PROCES Plus de treize ans après le crash du Rio-Paris au large du Brésil qui avait tué 228 personnes, le constructeur Airbus et la compagnie Air France sont jugés à partir de lundi et pour deux mois à Paris
Le 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro et Paris s’est abîmé en pleine nuit dans l’Atlantique, 3H45 après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d’équipage.
le 12 mai 2021, la chambre de l’instruction a prononcé le renvoi pour homicides involontaires d’Air France et d’Airbus devant le tribunal. Jugées à partir de lundi et pour deux mois, les deux entreprises encourent 225.000 euros d’amende.
Les proches des victimes attendent de ce procès des réponses. « On a besoin de savoir comment ça s’est passé, pourquoi ça s’est passé, et pourquoi l’accident n’a pas été évité », confie la présidente de l’association AF447 Entraide et solidarité.
Treize années se sont écoulées depuis le crash du Rio-Paris, au milieu de l’océan Atlantique. Et depuis tout ce temps, les mêmes questions tournent en boucle dans la tête de Danièle Lamy. « On a besoin de savoir comment ça s’est passé, pourquoi ça s’est passé, et pourquoi l’accident n’a pas été évité », confie la présidente de l’association AF447 Entraide et solidarité, qui a perdu son fils Eric, 37 ans, dans la catastrophe aérienne survenue en juin 2009, la plus meurtrière de l’histoire d’Air France. Dans l’Airbus A330 d’Air France, ce jour-là, se trouvaient 12 membres d’équipage et 216 passagers de 33 nationalités différentes, dont 61 Français. Au terme d’une longue bataille judiciaire, les deux entreprises ont finalement été renvoyées devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire.
« Nous attendons que ce procès », qui commence ce lundi, « soit bien le procès d’Airbus et d’Air France » et non « celui des pilotes », insiste Danièle Lamy. « Ce sont des victimes au même titre que les autres », poursuit-elle, la justice doit « sanctionner les vrais responsables ». L’analyse des boîtes noires de l’appareil, repêchées un mois plus tard, a confirmé que les pilotes, désorientés par le givrage des sondes de vitesse Pitot dans la zone instable du Pot au noir près de l’Équateur, n’ont pu rattraper le décrochage de l’appareil, qui a eu lieu en moins de cinq minutes. « Ils n’avaient plus aucune information. Il faisait nuit, il y avait de l’orage, et trois sondés sur trois étaient givrés », souligne la présidente de l’association qui compte 384 adhérents originaires de 13 pays.
« Pourquoi Airbus a-t-il attendu pour changer les sondes ? »
Les défaillances de sondes s’étaient multipliées dans les mois précédant l’accident. Après la catastrophe, le modèle concerné a été remplacé dans le monde entier. « Pourquoi Airbus a-t-il attendu qu’il y ait un crash pour faire changer les sondes sur les avions ? Si cela avait été fait plutôt, comme le demandait Air France en 2008 et 2009, l’accident ne serait pas arrivé », veut croire Danièle Lamy. L’avionneur européen conteste, lui, toute faute pénale, tout comme la compagnie aérienne. Après une longue succession d’expertises, les juges d’instruction avaient d’ailleurs prononcé un non-lieu en août 2009. Scandalisés, les proches des victimes et les syndicats de pilotes avaient fait appel. En mai 2021, la chambre de l’instruction a prononcé le renvoi des deux entreprises devant le tribunal. Elles encourent 225.000 euros d’amende.
Dans son arrêt, la cour d’appel a en effet estimé qu’il existait des charges suffisantes contre Air France pour s’être « abstenu de mettre en œuvre une formation adaptée [et] l’information des équipages qui s’imposait » face au givrage des sondes, « ce qui a empêché les pilotes de réagir comme il le fallait ». Airbus a été renvoyé pour avoir « sous-estimé la gravité des défaillances des sondes anémométriques équipant l’aéronef A330, en ne prenant pas toutes les dispositions nécessaires pour informer d’urgence les équipages des sociétés exploitantes et contribuer à les former efficacement ».
« Redonner une dimension humaine à ce procès »
Durant deux mois, de nombreux experts vont se succéder à la barre de la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Leur témoignage devra aider les juges à déterminer si Airbus et Air France ont commis des fautes en lien certain avec l’accident. « Les parties civiles savent que les débats seront très techniques, afin de permettre au juge de trancher sur la question de la responsabilité pénale, c’est absolument inévitable », souligne Me Olivier Morice, avocat de plusieurs familles de victimes.
« Notre rôle sera de redonner une dimension humaine à ce procès. Il ne faut pas que cela soit comme pour celui du Concorde, où l’on avait parlé que de technique, comme s’il n’y avait pas de victime. Là, il y a des centaines de victimes et il ne faut pas oublier ça », ajoute Me Alain Jakubowicz, avocat d’Entraide et Solidarité. Ce dernier espère que le procès permettra de « faire avancer la sécurité aérienne ».