A force de pression, les familles des victimes du crash de Phuket ont semble-t-il obtenu gain de cause. Lundi, l’aviation civile thaïlandaise annonçait qu’elle suspendait les licences de vol de One-Two-Go et d’Orient Thai pour une durée de 30 jours et promettait des poursuites judiciaires
Les opérations de secours autour de la carcasse fumante de l’avion de la compagnie One-Two-Go le 16 septembre, filmées par la télévision thaïlandaise (Photo LPJ Bangkok)
La compagnie aérienne thaïlandaise à bas prix One-Two-Go a été contrainte de suspendre ses vols pour 30 jours à compter du 22 juillet dernier, annonçait lundi le département thaïlandais de l’Aviation civile (DCA). La DCA, qui dirige actuellement une série d’enquêtes administratives autour du crash du vol OG 269 survenu le 16 septembre 2007 à Phuket, accuse la direction de la compagnie aerienne d’avoir effectué des contrôles de sécurité insuffisants et soumis aux autorités de faux documents.
La licence de vol de One-Two-Go est donc provisoirement suspendue le temps que la société procède à des améliorations dans la gestion de ses pilotes et des règles de sécurité, a indiqué Chaisak Angkasuwan, directeur général de l’Aviation civile. Cette suspension pourrait être prolongée et même devenir définitive si les défauts relevés par la DCA ne sont pas corrigés. Avertie depuis une semaine, la direction de One-Two-Go avait annoncé samedi qu’elle cessait ses activités pendant 56 jours pour "raison budgétaire", invoquant la hausse du prix du pétrole et la concurrence croissante.
Falsification de documents et dépassement des heures de vol
Par ailleurs, des poursuites judiciaires devraient être engagées d’ici deux semaines, toujours selon la DCA, à l’encontre de One-Two-Go, de ses pilotes et de ses inspecteurs de sûreté.
La DCA affirme avoir constaté des pratiques douteuses au niveau de la documentation concernant la qualification des pilotes et le dépassement des limitations de temps de vol. De telles irrégularités avaient été invoquées il y a plusieurs mois déjà par les familles de victimes et mises en évidence dans un reportage de la presse australienne diffusé en mars (voir notre encadré). Cela dit, les familles regrettent que la maison mère, Orient Thai, ne fasse pas l’objet du même traitement que One-Two-Go.
Orient Thai fait elle aussi l’objet d’une période de probation de 30 jours au terme desquels sa licence pourrait être suspendue. Mais l’avis de suspension de la licence de vol ne concernant que les appareils Mac Donnell Douglas de la série MD-80, les Boeing d’Orient Thai continuent de voler. "Il n’y a pas de différences au niveau opérationnel ni managérial entre Orient Thai et One-Two-Go", soulignait hier Bonnie Rind dont le frère est décédé dans le crash du vol 269. "Le crash [de Phuket] a selon moi été causé par une négligence destructrice et volontaire vis-à-vis de la sécurité des passagers et de la loi de la part d’Orient Thai/One-Two-Go, estime l’Américaine qui anime une campagne d’information sur le crash via le site Internet www.investigateudom.com. Ajouté à cela, un ensemble de dysfonctionnements au sein de la DCA ont amené à une erreur prévisible de pilotage", conclut Bonnie Rind.
La DCA soupçonné de trainer des pieds
Les familles de victimes reprochent aussi à la DCA de ne pas avoir joué activement son rôle d’organisme de contrôle et de prévention des risques, cela malgré plusieurs courriers de témoignages et plaintes vis-à-vis des pratiques de One-Two-Go. Elles dénoncent aussi la lenteur et un manque de transparence sur le déroulement de l’enquête. C’est d’ailleurs en bonne partie dans le but de briser le mutisme des autorités thaïlandaises et d’obtenir l’ouverture d’une enquête judiciaire en Thaïlande, que plusieurs familles ont procédé récemment à des dépôts de plainte dans leurs pays respectifs comme ce fut le cas en France, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Sous la pression croissante, et à quelques semaines de la haute saison touristique, les autorités thaïlandaises ont donc semble-t-il décidé d’accélérer les choses en prenant ces sanctions contre One-Two-Go. La DCA a même annoncé qu’elle rendrait les conclusions finales de l’enquête administrative à la fin du mois d’août. Reste à voir s’il ne s’agit pas d’un nouvel effet d’annonce. Au lendemain du drame du 16 septembre, l’institution avait affirmé pouvoir révéler les causes de l’accident dans les dix jours…
Le Petit Journal, Pierre QUEFFELEC et Aurélien BARBIN, jeudi 24 juillet 2008