« Nous en avons rêvé après les attentats de 1995, vous l’avez fait. » Cette phrase, c’est Françoise Rudetzki, la fondatrice de l’association SOS Attentat, elle-même victime d’une attaque terroriste en 1983 qui l’a prononcée ce lundi, dans les locaux du Barreau de Paris. « Je n’ai jamais vu ça en trente ans », a renchéri celle qui est à l’origine de la création du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI).
Cette ancienne juriste a salué l’initiative de 170 avocats représentant des victimes des attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts et 351 blessés. Dans un Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, les conseils proposent une réflexion sur l’indemnisation de leurs clients. « Au lendemain des attentats, nous nous sommes retrouvés avec un dossier sans précédent. Comment le gérer et répondre aux interrogations des victimes ? » explique l’une des rédactrices du livre blanc, Clémentine Casalis.
Des critères pour traduire financièrement le préjudice
A raison d’une réunion tous les mois, les avocats ont tenté de définir une méthode de travail pour faire reconnaître les droits des victimes. Pour cela, ils ont créé des critères permettant la traduction financière des préjudices subis.
Les deux premiers sur lesquels leur travail s’est porté sont des préjudices immédiats qui ont par le passé été reconnus pour les victimes de catastrophes : l’angoisse des victimes directes pendant l’attaque et l’attente et l’inquiétude de leurs proches. Elles sont les seules pour le moment à pouvoir faire l’objet d’une étude exhaustive, dont le préjudice est déjà évaluable.
Les avocats ont ainsi dégagé sept critères pour définir l’angoisse des victimes directes, avec une échelle d’intensité allant de 1 à 5. Parmi ces éléments, on peut trouver la durée d’exposition à l’acte terroriste, la peur pour des proches présents sur les lieux ou bien la proximité physique et sensorielle de la mort.
Basés sur les témoignages de leurs clients, les critères retenus par les avocats « sont désormais un outil de référence », estime le conseil Claude Lienhard. Idem pour les 15 critères censés définir le préjudice d’attente et d’inquiétude des proches, parmi lesquels la nature du lien qui les unit à la victime directe.
Que va faire le Fonds de garantie ?
Cette méthode pourrait être utilisée pour tous les attentats, en redéfinissant les critères à chaque fois pour mieux les adapter à la situation. Des avocats du barreau de Nice (Alpes-Maritimes), où 86 personnes ont été assassinées le 14 juillet dans une attaque revendiquée par Daesh ont été intégrés à la réflexion, qui va se poursuivre. La secrétaire d’Etat aux victimes Juliette Méadel, qui s’est exprimée lors de la présentation du Livre blanc, a indiqué qu’elle s’efforcerait de convaincre tous ceux qui persistent encore à douter du fait que l’angoisse et l’attente constituent des préjudices à prendre en compte. L’ancienne avocate a par ailleurs rappelé que « la reconstruction des victimes est intrinsèquement liée à la réparation intégrale » de leurs préjudices.
Si les associations de victimes ont salué l’initiative du Barreau de Paris, certains ont tout de même regretté l’absence du nouveau directeur du FGTI, nommé en juillet dernier. L’instance, tout de même représentée lors de la conférence, doit tenir un nouveau conseil d’administration le 12 décembre prochain.
Françoise Rudetzki y voit là une occasion d’accélérer les choses : « Les voix des ministères de la Justice, de l’Intérieur, de l’Economie et de celui en charge de la Sécurité sociale, plus les voix des représentants des victimes au conseil d’administration peuvent permettre de faire intégrer au FGTI dès 12 décembre le Livre blanc et de l’appliquer très rapidement aux victimes de 2015, 2016 et 2012. » Stéphane Gicquel, lui aussi membre du conseil d’administration en qualité de secrétaire général de la Fenvac, l’a rappelé : « La situation financière du Fonds de garantie n’est pas satisfaisante. C’est un choix politique de lui donner les moyens d’indemniser les victimes. »
Source : 20 Minutes
Auteur : Florence Floux
Date : 08 novembre 2016