Aurore "aurait voulu parler" à Carlos de son père tué dans un attentat

Perdre son père à deux ans et découvrir quinze ans plus tard qu’il est mort dans un attentat attribué à Carlos : dans le douloureux cheminement d’Aurore, le procès qui s’ouvre lundi est une nouvelle étape pour honorer la mémoire de ce père trop vite disparu à 29 ans. "Dans ma famille, le sujet est tabou, mes oncles et ma tante n’ont jamais envisagé de se porter partie civile, ma mère l’a longtemps refusé. Mais, pour moi, c’était inacceptable qu’il n’y ait pas le nom de mon père représenté parmi les victimes de ce procès, même si ça fait 30 ans", dit, dans un entretien téléphonique à l’AFP, cette femme aujourd’hui âgée de 32 ans. Aurore C. parle d’une voix décidée, portée par l’accent du Lot d’où elle est originaire et où elle vit toujours. "Je n’ai pas de souvenir de ce jour-là, c’est peut-être aussi pour ça que j’en parle plus facilement que ma famille", confie-t-elle.

"Ce jour-là", c’est le 29 mars 1982, l’explosion vers 20 h 40 sur la commune d’Ambazac (Haute-Vienne) de la deuxième voiture en tête du train "Le Capitole", assurant la liaison Paris-Toulouse. Les dix kilos d’explosifs placés, selon les experts, dans un bagage du compartiment, tuent cinq personnes, dont le père d’Aurore qui venait d’avoir 29 ans. L’attentat est attribué à l’organisation de Carlos qui sera jugé pour cet acte à partir de lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Aurore a alors deux ans et elle grandit sans douter de la version officielle familiale : son père est décédé dans "un accident de train". Nulle mention d’attentat : "C’était une explication pour me préserver." "Il y avait aussi une forme de honte, la maison était comme montrée du doigt. Les victimes d’attentat n’étaient pas reconnues comme elles le sont aujourd’hui."

"Grosse dépression"

Ce n’est qu’en 1997, à l’âge de 17 ans, qu’Aurore C. découvre la vérité sur la mort de son père : "Un jour, j’ai vu ma mère bouleversée devant le journal télévisé." C’était en décembre, au moment du premier procès de Carlos à Paris pour le meurtre en 1975 de deux policiers et d’un indicateur. Complètement "déstabilisée", l’adolescente sombre dans une "grosse dépression", mais l’épreuve n’entrave pas sa volonté de comprendre et d’en savoir plus sur ce mystérieux Ilich Ramírez Sánchez. "Son parcours est hyper complexe, il sort de grandes écoles et finit dans des camps d’entraînement, je ne comprends pas. Sa cause, je n’ai même pas envie de creuser tellement la méthode est inhumaine", analyse la jeune femme. Elle espère que le procès lui permettra d’en apprendre plus et qu’il constituera aussi une étape importante pour elle "personnellement".

"J’aurais voulu parler à Carlos, on m’a dit que ce ne serait pas possible. Je ne sais pas ce que je lui aurais dit, je pense que les mots seraient venus", confie Aurore. "Je le tutoie tout le temps dans ma tête. Ça fait tellement longtemps que je vis avec lui, je crois que je peux me permettre..." La préparation du procès lui aura déjà beaucoup apporté, notamment grâce aux rencontres avec les autres victimes. Pour mobiliser ces victimes, Françoise Rudetzki, qui avait créé en 1985 la première association de défense des victimes du terrorisme, SOS Attentats, a repris son bâton de pèlerin aux côtés d’une autre association, la Fenvac. "Trente ans après, certaines se demandent ce qu’un procès peut leur apporter", reconnaît-elle. Mais Aurore a rencontré des gens "impressionnants", des gens qui étaient dans le train où son père est mort, certains "grièvement blessés qui se sont battus pour retrouver leurs capacités. On se dit qu’on n’est pas les seuls à continuer à avancer."

Source AFP,Le Point.fr le 04/11/2011


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