19 septembre - discours du président de la FENVAC

Discours de Pierre-Etienne DENIS, Président de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Depuis 1998, les victimes et familles endeuillées se retrouvent chaque 19 septembre pour ce temps d’hommage. Chaque année, elles se trouvent malheureusement plus nombreuses

Comme les années précédentes, je veux vous saluer avec fraternité et amour, vous, victimes présentes aujourd’hui, mais aussi penser à celles qui ne peuvent pas venir ou ne veulent pas venir de peur de ne pas supporter la cérémonie ou la foule.

De beaux esprits, dénoncent avec morgue la supposée naïveté de nos sociétés qui au terrorisme opposeraient comme seules réponses des cérémonies, des rassemblements, des bougies allumées.

Ils n’ont décidément rien compris.

Le 19 septembre est à la fois un rendez-vous pour les victimes et un point de repère pour la société.

Chaque 19 septembre est un MOMENT PRECIEUX. Celui où tous ensemble, au-delà même de la communauté des victimes, unis dans le souvenir et la douleur, nous prenons le temps pour nous retrouver sur l’essentiel. OUI L’ESSENTIEL.

L’essentiel face au terrorisme c’est de pouvoir se rassembler autour de nos valeurs humanistes, d’un modèle démocratique, de nos libertés.

Oui nous sommes mis à l’épreuve, mais l’essentiel est de ne jamais occulter notre force collective qui fait que si le terrorisme nous blesse fortement il ne nous tuera jamais en tant que communauté humaine. Finalement, il échouera

Cet essentiel impose aussi d’exiger une véritable mobilisation générale face à cette guerre dont nous devons tous ici prendre toute la dimension.

Le plus grand danger, le plus grand outrage pour les victimes de terrorisme, serait de banaliser peu à peu le terrorisme, nous habituant, dans une forme de renoncement aux attentats qui se succèdent de par le monde

Merci à tous d’être présent aujourd’hui. C’est l’essentiel.

Chaque 19 septembre est un TEMPS DE VERITE. Nous venons d’entendre les paroles de ces familles. Des mots à la fois si intimes et si universels qui d’année en année résonnent autour de cette statue « Parole portée » de Nicolas ALQUIN .Statue financée en 1997 par les victimes elles-mêmes.

Les victimes ont toutes les opinions, toutes les religions mais elles ont en commun de devoir affronter ces abimes de souffrances et de désespoir, ces chemins complexes des procédures et démarches, ces futurs à reconstruire.

Vous avez entendu ici les réalités d’un quotidien devenu chaotique et incertain qui fait que jamais une prise en charge digne des victimes ne pourra obéir à une logique de cases, de grilles avec l’idée d’un processus unique et identique pour tous.
Chaque victime est unique, a sa propre temporalité face à la sidération, puis à la prise de conscience puis dans sa progression vers la résilience

A la douleur de la séparation, au poids de l’absence, s’ajoute la perte souvent irrémédiable de l’insouciance qui laisse alors place à une insécurité morale, insidieuse et destructrice.
Ces attentats successifs sont - à chaque fois - une nouvelle épreuve susceptible d’anéantir les efforts que chaque victime a déjà accomplis, chaque jour, pour avancer envers et contre tout.

Chaque 19 septembre est un aussi un TEMPS DE RECONNAISSANCE. C’est un devoir moral chaque année de saluer l’engagement de toutes celles et de tous ceux qui dès les premières minutes ou dans la durée sont à nos côtés. Là où le terrorisme imagine déshumaniser, ils apportent cette chaude humanité faite de bienveillance et de l’attention à l’autre malgré l’horreur qui les entoure.

L’an dernier, nous avons remercié les personnels hospitaliers, les pompiers, les personnels municipaux et tous ces citoyens aidants, héros d’un jour et tant d’autres que nous n’oublions pas, comme les interlocuteurs au quotidien du Ministère de la Justice ou de la cellule de crise du Ministère des Affaires Etrangères.

MAIS en 2017 nous voulons saluer les forces de l’ordre (police, gendarmerie, militaire, administration pénitentiaire et autres professionnels). Fraternellement et simplement, parce que je sais que leur dévouement est profondément altruiste, je veux juste les assurer de tout notre soutien et de toute gratitude dans leur mission au service de notre sécurité, ici et sur les théâtres d’opérations extérieures. Cette mission se fait souvent au prix fort, je pense à leurs familles, et parfois même au prix ultime de leurs vies. N’oublions jamais les noms d’Abel CHENNOUF, Imad IBN ZIATEN, Mohamed Le GOUAD, Franck BRINSOLARO, Mohamed MERABET, Jessica SCHNEIDER et Jean Baptiste SALVAING, Xavier JUGELE,.

Chaque 19 septembre doit aussi être un TEMPS DE RESPONSABILITE. C’est le sens de l’invitation faite chaque année par nos deux associations FENVAC et AFVT à un représentant de l’Etat.

Nous vous remercions Monsieur le Premier Ministre d’avoir accepté de venir à notre rencontre aujourd’hui.

Il appartient à l’Etat de protéger ses citoyens. Il appartient sans doute aussi aux citoyens de choisir l’Etat dans lequel ils veulent vivre.

Votre responsabilité est là.

Nous, associations et familles avons aussi une tâche bien difficile.

Engagés bien malgré elles dans la réalité du terrorisme, les familles de victimes apprennent la complexité des questions que le terrorisme nous impose et nous savons, peut-être plus que quiconque qu’il n’y a malheureusement pas de réponse unique immédiate et miraculeuse.

Nous entendons parfaitement que le risque zéro n’existe pas, que malheureusement nos services et la justice ne peuvent déjouer chaque attentat.

Nous sommes prêts plus que d’autres à accepter l’idée que des choix doivent être faits, que des habitudes de vie doivent être quelque peu modifiées.

Nous ne pourrons par contre pas accepter que tous les moyens ne soient pas mis en œuvre.

Face à la hauteur des menaces et du temps très long de cette guerre à mener. Il faut veiller à une réelle mobilisation générale qui dépasse d’ailleurs nos frontières et rend indispensable plus de coopération européenne et internationale.

En ce jour d’hommage aux morts, leur mémoire nous impose de dire que nous avons besoin d’un Etat fort, implacable dans la lutte contre le terrorisme mais aussi un Etat capable de dire aux citoyens que nous devons nous adapter face à un monde qui change, que chacun porte en soi une part de l’effort collectif à faire, que chacun doit être totalement concerné par la sécurité des autres.
J’ai en tête ce plombier sur Villejuif qui évoque simplement ce qu’il a vu de suspect ou de ce courageux motard qui monte à l’assaut du camion à Nice, ou ces voyageurs du THALYS. A chaque fois des vies sont épargnées.

La particularité des associations de victimes c’est leur détermination, voir leur obstination.
Nous serons toujours une vigie exigeante et impliquée pour que ces questions fondamentales soient traitées à la hauteur tant des enjeux que du bilan humain dramatique du terrorisme.

Avant de conclure mon propos, la vérité dont je parlais il y a quelques minutes fait de moi le relais de la vive inquiétude des associations de victimes et de beaucoup de victimes concernant la politique d’aide aux victimes.

Après une regrettable période de flottement ou d’incertitude au mois de mai et de juin, une nouvelle organisation se met en place avec des moyens humains et une ambition affichée.

Pleinement conscient de notre responsabilité d’association nous jugerons bien sûr aux actes et aux résultats, mais vous le savez, nous contribuerons de toute nos forces à cette ambition de renforcer de construire l’aide aux victimes.
l’AFVT nous rejoint depuis longtemps sur cette détermination.

Chacun, à son niveau de responsabilités, doit d’ailleurs être capable d’entendre et d’écouter ceux qui ont besoin du soutien de l’Etat.

Oublions les schémas préconçus auxquels on voudrait trop souvent que les victimes s’adaptent. Face à ces attentats « Monde » frappant une trentaine de nationalités à Nice, Paris, Londres ou Barcelone, ayons une réflexion européenne sur l’aide aux victimes.

Rendre hommage à ceux qui nous quitté c’est aussi prendre soin au quotidien de leurs proches avec l’humilité de celui qui reconnait la part d’indicible et d’invisible dans le vécu post attentat.

C’est aussi apporter le même soin, quelques soit l’attentat, de petite ou de grande ampleur, en France ou à l’étranger. Toutes les victimes, toutes les familles sont égales.

Le 14 juillet dernier à Nice, le Président de la République a affirmé de façon assez nouvelle une ambition forte : celle de la confiance retrouvée que doit permettre l’action de l’Etat.

Cet horizon positif engage l’ensemble des décideurs mais LA aussi les citoyens à agir et réagir.

Tout n’a pas déjà été fait, tout n’a pas été tenté sans aucun doute.

Trop souvent les renoncements, les inerties et les facilités font que les victimes et leurs familles n’ont pas une réponse à la hauteur de ce que l’Etat et la société leur doivent.

Monsieur le Premier Ministre, vous êtes devant un chantier permanent et mouvant. Nous sommes tous devant un chantier permanent et mouvant.

La tâche porte en elle de hautes exigences morales, sociales et politiques.

Elle est exaltante car nous parlons simplement d’offrir un avenir à ceux qui pensent avoir tout perdu.

Je dois dire combien au fil des années j’ai été frappé par le courage, la dignité des victimes, de leurs familles. Admiratif de leur détermination à aller de l’avant dans de nouveaux projets de vie, dans des engagements forts au service des autres.

Suite à de tels drames, chacun de nous doit pouvoir grandir, chacun de nous doit pouvoir avoir l’opportunité et l’aide nécessaire pour construire une vie, différentes certes, qui doit toujours rester porteuse d’accomplissement personnel et, disons-le même si pour certains c’est dur encore à entendre, de joies.

C’est je crois ICI que se situe le cœur du travail d’accompagnement associatif.

C’est ce message d’espoir qu’il faut aussi savoir porter.

C’est notre force. C’est notre meilleure réponse au terrorisme.

Je vous remercie.

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