIe, les enquêteurs mettent la main sur de nouvelles armes, dont trois fusils d’assaut. Il est immédiatement placé en garde à vue.

Très rapidement, le lien est fait avec le meurtre d’Aurélie Châtelain. L’étui percuté saisi dans la voiture de la jeune femme a ainsi été tiré avec le revolver retrouvé dans la voiture de Ghlam. Le sang du suspect a également été retrouvé en quantité dans la voiture d’Aurélie.

Lors de l’instruction, l’étudiant a reconnu s’être trouvé sur le parking de Villejuif ce dimanche matin, mais il a toujours contesté avoir tué Aurélie Châtelain, rejetant la responsabilité de cet acte sur un mystérieux « Abou Hamza » qu’il identifiera − « opportunément » selon le PNAT − comme étant Samy Amimour, l’un des kamikazes du Bataclan. Or, pour l’accusation, Sid Ahmed Ghlam a agi seul ce jour-là.

L’étudiant sans histoires décrit par ses voisins de chambrée est, en réalité, vite suspecté d’être un soldat de Daech. Chez lui, les policiers découvrent une allégeance à Abou-Bakr al-Baghdadi, le calife autoproclamé de l’EI. Les enquêteurs estiment que Sid Ahmed Ghlam a été recruté au plus tard à l’été 2014, lors d’un séjour en Algérie (il faisait d’ailleurs l’objet d’un mandat d’arrêt délivré le 25 décembre 2014 par un juge d’instruction algérien). A l’automne 2014, puis en février 2015, il a effectué deux séjours en Turquie, où il est soupçonné d’avoir rencontré ses commanditaires.

Des messages cryptés avec des émirs de Daech

L’analyse de ses nombreux supports informatiques indique que Sid Ahmed Ghlam conversait depuis plusieurs mois, via des messages doublement cryptés, avec deux hommes identifiés comme étant Abdelnasser Benyoucef et Samir Nouad, deux vétérans du djihad installés en zone syro-irakienne. Benyoucef, condamné par défaut à 12 ans de réclusion criminelle à Paris en 2010 pour des faits de vol en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, est notamment considéré comme un ancien émir de l’AMNI, les services secrets de l’EI, chargés entre autres de la préparation des opérations extérieures.

Plusieurs sources indiquent que les deux hommes sont morts dans des attaques suicide en zone syro-irakienne, mais la justice française a néanmoins délivré un mandat d’arrêt à leur encontre. Ils font l’objet de réquisitions de mise en accusation. Même s’il le réfute, l’étudiant est également soupçonné d’avoir été en lien avec Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats du 13 novembre 2015.

L’analyse des échanges exhumés entre Ghlam et ses commanditaires présumés sont explicites. L’étudiant a multiplié les recherches sur des cibles potentielles : le Sacré-Cœur, un train (il chiffre lui-même les victimes potentielles entre 160 et 400 personnes), des marchés… Le 27 mars 2015, invité par ses commanditaires à « trouver une bonne église avec du monde », il concentre ses recherches sur les églises du Val-de-Marne et les horaires de messe. « Pour l’église, j’ai cherché et en Ile-de-France, c’est difficile pour repartir, tu peux voir sur Google Maps, les bonnes églises ou paroisses sont toutes près d’un commissariat ou gendarmerie […] et l’église ça prend plus de temps pour les tuer », répond-il.

Sept hommes soupçonnés d’avoir fourni les armes
A la mi-avril, l’opération s’accélère puisque Sid Ahmed Ghlam récupère les armes à l’intérieur d’un véhicule volé stationné sur un parking d’Aulnay-sous-Bois. L’enquête a permis de mettre en cause sept hommes, suspectés d’avoir participé plus ou moins directement à la fourniture de cet arsenal. Parmi eux un certain Rabah B., considéré par le parquet comme « la clef de voûte du réseau logistique activé depuis la Syrie » et par ailleurs cousin d’Abdelnasser Benyoucef.

Le 17 avril 2015, Sid Ahmed Ghlam, dûment équipé, reçoit l’ordre de passer à l’acte le dimanche suivant. Selon les enquêteurs, son choix s’était posé sur une église de Villejuif. Le meurtre d’Aurélie Châtelain a bouleversé ses plans. « Depuis la première heure, son discours a toujours été le même, il dit qu’il a tout fait pour que cela ne se produise pas, a réagi Me Gilles-Jean Portejoie, son avocat. Il conteste tous les faits qui lui sont reprochés. »

Publié par Timothée Boutry, pour Le Parisien, le 18 octobre 2019.

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