La justice vient de reconnaître pour la première fois, plus de dix ans après la catastrophe, une responsabilité de l’Etat dans l’explosion de l’usine AZF qui a fait 31 morts le 21 septembre 2001 à Toulouse. Dans un arrêt du 24 janvier, la cour administrative d’appel de Bordeaux dit que l’Etat a commis une faute de surveillance, et accorde une indemnité de 2.500 euros à un couple de plaignants.
Carences dans leur mission de contrôle
Cet arrêt découle directement de la condamnation pénale, prononcée le 24 septembre 2012, de l’exploitant, Grande paroisse (groupe Total), et de l’ex-directeur de l’usine, Serge Biechlin, pour homicides involontaires. Claudine Molin, plaignante avec son mari et l’une des chefs de file de l’association toulousaine "Plus jamais ça ni ici ni ailleurs", a vu dans cet arrêt un "signal" : celui que "l’Etat (doit) se donner les moyens de contrôler ces sites Seveso, qu’il ne leur fasse plus aveuglément confiance" et "qu’on ne puisse plus jouer avec la vie des riverains". Ainsi l’indemnité, qui ne rembourse même pas les frais de justice, est accessoire, a dit Claudine Molin, dont le couple invoquait devant les juges un préjudice matériel pour les dégâts subis par sa maison, ainsi qu’un préjudice moral.
Selon l’arrêt de la cour administrative, "les constatations de fait" de l’arrêt pénal de la cour d’appel "s’imposent au juge administratif". Or, au pénal, la cour d’appel a jugé que l’explosion "a pour origine la réaction chimique accidentelle née du mélange de nitrates d’ammonium et de produits chlorés dans un environnement et des conditions d’entreposage qui ont favorisé cette réaction", rappelle la cour administrative. Elle relève que le hangar qui a explosé contenait "depuis longtemps des quantités de nitrates excédant notablement le seuil de stockage déclaré et autorisé" et "n’était plus étanche".
Selon la cour administrative, "les services de l’Etat chargés de l’inspection des installations classées ont fait preuve de carences dans leur mission de contrôle en ne détectant pas ou en s’abstenant de sanctionner les défaillances visibles et prolongées de l’exploitant" de l’usine. Si la cour ne retient pas de faute de l’Etat relative aux "pratiques récentes et non déclarées" de l’industriel ou aux "opérations inhabituelles" qui ont mené au mélange malencontreux provoquant la catastrophe, elle estime en revanche que les carences de l’Etat ont "fait perdre aux victimes une chance sérieuse d’échapper au risque d’explosion".
En première instance, le tribunal administratif de Toulouse avait débouté le couple qui réclamait 20.000 euros en septembre 2010. A l’époque, l’industriel avait été relaxé à l’issue du procès pénal de première instance au bénéfice du doute. Le tribunal administratif avait alors estimé que les dommages de l’explosion ne pouvaient être la conséquence directe des fautes de l’Etat car les causes du sinistres étaient "inexpliquées".
Une "question de principe"
Claudine Molin ne s’est pas avancée quant à l’éventualité que l’arrêt de Bordeaux incite d’autres victimes à suivre son exemple. Elle souligne qu’elle avait fait de l’affaire une "question de principe" et non d’argent. En outre, a-t-elle souligné, si les Molin ont pu saisir le juge administratif, c’est qu’à la différence de beaucoup, ils n’avaient pas demandé et obtenu de dédommagement de Total.
Condamné en appel, le groupe Total conteste toujours la thèse de l’accident chimique et a formé un pourvoi en cassation.
AFP - Le 25 janvier 2013