Attentat terroriste à la prison de Condé-sur-Sarthe : cinq détenus pourraient être jugés

Deux surveillants de la prison de Condé ont été attaqués au couteau en 2019. Le Parquet antiterroriste veut un procès devant la cour d’assises spéciale pour cinq détenus.

Michaël Chiolo, l’auteur des coups de couteau, ne devrait pas être le seul détenu jugé pour l’attaque de deux surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne), le 5 mars 2019.

Dans son réquisitoire définitif, signé lundi 10 juillet 2023 et que l’AFP a pu consulter, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis un procès devant la cour d’assises spéciale à l’encontre de quatre autres détenus radicalisés, soupçonnés d’être à l’origine d’une « préparation minutieuse » de cette attaque terroriste.

« Ancrés dans une idéologie jihadiste »
Comme le rapportent Le Télégramme et Le Figaro, l’information judiciaire a permis d’établir que l’attaque était fomentée depuis plusieurs mois.

Les cinq détenus radicalisés mis en cause seraient « ancrés depuis plusieurs années dans une idéologie jihadiste et acquis aux thèses de l’organisation terroriste État islamique, appelant notamment au meurtre des surveillants pénitentiaires ».

Le Pnat souhaite que Michaël Chiolo, âgé de 32 ans, soit jugé devant la cour d’assises spéciale pour « tentative d’assassinat de personnes dépositaires de l’autorité publique, en relation avec une entreprise terroriste ».

A. Fahd, le « véritable instigateur » ?

Dans son réquisitoire, il réclame également un procès devant cette même cour pour les quatre autres détenus impliqués, dont, selon l’AFP, Abdelaziz Fahd, 37 ans, considéré comme « le véritable instigateur des faits ».

Décrit comme « discret », Abdelaziz Fahd serait en fait, selon le parquet antiterroriste, le « mentor », le « leader charismatique » du « groupe conspiratif radicalisé très uni » qui tentait « sans cesse d’échapper à la vigilance des agents pénitentiaires », rapporte l’AFP.

Il était, toujours selon le réquisitoire, le « guide » de Michaël Chiolo sur le « sentier du jihad ». Et lorsque Michaël Chiolo aurait, la veille de l’attaque, exprimé des doutes « sur la légitimité du passage à l’acte », Abdelaziz Fahd lui aurait fait des « rappels religieux ».

Décision de la juge d’instruction
Concernant Abdelaziz Fahd, le parquet a retenu la complicité. Pour les trois autres détenus trentenaires, dont les identités n’ont pas été révélées, il retient « l’association de malfaiteurs terroriste criminelle ».

Par ailleurs, un autre projet d’attaque des mis en cause aurait ciblé le directeur de la prison de l’époque, ainsi que des membres de la commission de l’application des peines. Pour ces intentions, le Pnat requiert également qu’Abdelaziz Fadh et Michaël Chiolo soient jugés pour « association de malfaiteurs terroristes criminelle ».

C’est désormais à la juge d’instruction de décider si les cinq détenus mis en cause dans cette affaire seront renvoyés ou non devant les assises.

De leur côté, les avocats de Michaël Chiolo, Mes Romain Ruiz et Bruno Gendrin, ont indiqué à l’AFP qu’ils attendaient « sereinement l’ouverture de ce procès, qui pose évidemment la question de ce qu’est la détention aujourd’hui en France ».

« Au nom de l’État islamique »
Le 5 mars 2019, vers 9 h 30, Yannick et Olivier, deux surveillants du centre pénitentiaire d’Alençon, répondaient à un appel en provenance de l’unité de vie familiale (UVF) de la prison de Condé-sur-Sarthe, pour un prétendu malaise de la femme du détenu qui y séjournait.

À leur arrivée, les surveillants ont été agressés à coups de couteau en céramique par le couple, qui accompagnait ses gestes du cri « Allaouh Akbar » (Dieu est grand).

Grièvement blessés, les deux hommes étaient rapidement évacués vers le centre hospitalier d’Alençon. Michaël Chiolo et sa compagne, Hanane Aboulhana, s’étaient retranchés dans la cellule de l’UVF.

Le parquet antiterroriste de Paris avait très rapidement été saisi en raison des revendications de l’agresseur. Ce dernier, radicalisé en prison, aurait revendiqué son acte à l’interphone de l’UVF « au nom de l’État islamique » et assuré « prêter allégeance » à son chef.

Assaut après 10 h de négociations

Il aura fallu l’intervention du Raid, après 10 heures de négociation infructueuses avec le couple, pour mettre un terme à cette situation de crise. Lors de l’assaut, Michaël Chiolo a été blessé au visage avant d’être interpellé. Hanane Aboulhana, 34 ans, est morte des suites de ses blessures.

« Le détenu voulait venger l’auteur des attentats [du marché de Noël, NDLR] de Strasbourg du 11 décembre 2018 », précisait Rémy Heitz, le procureur de la République de Paris, lors d’une conférence de presse immédiate au dénouement, tenue dans l’enceinte du centre pénitentiaire de Condé. Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, s’était également déplacée après avoir été dépêchée au chevet des deux surveillants hospitalisés.

Après son interpellation, Michaël Chiolo, condamné en appel en 2015 et qui purgeait 30 ans de réclusion criminelle pour enlèvement et séquestration suivis de mort d’un ancien résistant de 89 ans, avait été hospitalisé en raison de ses blessures, avant d’être mis en examen puis de nouveau incarcéré.

Grève des surveillants

Dans la foulée de ces attentats, les surveillants pénitentiaires avaient entrepris une grève pour réclamer davantage de moyens humains et matériels sur cette prison « la plus sécuritaire de France ». Le blocage avait duré deux semaines.

Les syndicats avaient finalement levé leur mouvement après plusieurs promesses du directeur de l’Administration pénitentiaire, dont celle d’autoriser les surveillants à pratiquer la fouille par palpation sur les visiteurs. C’est notamment parce qu’ils n’avaient pas cette autorisation que le couteau en céramique qui a blessé les surveillants est peut-être entré, dissimulé sous les vêtements de la compagne de Michaël Chiolo.

Cet article est rédigé par Antoine Sauvetre pour Actu.

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