CRASH DU VOL YEMENIA 626 : CONDAMNEE A L’AMENDE LA PLUS LOURDE, LA COMPAGNIE AERIENNE VA FAIRE APPEL

Des « imprudences en lien certain avec l’accident » : la Yemenia Airways a été condamnée ce mercredi à 225 000 euros d’amende pour homicides et blessures involontaires, après le crash en 2009 d’un avion au large des Comores, qui a coûté la vie à 152 personnes.

Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, alors qu’il s’apprêtait à atterrir à l’aéroport de Moroni, la capitale des Comores, le vol Yemenia 626 s’est abîmé dans l’océan Indien en emportant 141 passagers, dont 65 Français, et 11 membres d’équipage.

Seule une enfant de 12 ans, la Française Bahia Bakari, avait survécu en restant agrippée une dizaine d’heures à un débris de l’avion avant d’être secourue par un bateau le lendemain.

« Deux imprudences » reprochées à la compagnie

Les investigations menées sur les boîtes noires, retrouvées fin août 2009 à 1 280 mètres de fond, ont permis de conclure que l’accident était dû à une série d’erreurs de pilotage.

Si la Yemenia a « respecté la réglementation », elle a en revanche commis « deux imprudences en lien certain avec l’accident », a déclaré la présidente Sylvie Daunis en prononçant la décision.

Le tribunal a retenu que la compagnie avait maintenu les vols de nuit en période estivale, saison où la météo était susceptible d’imposer une manœuvre d’atterrissage délicate et ce, dans un contexte où certains feux de l’aéroport ne fonctionnaient pas.

La juridiction a en outre relevé « l’affectation du copilote sur ce vol, malgré ses fragilités professionnelles » et alors que son rôle était particulièrement important au moment de l’approche nocturne de Moroni.

« Le tribunal a pris en compte le fait que la sécurité aérienne suppose de raisonnablement anticiper une situation réelle, critique voir dangereuse pour l’avion et ses occupants et non d’espérer que, par chance, il n’y aura pas d’accident et d’aviser ultérieurement s’il s’en produit un », a poursuivi la présidente, pointant la « culture de la sécurité et de la responsabilité défaillante » de la compagnie.

« Soulagement »

« La Yemenia va interjeter appel dans la mesure où elle conteste totalement toute responsabilité », a réagi Me Léon-Lef Forster, citant « tous les dysfonctionnements extérieurs à la Yemenia, à savoir les problèmes de tour de contrôle, l’absence de lumière sur l’aéroport, l’absence de transmission de la météo ».

Comme lors du procès, qui s’est déroulé du 9 mai au 2 juin, aucun responsable de la compagnie n’était présent, à cause de la guerre qui ravage le Yémen, selon la défense.

Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet, à une nuance près : la procureure avait demandé un cumul de l’amende pour homicides involontaires et de la contravention pour blessures involontaires, soit 232 500 euros.

La juridiction a souligné que, les deux infractions « procédant d’une même action coupable », elles ne pouvaient être punies que « d’une seule peine ».

Une soixantaine de proches des victimes sont venus écouter la décision, qui arrive plus de treize ans après les faits et après une instruction longtemps enlisée.

La seule rescapée du drame, Bahia Bakari, 25 ans aujourd’hui, a fait part à la presse de son « soulagement d’entendre la justice et de se dire que la compagnie est coupable ».

« La condamnation, c’est satisfaisant, ça participe à la réparation et la résilience des victimes », s’est félicité Me Claude Lienhard, l’un des avocats des parties civiles.

« Le tribunal dit qu’il ne suffit pas de respecter la règlementation mais qu’il faut vraiment ne pas être imprudent », a-t-il poursuivi, estimant qu’il s’agissait de défendre un « ordre public de protection ».

Un million en frais d’avocats

La compagnie a été condamnée à verser avec exécution provisoire, c’est-à-dire immédiatement, un million d’euros au titre des honoraires d’avocats et 50 000 euros pour les frais d’accompagnement des proches à l’association des familles de victimes de la catastrophe.

La Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs s’est vu octroyer 30 000 euros au total. Une association et des proches de défunts comoriens s’étaient constitués parties civiles à ce procès, mais le tribunal a souligné qu’il n’était compétent que pour les victimes de nationalité française.

« La douleur n’a pas de nationalité », a insisté la présidente, soulignant que ces personnes étant « sans contestation possible victimes » mais pas « partie civile », une notion qui « obéit à une définition légale ».

Pour d’autres parties civiles, cette fois françaises, le tribunal a rappelé qu’il ne pouvait statuer que sur les frais d’avocats, renvoyant sur ce sujet à une audience ultérieure. Depuis l’accident, la plupart des ayant-droits ont engagé des procédures d’indemnisation parallèles, qui en sont pas toutes soldées.

Crédit photos : Article de lavoixdunord.fr 13/09/2022

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