Crash du vol Egyptair MS804, un an après : "L’Égypte doit expliquer pourquoi cet avion s’est écrasé"

Les proches des victimes demandent au gouvernement égyptien de conclure l’enquête sur le crash, qui piétine depuis le 19 mai 2016.

De l’aveu même des proches de l’enquête, le dossier est uniquement "politique". Un an après le crash d’un Airbus A320 d’Egyptair reliant Paris au Caire, les investigations sur les circonstances du drame n’ont toujours pas livré de conclusion. Si les enquêteurs français penchent depuis le début pour la thèse de l’accident, l’Égypte, elle, continue de soutenir la piste d’un attentat.

"On est totalement impuissants", regrette Sophie, qui a perdu son fils dans le crash. "Les seuls touchés, c’est nous. Les seuls qui voient leurs vies compliquées et chamboulées, c’est nous. Et on est spectateurs de la bagarre entre deux États souverains", raconte celle qui est aussi vice-présidente de l’association des familles des victimes du crash.

Son histoire est celle de tous les proches de victimes de cette catastrophe, condamnés à une double peine : devoir faire leur deuil en voyant s’affronter deux récits de leur tragédie.

"Pas de charges explosives" à bord selon la France

Le 19 mai 2016, le vol MS804 s’abîme en mer Méditerranée entre la Crète et la côte nord de l’Égypte, après avoir soudainement disparu des écrans radars. Les 66 personnes à bord, dont 40 Égyptiens et 15 Français, meurent.

Pour les gendarmes et magistrats français, tout porte à croire qu’il s’agit d’un accident causé par "la combustion ou l’autocombustion d’une tablette" qui aurait été posée près du tableau de bord dans la cabine des pilotes. Des alertes automatiques avaient en effet été émises par l’appareil deux minutes avant sa chute, signalant de la fumée dans le cockpit et une défaillance de l’ordinateur gérant les commandes.

Plusieurs incidents techniques avaient été signalés à bord de l’avion dans les heures précédant le vol Paris-Le Caire. D’après le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation (BEA), en charge des investigations en France, les radars grecs ont vu l’avion tomber en vrille, comme une flèche. Les pièces de l’avion n’étaient pas éparpillées et plutôt bien conservées lorsqu’elles ont été retrouvées. Autant d’indices qui ont toujours éloigné la thèse d’une explosion et justifié pour le parquet de Paris l’ouverture d’une information judiciaire pour "homicide involontaire" en juin 2016.

L’Égypte, de son côté, assure que des traces d’explosifs ont été retrouvées sur les corps des victimes. Mais des prélèvements effectués par l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) sur les corps des huit victimes françaises, qui avaient été rapatriés en France en janvier, ont conclu "qu’il n’y avait pas de charges explosives" à bord de l’avion car "aucune trace de poudre n’a été retrouvée" sur les corps. Sans compter le fait qu’aucune organisation n’a revendiqué un attentat à bord du vol MS804.

La "chape de plomb installée par les Égyptiens"

"Beaucoup de faits vont dans le sens d’un accident et d’un problème de maintenance. Mais est-ce que je suis sûre à 100% qu’il n’y a pas eu de bombe dans l’avion ? Je n’en sais rien", confie Sophie. Depuis le drame, les enquêteurs égyptiens ont la main sur le dossier, en détiennent toujours les éléments fondamentaux comme les débris de la carlingue ou les enregistreurs de vol, et ne semblent pas prompts à le clore. "Les Égyptiens n’ont pas manifesté une grande volonté de collaborer", juge une source proche de l’enquête.

Sébastien Busy, l’un des avocats de l’association des familles de victimes, regrette la "chape de plomb installée par les Égyptiens", dont les derniers résultats d’investigation dans ce dossier remontent à juillet 2016. "Ce silence ne peut que nourrir la suspicion", juge-t-il auprès du HuffPost.

"On peut penser que le gouvernement égyptien a tout intérêt à protéger sa compagnie aérienne en l’exonérant de toute responsabilité, confiait une source diplomatique auprès de M6 en octobre. L’acte terroriste lui permet également de légitimer sa chasse aux islamistes".

"Quelle que soit la cause du crash, l’Égypte doit expliquer pourquoi cet avion s’est écrasé, c’est une question de principe", soutient Sophie, pour qui "la responsabilité du gouvernement sur l’espace aérien" est en jeu.

Faire en sorte que le dossier reste sur la table

Pour Sophie comme pour les autres proches des victimes, la conclusion du dossier permettrait de faire le deuil des victimes et sortir de cette "situation invraisemblable" dans laquelle les familles ont été plongées "du jour au lendemain". "C’est difficile, c’est cruel, parce que dans le cas d’un accident collectif on ne parle pas des personnes, confie-t-elle. On est tout le temps obligé de se pencher sur un sujet qui n’est pas la personne aimée".

Avec l’élection du nouveau président et la nomination du gouvernement, un nouveau travail commence pour les familles de victimes : faire en sorte que le dossier du vol MS804 reste sur la table. Sophie, qui loue le rôle "extraordinaire" de l’ancienne Secrétaire d’État à l’aide aux victimes Juliette Méadel (qui n’a pas de successeur dans le nouveau gouvernement), assure que l’association va écrire à Emmanuel Macron.

En attendant, les familles de victimes se réunissent ce vendredi à 11 heures à Paris. Une manifestation a lieu devant l’ambassade d’Égypte, pour demander au pays "de rendre les conclusions de l’enquête" et interpeller le nouveau président français, dans cette affaire où la diplomatie impose son rythme à la justice.

Source : huffingtonpost.fr
Auteur : Claire Digiacomi
Date : 19 mai 2017

Crédit photos : Source : huffingtonpost.fr Auteur : Claire Digiacomi Date : 19 mai 2017

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