AU PROCES DES ATTENTATS DE BRUXELLES, LA CRAINTE DU MANQUE DE JURES

Les dix accusés des attentats de Bruxelles vont être jugés par douze jurés populaires, épaulés par vingt-quatre remplaçants. Mais est-ce suffisant pour un procès qui va durer jusqu’à l’été 2023 ?

"Avez-vous de quoi écrire ? Non… Vous n’y avez pas pensé, ce n’est pas grave. N’hésitez à prendre des notes par la suite car il va falloir motiver votre décision. Au procès des attentats de Bruxelles (Belgique) qui a véritablement débuté ce lundi 5 décembre 2022, Laurence Massart, la présidente de la cour d’assises, s’adresse aux jurés de manière aussi pédagogique que possible. Car, contrairement au procès des attentats du 13-Novembre, à Paris, où seuls des juges avaient siégé, dans la capitale belge, ce sont douze jurés populaires qui vont juger les dix accusés, avec l’aide de trois magistrats. Et ce, durant de longs mois. Au moins jusqu’à la fin du mois de juin. Je ne peux pas vous dire la fin, c’est impossible à prévoir, les prévient la présidente qui n’exclut pas que l’audience se prolonge jusqu’à la mi-juillet. Merci en tout cas d’être là. Je sais que cela bouleverse vos vies personnelles. Mais vous faites ainsi votre devoir de citoyen, leur précise Laurence Massart.

La semaine dernière, douze jurés populaires et vingt-quatre jurés remplaçants ont ainsi été tirés au sort. Ces derniers sont là pour remplacer l’un des titulaires qui viendrait à ne plus pouvoir assister aux débats. Ces trente-six jurés vont donc assister à la totalité de l’audience qui va déterminer les responsabilités des accusés dans ces attentats qui avaient engendré 32 morts et plus de 340 blessés, le 22 mars 2016, à l’aéroport et dans le métro bruxellois.

Assez de jurés populaires ?

Or, dès ce lundi, deux jurés remplaçants ont déjà fait valoir des raisons médicales pour ne plus participer au procès. Il ne reste donc que vingt-deux remplaçants. Sera-ce assez d’ici à l’été 2023 ? C’est la question à un million d’euros. Car s’il n’y a plus douze titulaires, c’est tout le procès qui tombe, rappelle Me Isa Gultaslar, avocat d’un des accusés, Sofien Ayari.

Face aux risques épidémiques, les jurés vont donc devoir prendre soin d’eux. Un seul jour d’absence pour un juré titulaire et celui-ci doit immédiatement être remplacé par un autre juré pour le restant du procès. Vingt-quatre jurés remplaçants, c’est sans doute un peu juste, ne cachait pas, la semaine dernière, Philippe Vansteenkiste, le directeur de l’association de victimes V-Europe.

En attendant, l’audience se poursuit et un premier incident est intervenu dès ce lundi. Se levant soudainement, l’accusé Mohamed Abrini s’est insurgé contre les conditions dans lesquelles il était transféré, chaque jour, de la prison au tribunal. Elles sont impitoyables. On vous bande les yeux, on vous met de la musique satanique à fond dans les oreilles. Si cela devait continuer, je ne répondrai à aucune question dans ce procès, prévient-il. Du chantage ? Non, assure Me Jonathan De Taye, avocat d’un autre accusé, Ali El Haddad Asufi : À Paris, les autorités ont fait en sorte que cela se passe bien. Mais ici, on inspecte l’anus de mon client tous les jours. Est-ce digne cela ?

Les transferts des accusés trop stricts ?

Sur ce point, la présidente rappelle que les conditions dans lesquelles se déroulent les transferts ne relèvent pas de sa compétence ni de celle du ministère public. Elles ont été établies par les autorités administratives en fonction des enjeux sécuritaires. Qu’à cela ne tienne. Me Jonathan De Taye annonce qu’il va adresser une mise en demeure aux ministères de la Justice et de l’Intérieur de faire cesser ces fouilles à nu quotidiennes et ces transferts en saucissonnant les accusés. Et si cela ne suffisait pas, un débat pourrait s’ouvrir devant la cour d’assises ce mardi : les avocats de la défense pourraient alors demander la suspension du procès tant que les transferts ne seraient pas modifiés…

L’avocate de Salah Abdeslam, Me Delphine Paci, insiste. Ces conditions portent atteinte à un procès équitable. Et ce sera un peu votre problème, madame la présidente si tous les accusés venaient à se taire. Sur la durée d’un tel procès, des fouilles à nu quotidiennes, cela va être difficile à tenir.

Dans les couloirs du palais Justitia, l’ancienne base de l’Otan où se tient le procès, les autorités judiciaires espéraient hier après-midi que les autorités administratives puissent réétudier en effet les conditions des transferts. D’autant plus que comme à Paris, l’un des accusés, Osama Krayem, a déjà fait savoir qu’il ne répondrait à aucune question. Ne prenant même pas la peine de se lever lorsque la présidente l’a questionné.

Vous comprendrez que la menace d’une nouvelle suspension est difficilement compréhensible pour les victimes. Maintenant il faut que le procès se fasse, insiste Me Guillaume Lys, avocat de parties civiles. Le procès a déjà débuté avec environ deux mois de retard en raison des boxes des accusés qui n’étaient pas conformes à un procès équitable...

Crédit photos : DR et OUEST-FRANCE, article par Pierrick BAUDAIS paru sur le site ouest-france.fr

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