Crash du Fokker : le procès s’ouvre aujourd’hui à Pau

Terrible hasard. Parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, Michel Coupeau, un père de famille âgé de 53 ans, a trouvé la mort le 25 janvier 2007. Avant de toucher le sol, un Fokker 100 a percuté au passage la cabine de son camion.

Plus de 5 ans après le drame, les proches du défunt, Christine sa veuve, ses enfants, André Coupeau son frère, n’attendent qu’une chose de la justice : « la vérité ». « Nous voulons savoir pourquoi Michel est mort si bêtement. Nous n’éprouvons de haine pour personne, nous voulons simplement savoir qui est responsable, parce que forcément quelqu’un est responsable, » martèle André Coupeau.

La famille est toujours meurtrie d’avoir été, selon ses propres termes, « zappée » par les autorités pendant deux jours à la suite de l’accident. La colère d’André Coupeau est toujours aussi vive : « J’ai appris la mort de mon frère par le maire de Montaut. L’accident s’est produit un jeudi matin. On nous a ignorés jusqu’au samedi. Conscient qu’il avait fait une bourde, le secrétaire général de la préfecture de l’époque est venu chez nous le samedi » raconte-t-il.

La vie s’est arrêtée

Et sa nièce d’enchaîner : « Tout le monde ne parlait que du pilote qui avait sauvé 50 passagers, mais on semblait ignorer qu’au passage il avait tué une personne. Il ne fallait pas oublier cette victime ni sa famille » regrette encore, très amère, la fille du défunt.

Depuis plus de cinq ans, la vie de Christine Coupeau est entre parenthèses. La mère de famille ne parvient pas à faire le deuil de son mari : « Elle ne sort pratiquement plus. Nous avons mis des mois à la convaincre de reprendre le volant. Heureusement qu’elle a ses deux petites filles âgées de 1 an et de 5 ans et demi » confie Magalie Coupeau. Perdue dans ses pensées, Christine Coupeau ne peut retenir ses larmes. Elle évoque du bout des lèvres son mari « très gentil et gros bosseur, bon vivant et toujours prêt à rendre service. »

Retranché dans une bulle

Parmi les passagers de ce vol, certains ont porté plainte, d’autres non. Comme André Sabatté, 56 ans, et Xavier Claverie, 43 ans, tous les deux domiciliés à Barzun. Tout à la joie d’un départ vers l’île Maurice, les Barzunais n’ont pas pris immédiatement conscience de la gravité de la situation : « Je crois qu’au moment de l’accident, je me suis retranché dans une bulle » explique André Sabatté. « Comme dans ces cas-là, on est maître de rien, nous avons attendu que l’avion s’arrête. Cela va très vite et en même temps, c’est terriblement long » reconnaît Xavier Claverie. Quand il a compris qu’il avait frôlé la mort, André Sabatté a été envahi par un sentiment d’euphorie : « Mais je ne savais pas encore que le chauffeur du camion était mort » se souvient-il.

Cet accident d’avion dont ils sont sortis indemnes les a marqués mais pas traumatisés. André Sabatté, malgré sa peur rétrospective, emprunte chaque année des longs courriers. « On m’a dit que certains passagers traumatisés ne peuvent plus prendre l’avion, ce n’est pas mon cas » admet-il.


===> Des questions restées sans réponse

Le procès du Fokker 100 se déroulera dans la salle réservée habituellement aux assises. Il débutera ce lundi 7 novembre, se poursuivra demain et peut être mercredi en fonction des débats. A l’issue de quatre ans d’instruction et d’un feuilleton de procédures, seuls le commandant de bord et la compagnie Régional Airlines sont renvoyés devant le tribunal de grande instance pour homicide involontaire et blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposé par la loi ou le règlement.

Les débats seront présidés par Marc Magnon, vice-président du tribunal de grande instance. L’accusation sera soutenue par Stéphanie Paguenaud, vice-procureur. Les intérêts de la famille du défunt seront défendus par Mes Thierry Sagardoytho et Julien Marco. Deux experts, MM. Oosterlinck et Magne, sont cités à la barre ainsi que Pierre-Alain Tocci, le copilote qui avait été mis en examen mais qui avait bénéficié d’un non-lieu et l’effaroucheur de vanneaux. Le dossier « est objectivement complexe » selon le procureur de la République Jean-Christophe Muller et les débats seront forcément « techniques ». Le commandant de bord Jean-Jacques Bertrand sera défendu par Me Roland Rapaport, du barreau de Paris, tandis que Me Jean Chevrier, également du barreau de Paris, assurera la défense de la compagnie aérienne Régional du groupe d’Air France. Le comportement du commandant de bord a-t-il ou non été adapté avant et pendant le décollage ? Le risque de givrage a-t-il été pris en compte par le pilote et la compagnie ? La formation et l’information prodiguées par Régional Airlines à son personnel sous-estimaient-elles ou non, les risques de givrage au sol ? Ces trois questions seront au coeur des débats.

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===> Précédents à cause du givre

Le 10 mars 1989, un Fokker F28 s’était écrasé quelques secondes après son décollage à Dryden (Canada). Le givrage au sol était l’une des causes de l’accident. Le 22 mars 1992, un Fokker F28 s’était crashé quelques secondes après son décollage à New York (givrage de l’aile). Le 5 mars 1993 un Fokker F28 s’écrasait à l’aéroport de Skopje (Macédoine). Après l’accident du 27 janvier 2007, la compagnie avait modifié les consignes données aux pilotes et des risques au décollage. Depuis 2010, Régional Airlines a changé de flotte.

Evelyne LAHANA, la République des Pyrénées le 7 novembre 2011


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