Crash du vol Rio-Paris : après quatre semaines de procès, quelques réponses et beaucoup de questions

Les quatre semaines du procès du crash du viol Rio-Paris en 2009 ont permis de clarifier certains points, mais les participants attendent encore plusieurs réponses

Pendant quatre semaines de procès sur le crash du Rio-Paris en 2009, l’attention du tribunal s’est focalisée, lors de débats techniques, sur la réaction des pilotes de l’AF447, sondant en creux les responsabilités d’Airbus et d’Air France avant l’interrogatoire de leurs représentants. Le premier jour, le 10 octobre, fut électrique, entre les dirigeants du constructeur et de la compagnie aérienne déclarant leur « compassion » et certaines parties civiles explosant de colère, plus de treize ans après l’accident qui a fait 228 morts.

Depuis, les débats sont devenus techniques à la 31e chambre qui a entendu une vingtaine de témoins : gendarmes, experts aéronautiques, responsables des autorités de contrôle, anciens cadres des entreprises prévenues, pilotes. Procédure « IAS douteuses », écran « ECAM », rapport « ASR »… Présidé par Sylvie Daunis, récemment aux commandes du procès de la Yemenia Airways, le tribunal a pénétré les rouages du monde de l’aviation, maniant son vocabulaire riche en sigles et en expressions anglaises.

Plusieurs hypothèses

Chaque jour, entre vingt et trente proches des victimes s’assoient du côté gauche de la salle d’audience. À droite, les équipes d’Airbus et d’Air France, souvent en costume, occupent là aussi plusieurs rangs. Devant chaque partie, une foule de robes noires. Tous ont entendu, pour la première fois et à huis clos le 17 octobre, l’enregistrement des voix des pilotes, issu des boîtes noires repêchées à 3 900 mètres au fond de l’Atlantique.

Un moment « très fort » qui a permis de saisir « l’incompréhension » de pilotes qui ont « tout tenté », et d’écarter un « scénario d’épouvante » du côté de la cabine passagers, a estimé Me Alain Jakubowicz, avocat de l’association Entraide et Solidarité AF447. En pleine nuit le 1er juin 2009, l’A330 traversait la zone du « Pot au Noir » quand il a perdu ses indications de vitesse, à cause du givrage des sondes Pitot. Une panne qui a notamment entraîné une déconnexion du pilote automatique et un basculement dans un mode de pilotage dégradé. L’avion a heurté l’océan 4 min 23 plus tard.

Pourquoi le copilote aux commandes a-t-il tiré sur le manche, entraînant une trajectoire ascendante qui sera funeste ? Plusieurs hypothèses ont été émises à la barre, certains y voyant une compensation « réflexe » à un affichage erroné de perte d’altitude, d’autres une réaction à une impression de « survitesse », d’autres encore la volonté de sortir des nuages du Pot au Noir pour rejoindre le ciel clair.

« Effet tunnel » ?

Les trois pilotes, tous qualifiés, n’ont pas diagnostiqué la panne, ni appliqué les procédures en vigueur. Ils ont aussi ignoré l’alarme de décrochage, qui a retenti durant 54 secondes : l’ont-ils jugée incorrecte ou ont-ils été victimes d’un « effet tunnel » lié au stress ? L’« effet de surprise », justement, a été longuement soupesé. Car la compagnie comme le constructeur, jugés pour homicides involontaires, sont entre autres soupçonnés d’avoir « sous-estimé » le danger et trop peu préparé les équipages au gel des sondes.

Si la procédure en cas de perte des vitesses était valable selon Airbus pour « tous les niveaux de vol », elle a été jugée « inadaptée » par les premiers experts, car elle était enseignée en basse altitude. Or l’AF447 était à près de 11 km d’altitude. Par ailleurs, il existait bien une procédure face à l’alarme annonçant le décrochage, mais pas pour récupérer un décrochage engagé. Celle-ci a été mise en place après l’accident, en 2010. « N’y a-t-il pas là une énorme défaillance du constructeur ? » a insisté Thibault de Montbrial, avocat des familles allemandes. Airbus a fait valoir que ces compétences relevaient du pilotage « de base ».

Prévenus à la barre

Si le phénomène des cristaux de glace en haute altitude était alors mal connu, les pannes de sondes se sont multipliées en 2008, passant d’une à quatre par an, à 17 - pour des raisons qui restent encore aujourd’hui mystérieuses. Trois pilotes alors aux commandes en ont fait le récit, l’un d’eux décrivant la « sidération » face à un « festival » de pannes « qui vous sautent à la figure ». Interrogés par la partie civile, ils ont dit ne pas savoir s’ils auraient « fait mieux » que l’AF447.

À près de la moitié d’un procès qui doit s’achever le 8 décembre, les débats « mettent le projecteur sur le constructeur », a estimé Me Sébastien Busy, autre avocat de l’association Entraide et Solidarité, disant « attendre avec impatience » les « explications d’Airbus ». Jusqu’ici restés discrets, les prévenus doivent être interrogés à partir de mercredi.

Crédit photos : Article Par SudOuest.fr avec AFP 04/11/2022

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