Attentats : chaque Français doit apprendre les gestes qui sauvent les blessés

Il faut que nos concitoyens témoins d’un attentat cessent d’attendre passivement l’arrivée des secours, explique le président du centre de réflexion sur la Sécurité intérieure*.

Après l’attentat de Manchester, comme après les attentats perpétrés à Paris, Bruxelles ou Nice, les services d’urgences des pays endeuillés se sont brutalement trouvés confrontés à plusieurs dizaines de personnes souffrant de blessures de guerre. En France, les services d’urgences ont désormais intégré l’hypothèse d’un attentat. Cependant, reste un sujet crucial sans réponse structurée satisfaisante à ce jour : comment améliorer la chance de survie des personnes très grièvement atteintes et dont le pronostic vital est immédiatement engagé ?

La commission d’enquête parlementaire « relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 », présidée par Georges Fenech et dont Sébastien Pietrasanta était le rapporteur, avait proposé de «  former l’ensemble des équipes de secours et médicales françaises à la médecine de guerre et aux techniques de damage control  ». Ce processus de formation est largement engagé. À Paris, une unité dédiée de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est désormais équipée de protections balistiques pour permettre l’extraction de victimes en zone de danger sous la protection des forces d’intervention. Ces équipements, distribués en urgence en juin 2016 dans les villes accueillant l’Euro, arrivent progressivement dans les autres grandes villes françaises.

À Paris, le temps d’arrivée sur zone du premier engin de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris à compter du premier appel est inférieur à dix minutes, mais en cas de situation de crise, comme lors des attentats du 13 novembre 2015, les délais peuvent être supérieurs. Malgré ce délai d’intervention le plus souvent très court, un tiers des blessés en extrême urgence risque de mourir d’une hémorragie si rien n’est fait pour arrêter la perte de sang dès les premières minutes.

Les personnes les plus grièvement blessées ne peuvent compter, pour survivre, que sur la capacité de leur environnement immédiat à intervenir dans l’attente des secours organisés. Il est donc temps, pour le citoyen, de devenir le premier acteur de sa propre sécurité, dans l’esprit du « first liner » israélien.

Ce terme désigne les survivants ou les témoins de l’attaque, ou les personnes se trouvant dans son environnement immédiat, qui portent les premiers secours aux blessés. Le hasard pourra avoir conduit des professionnels du secourisme ou de la santé sur les lieux. Mais l’immense majorité des personnes concernées n’aura pas d’expérience professionnelle du secours, encore moins de l’urgence et, en toute hypothèse, personne ne disposera du matériel approprié.

Il paraît donc urgent de développer deux types de mesures, d’ailleurs susceptibles de sauver des vies dans d’autres cas de figure que le terrorisme.

Dans les établissements recevant du public, du matériel militaire de secours au combat (garrots tourniquets, pansements compressifs, pansements hémostatiques) doit être prépositionné systématiquement. Sur un principe similaire à celui retenu pour la mise en place des défibrillateurs cardiaques, stades, salles de spectacles, gares et galeries commerciales devraient pouvoir disposer d’un nombre raisonnable de ces matériels, afin que les primo- intervenants qu’on a évoqués puissent y avoir immédiatement recours sans attendre l’arrivée des professionnels. Le personnel de ces établissements devrait naturellement être formé en conséquence.

En outre, il faut former massivement la population française à la conduite à tenir dans de telles circonstances et à l’utilisation du matériel en question. Depuis janvier 2016, les sapeurs- pompiers de Paris et la Mairie ont lancé avec succès un programme d’initiation aux gestes qui sauvent. En dix-huit mois, plus de 10 000 personnes ont été initiées dans les casernes de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Deux « samedis qui sauvent », organisés par la Mairie de la capitale avec le concours des associations agréées de sécurité civile, ont permis d’en former près de 80 000 de plus. En 2016, le premier ministre de l’époque, Manuel Valls, a fait de cet apprentissage une grande cause nationale. Mais il faut aller plus loin. De même que le Japon ou la Californie, zones à fort risque sismique, éduquent dès l’enfance leur population à y faire face, il convient désormais que la population française dont seule 25 % a des notions de secourisme soit capable de réagir au mieux en cas d’attentat ou d’accident.

Intégrons à la formation initiale aux premiers secours la manipulation des matériels de première urgence. Cette formation initiale renforcée devrait être rendue obligatoire au lycée ; on peut imaginer que la production d’une attestation de suivi de cette formation soit nécessaire pour s’inscrire au baccalauréat, et en tout cas obligatoire pour s’inscrire à l’examen des différents permis de conduire.

Enfin, développons cette formation en entreprise, par le biais des comités d’entreprise, et rendons la formation « Sauveteurs secouristes du travail » éligible au compte de formation des salariés.

Ces propositions concrètes me paraissent vertueuses à plusieurs titres. Pragmatiques, elles permettront d’augmenter le taux de survie des personnes les plus grièvement blessées, non seulement lors d’un acte terroriste, mais également lors d’un accident individuel ou collectif. La capacité à se sauver soi-même ou à sauver un proche sera un facteur de cohésion, que ce soit au sein des établissements scolaires ou des entreprises, et finalement de la société elle-même.

En préparant chaque citoyen à être un acteur de sa sécurité, ces mesures contribueront à retisser un sentiment d’appartenance à la nation et d’attachement au bien commun.

* Avocat à la cour et membre du conseil scientifique de l’École de guerre.

Source : Le Figaro
Auteur : Thibault de Montbrial
Date : 1er juin 2017

Crédit photos : Source : Le Figaro Auteur : Thibault de Montbrial Date : 1er juin 2017

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