Au « procès Jawad », la méthodique plaidoirie de l’avocat rémois Me Chemla

Au sixième jour du procès de Jawad Bendaoud, l’avocat rémois Gérard Chemla a ciblé, ce mercredi 30 janvier, dans sa plaidoirie Youssef Aït Boulahcen, jugé pour « non-dénonciation de crime ».

Au sixième jour du procès de Jawad Bendaoud et deux autres prévenus, ont eu lieu, ce mercredi 30 janvier, au tribunal correctionnel de Paris, les premières plaidoiries des avocats des parties civiles, parmi lesquels l’avocat rémois Gérard Chemla, qui défend une centaine de victimes des attentats du 13 novembre 2015.

Lui et deux confrères parisiens ont livré une lecture accablante du rôle de Youssef Aït Boulahcen, le frère d’Hasna Aït Boulahcen, morte dans l’assaut du Raid, le 18 novembre 2015, au côté de deux jihadistes du 13-Novembre, dont Abdelhamid Abaaoud, leur cousin et cerveau présumé des attentats. Depuis qu’il s’est rendu à la police, Youssef nie avoir su que sa sœur cherchait une planque pour ce dernier.

« Monsieur, vous ne m’avez pas convaincu », a calmement résumé Me Chemla, se tournant vers celui qui, depuis le début du procès, se cache le visage à l’aide de son écharpe pour que les dessinateurs de presse ne puissent le « croquer ». Fustigeant « le rôle de grand frère protecteur derrière lequel il se réfugie », l’avocat a détaillé la chronologie et les écoutes téléphoniques qui enfoncent ce jeune homme sans antécédent, poursuivi pour « non-dénonciation de crime ».

« C’est Hamid ou le pote à Hamid ? »

À l’automne 2015, Youssef et Hasna « ne se parlent pas ou très peu ». Tout change à compter du 15 novembre. 20 h 20 : Hasna reçoit un coup de fil d’un homme qui se révélera être Mohamed Belkaïd – tué en mars 2016 par la police belge. Ce dernier apprend à Hasna que son cousin, planqué dans un buisson d’Aubervilliers depuis les attentats, a besoin d’aide.

Il faut lui trouver une planque. Quatre minutes plus tard, elle contacte son frère Youssef. « Si elle l’appelle, elle lui parle forcément de Belkaïd », estime Me Chemla. « Trente-six interactions téléphoniques » suivront en quelques heures.

Dix minutes plus tard, Belkaïd rappelle Hasna et lui donne la localisation d’Abaaoud. Dans la foulée, Youssef demande à sa sœur : « C’est Hamid ou le pote à Hamid ? » Hasna fonce aider ce cousin avec qui elle avait même pensé se marier. Elle est accompagnée de sa colocataire, qui préviendra la police.

À 21 h 58, nouveau message de Hasna à son frère : « Hamid, il est dans l’… » Youssef, qui la craint sur écoute, lui donne un autre numéro et utilise une puce jusqu’alors jamais utilisée.

Avant de se rendre à la police, il prendra soin d’effacer ses conversations et de jeter la puce dans des toilettes. Hasna, elle, n’en aura pas le temps. Tant mieux pour les enquêteurs, qui trouveront notamment ce message audio adressé à son frère : « C’est important. Réponds, là. Y a le cousin du bled là, le cousin de Belgique (…) Ça fait deux jours, il dort au parc. Il a dit si tu peux l’héberger ou tu vois avec lui. »

Me Chemla reprend : « Quand Youssef dit : « Envoie-moi l’adresse de là où t’es », ça veut bien dire : « On y va ensemble ». Il sait très bien qui il va voir. » À minuit passé, Youssef arrive devant l’immeuble de sa sœur avec une brique de lait et un paquet de Granola. « Il est évident que les terroristes devaient être ravitaillés ! » Mais du 18e étage, le téléphone d’Hasna ne capte pas. Elle et son frère ne se verront pas.

« C’est un garçon qui apparaît policé, qui fait de l’anti-Jawad » Me Gérard Chemla

« À cette audience, c’est un garçon qui vous apparaît extrêmement policé, qui fait de « l’anti-Jawad » », analysait Me Chemla. Manière de mieux rappeler le contenu de SMS envoyés à un ami en février 2016 – à propos des homosexuels : « Si j’étais un dirigeant moi : comme ils font Daech là ! Ils les jettent d’en haut des tours. »

« Glorifier la mort de sa sœur en martyr »

Me Frédérique Giffard a rappelé le code du téléphone de Youssef : 18-11-201. Le jour de l’assaut du Raid. « Cela dénote un souci de glorifier la mort de sa sœur en martyr. »

Chargé de conclure, Me Jean Reinhart choisit d’attaquer frontalement le prévenu : « Depuis qu’il s’est rendu aux policiers, il s’est créé un personnage, il se fond dans la foule et il cherche à disparaître (…) Vous êtes furieusement intelligent. Vous croyez en votre vérité mais vous ne pouvez pas affronter votre vie ! »

Date : 31/01/18
Auteur : Mathieu Livoreil
Source : L’Union

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