CRASH DU RIO-PARIS : LE PARQUET « PAS EN MESURE » DE REQUERIR LA CONDAMNATION D’AIR FRANCE ET AIRBUS

Les représentants du ministère public ont souligné mercredi 7 décembre, dans leur réquisitoire, que la culpabilité des entreprises leur « paraît impossible à démontrer ». Toutes deux sont jugées pour homicides involontaires après le crash du vol AF447, dans lequel 228 personnes sont mortes le 1er juin 2009.

Le vol Air France AF 447 reliant Rio à Paris s’est abîmé au milieu de l’océan Atlantique dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2009. | PHOTO : SERVICE INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE

« Nous ne sommes pas en mesure de requérir la condamnation d’Airbus et d’Air France. » En l’annonçant à la fin de son réquisitoire au procès du crash du vol Rio-Paris, le parquet savait que sa « position » serait « peut-être inaudible pour les parties civiles ». Les réactions ont jailli. « La honte ! » lance aussitôt un homme dans la salle, accompagné d’applaudissements de colère et de huées. La présidente a ordonné une suspension d’audience.

C’est un « renversement insensé », souffle une femme, émue aux larmes. Qui ne « revient pas » de ce qu’elle vient d’entendre. Les deux procureurs disant que « la culpabilité » du constructeur et de la compagnie aérienne, poursuivis pour « homicides involontaires » dans le crash du vol Rio-Paris, qui a fait 228 victimes, leur « paraît impossible à démontrer ».

Sondes bouchées par des cristaux de glace

Le 1er juin 2009, le vol AF447 traverse la zone météo difficile quand les sondes de vitesse Pitot, situées sur la carlingue de l’avion, sont bouchées par des cristaux de glace. Le pilote automatique se déconnecte et des alarmes se déclenchent dans le cockpit, affichant fausse vitesse et une altitude erronée. Les deux copilotes alors en poste sont surpris.

Celui aux commandes adopte une trajectoire ascendante – plusieurs hypothèses ont été émises à la barre pour expliquer cette décision -, qui va entraîner le décrochage de l’appareil. L’équipage n’arrivera pas à le récupérer. L’Airbus A330 percute l’océan moins de cinq minutes après le givrage des sondes.

Pas de « négligence fautive », relève le parquet

Il est notamment reproché au constructeur européen d’avoir « sous-estimé la gravité des défaillances des sondes anémométriques » consécutives à leur givrage. Et à la compagnie de s’être « abstenue de mettre en œuvre une formation adaptée », ainsi que « l’information des équipages qui s’imposait ». Ce qu’ont toujours contesté les sociétés, qui encourent 225 000 € d’amende, estimant n’avoir commis « aucune faute pénale » à l’origine de la catastrophe.

Dans un long réquisitoire à deux voix, le ministère public a détaillé tous les « facteurs contributifs » de l’accident, afin de savoir si une « faute » peut être retenue contre Airbus et Air France en « lien certain » avec la catastrophe. Il a d’abord abordé le non-remplacement sur l’Airbus A330 des sondes Pitot, souvent reproché par les familles de victimes pointant la recrudescence d’incidents de givrages signalés avant le crash.

« Je crois qu’il y avait à l’époque d’une part l’impossibilité technique de comprendre ce phénomène de givrage et, d’autre part, de déterminer avec certitude si un autre modèle de sonde résistait mieux », a estimé le procureur, écartant toute faute pénale. Il estime aussi « qu’aucun défaut de conception de l’appareil » n’avait de lien « certain avec la perte de trajectoire de l’avion ». Il ne relève pas non plus de « négligence fautive » sur l’information aux compagnies. Ni de « faute de nature pénale pouvant être retenue contre Air France et Airbus sous l’angle de la formation des pilotes. »

Un « gâchis » pour les parties civiles
C’est un « gâchis » a lancé à la suspension d’audience Me Alain Jakubowicz, avocat de l’association de victimes Entraide et solidarité AF 447. « Treize ans que les familles attendent et aujourd’hui elles ont l’impression qu’on leur marche dessus parce qu’on nous dit que l’accident, c’est la faute à pas de chance, la faute des pilotes. Et qu’Air France et Airbus ont fait tout ce qu’il fallait », ajoute-t-il, parlant d’un « parquet déloyal vis-à-vis des parties civiles ».

« Comment voulez-vous que les justiciables comprennent quelque chose. On a tout eu dans cette affaire : le parquet n’a même pas suivi sa propre logique de 2019 quand il demandait le renvoi devant la justice d’Airbus et pas d’Air France », souligne l’avocat. Rappelant la suite : « Des juges d’instruction ont prononcé peu après un non-lieu général », dont il a été fait appel. « Le parquet général avait ensuite réclamé le renvoi en procès des deux sociétés et a été suivi par la cour d’appel ».

Le parquet selon lui « n’a pas compris les enjeux de ce procès : ce sont ceux de la sécurité aérienne. […] Le procès n’est pas terminé, il reste désormais la décision des magistrats du siège. »

Crédit photos : SERVICE INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE, article par Philippe MIRKOVIC publié sur le site de ouest-france.fr

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