City of Poros : la parole des mères des Français tués, 23 ans après l’attaque

Vingt-trois ans après l’attentat du bateau grec City of Poros, la cour d’assises spéciale de Paris a écouté mercredi, dans un grand silence, les paroles de trois femmes de 70, 72 et 74 ans, mères des jeunes Français tués dans l’attaque attribuée au groupe palestinien Abou Nidal.

En l’absence des trois accusés, en fuite ou décédés, la cour a consacré toute cette journée d’audience aux familles, rescapés et très nombreux blessés.

Les mains bien à plat sur la barre, Christiane Vigneron, sage-femme retraitée, évoque "ses" enfants tués le 11 juillet 1988 : "Laurent, mon fils, et Annie (Audejean), ma future belle fille. On allait les fiancer au retour".

Quand la présidente précise qu’Annie a été retrouvée "calcinée" et Laurent a été "polytraumatisé", Mme Vigneron l’interrompt d’un vif "je ne veux pas le savoir !". Elle n’a jamais voulu lire le rapport d’autopsie ni le dossier d’accusation.

Mais la magistrate poursuit : "il a été brûlé et atteint de deux balles à l’épaule tirées par derrière", semblant ainsi insister sur l’idée que Laurent ne pouvait absolument pas avoir été le tireur. Car cet étudiant français de 22 ans avait été accusé par les autorités grecques d’être l’auteur de l’attaque. Pour l’avocat Francis Szpiner, ces accusations servirent d’"écran de fumée pour ne pas braquer le projecteur sur les groupes palestiniens qui bénéficiaient, de la part de Grèce et de Chypre, d’une complaisance coupable et d’une lâcheté abyssale".

Mme Vigneron conclut : "Le terrorisme, de toute façon, dérange énormément. On traite les victimes de terrorisme comme on traiterait sa mauvaise conscience".

Puis Jacqueline Audejean raconte qu’après la mort de sa fille, son "étoile", elle "ne pouvait pas pleurer". "J’étais bloquée, c’était un bien vis-à-vis de mes élèves", dit l’ancienne institutrice, qui dit avoir "fait face", en mémoire de sa fille "qui était une battante".

- Hier encore, je n’avais pas l’intention de venir à la barre et je n’ai pas dormi.

- On regrette plus de ne pas s’être exprimé que de s’être exprimé, insiste la présidente.

- Maintenant, mes larmes coulent un petit peu, glisse Mme Audejean.

Puis les sept magistrats entendent la mère d’Isabelle Bismuth, secrétaire française de 21 ans, morte dans la fusillade et l’incendie.

"Mon mari n’est pas là, il a eu une crise d’angoisse", explique Simone Bismuth qui pleure soudain en se souvenant que sa fille fut accusée "au journal de 20 heures" d’avoir été "une terroriste", parce qu’elle avait été vue et photographiée en train de jouer aux cartes avec le jeune homme qui allait tirer sur la foule.

"Le ministère français de la Justice m’avait seulement donné une lettre en disant : si des gens accusent encore votre fille, vous n’aurez qu’à montrer ce courrier. Mais la France n’a rien démenti publiquement", regrette-t-elle.

La cour devrait rendre son verdict jeudi soir à l’encontre des trois accusés recherchés depuis 1992 : deux présumés Libanais, Adnan Sojod, le jeune tireur, et Abdul Amoud, jugé comme complice, ainsi que le Jordanien Samir Khaidir, haut responsable du Fatah-Conseil révolutionnaire considéré comme l’organisateur de l’attentat.

Hors audience, la présidente de la cour aura été critiquée pour son apparente méconnaissance des dossiers de terrorisme et sa façon "brouillonne" de mener le procès. Mais des parties civiles saluaient mercredi son "insistance" à convoquer un maximum de victimes.

Devant elle, William Colin, qui avait 17 ans au moment de l’attaque, a précisé qu’il était marié depuis 18 ans avec une autre rescapée : "Avec mon épouse, on n’avait jamais parlé (de l’attaque) jusqu’à ces derniers jours".

AFP - 2ç février 2012


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