Crash d’EgyptAir : les familles s’impatientent

Au fil des jours, la piste d’un ­attentat s’est faite de plus en plus ténue. Trois mois après la disparition des écrans radar, dans la nuit du 18 au 19 mai, d’un Airbus A320 d’EgyptAir entre la Crète et la côte égyptienne (66 victimes dont 40 Égyptiens et 15 Français), rien n’a jusque-là permis d’étayer l’­hypothèse d’un acte de malveillance, a fortiori d’une action terroriste qui n’a pas été revendiquée. Entre-temps, la piste d’un incident technique s’est, elle, renforcée.

Selon une source proche du dossier, plusieurs messages d’alarme envoyés par le système automatisé de communication (Acars) de l’Airbus, dont certains indiquant la présence de fumée, auraient été reçus par le centre de maintenance d’­EgyptAir avant l’arrivée de l’appareil à Paris. "Les premières investigations ont confirmé l’existence sur cet avion de défauts techniques lors des vols qui ont précédé, le 18 mai, le Paris - Le Caire, et dont EgyptAir devait avoir connaissance", affirme Me Sébastien Busy, avocat de 19 familles de victimes – dont 14 françaises – et de la ­Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac).

Si c’est le cas, a-t-il été tenu compte de ces messages lors de l’escale parisienne ? L’avion peut-il être reparti sans que les vérifications ou réparations nécessaires aient été effectuées ? "Cet appareil n’aurait jamais dû redécoller de Roissy sans une intervention technique", estime Stéphane Gicquel, directeur général de la Fenvac. Contacté par le JDD, le cabinet d’avocats Clyde & Co, qui représente EgyptAir, n’a pas souhaité communiquer sur ce dossier.

"C’est le black-out total"

La gendarmerie des transports aériens, saisie par la justice dans le cadre de l’enquête française, n’avait selon nos informations pas reçu fin juillet de réponse de la compagnie aérienne égyptienne, à qui les enquêteurs ont demandé des documents sur la maintenance de l’appareil et sur l’équipage. "J’espère que l’Égypte coopérera vraiment lorsque l’on abordera les problèmes de fond", s’inquiète Me Busy. "Nous voulons que les juges puissent se rendre au Caire. Quarante-huit heures après le crash, l’ambassadeur d’Égypte nous a dit que son pays n’aurait pas peur de la vérité, quelle qu’elle soit, rappelle Stéphane Gicquel. Il faut en tirer les conséquences."

Les familles des victimes ne se satisfont pas des informations délivrées jusque-là par la commission d’enquête égyptienne, épaulée par des experts du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA). "C’est le black-out total, estime Stéphane Gicquel. Les Égyptiens s’étaient engagés à ce que les familles soient averties avant les communiqués officiels. Or ce n’est pas le cas, et nous ne recevons rien de plus que ces communiqués" : annonce de la localisation des débris et découverte des boîtes noires mi-juin ; confirmation fin juin, grâce à l’analyse des données de vol, du déclenchement d’alarmes indiquant la présence de fumée à bord dans les minutes précédant le crash ; annonce mi-juillet que le mot "feu" a été capté par la boîte noire qui enregistre les voix dans le cockpit…

Des réponses attendues sur la restitution des corps

L’identification des restes humains repêchés en Méditerranée, qui se trouvent encore en Égypte pour des analyses ADN, devrait être achevée d’ici à la fin août. Mais les familles s’inquiètent, là encore, du devenir des restes non identifiés. "Après le crash de l’avion d’Air Algérie au Mali il y a deux ans, nous avions découvert que ces restes avaient été inhumés à Gao sans consultation préalable des familles, constate Me Busy. Si on pouvait éviter de répéter ce traumatisme…" Le 3 août, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a très diplomatiquement rappelé à son homologue égyptien, Sameh Choukri, que les familles souhaitaient des réponses sur "la restitution des corps des victimes, ainsi que sur les causes du crash", exprimant leurs attentes "à l’égard de la commission d’enquête égyptienne" et d’EgyptAir.

Au cœur de l’été, les proches s’impatientent. Le 20 juin, la compagnie annonçait qu’elle allait commencer à indemniser les familles en versant 25.000 dollars pour chaque ­victime. Or à ce jour, aucune ­famille française n’a reçu une provision sur cette aide d’urgence. EgyptAir réclame plusieurs documents administratifs, dont un acte de décès. "J’ai l’exemple d’une famille irakienne qui ne parvient pas à obtenir cet acte auprès de son administration, constate Me Busy. On sait pourtant que personne n’a survécu, que le décès des passagers est une évidence, alors avoir l’audace de demander cela…"

Source : lejdd.fr
Auteur : Richard BELLET
Date : 14/08/2016

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