Deux ans après l’accident de Puisseguin, le collectif de victimes veut "en tirer les conclusions"

Le 23 octobre 2015, l’accident entre un camion et un car transportant des retraités faisait 43 morts à Puisseguin, dans le Libournais. Deux ans plus tard, Michel Vigier, le président du collectif de victimes continue de se battre pour que les leçons de ce drame soient tirées. Interview.

Michel Vigier : Je ressens un peu de fatigue. C’est quand même assez lourd, il n’y a eu pas mal de formalités auxquelles je ne m’attendais pas, et auxquelles je n’étais pas préparé. Je suis aussi assez choqué par l’état dans lequel se trouvent certaines familles de victimes qui vont même parfois plus mal deux ans après l’accident, que juste après. Elles ressentent un contrecoup, et elles ont encore besoin d’aide, d’une aide plus adaptée.

Ces familles n’ont-elles plus accès à une aide psychologique ?

Michel Vigier : Elles y ont eu accès juste après l’accident, et elles pourraient continuer à en bénéficier. Mais certaines n’en voient plus l’utilité, bien qu’elles ne soient pas encore remises du choc. Et cela, on ne s’en aperçoit pas forcément. Parmi les rescapés, j’en connais qui ne vont pas mal, qui se sont remis du choc. Mais d’autres ne vont pas bien du tout, et je me demande s’ils s’en remettront, ce sera difficile. En tant que président, cela me laisse un goût d’inachevé. Je préférerais que tout le monde aille bien mais ça c’est un vœu pieux.

"Certaines conclusions du Bureau Enquête et Accident nous ont effarées"

Vous trouvez que les choses n’avancent pas assez vite ?

Michel Vigier : Concernant l’enquête, c’est sûr que cela avance très lentement. Mais on s’y attendait, on avait été prévenus, et on s’y est forcément habitués. Par contre, le rapport du BEA-TT (Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre), a intéressé beaucoup de monde, et conforté les idées de certains sur le déroulement de l’accident. Certaines choses nous ont effarés.

Lesquelles ?

Michel Vigier : La présence de ce réservoir additionnel, non homologué sur le camion. On ne sait pas s’il était placé au bon endroit, étant donné qu’il y avait non loin, un autre réservoir qui pouvait favoriser la propagation de l’incendie. D’autre part, quand vous apprenez que l’ABS sur la remorque était mal monté... On nous a dit que l’ABS n’était pas forcément testé au contrôle technique. C’est effarant ! Je ne dis pas que l’accident aurait pu être évité. Mais quand on a un véhicule qui freine mieux...

"Qu’a répondu la ministre des transports à vos interrogations ? Rien, elle a pris note"

Avez-vous rencontré il y a quelques semaines la ministre des transports, Elisabeth Borne. Qu’à-t-elle répondu à toutes ces interrogations ?

Michel Vigier : Rien. Elle a pris note. Par contre, je l’ai sentie à l’écoute, intéressée. Elle prendra peut-être des dispositions. Peut-être sur les matériaux présents dans les cars, à l’origine de fumées nocives. Peut-être sur les aérateurs, qui ne se sont pas ouverts. Ce sont les passagers qui sont censés les ouvrir. Mais personne ne le sait ! Les experts pensent que les victimes de Puisseguin ont été asphyxiées en deux ou trois minutes.

Elle s’était déjà engagée à suivre les recommandations du BEA-TT...

Michel Vigier : Déjà, après l’accident de Beaune, en 1982, le ministre de l’époque, Charles Fiterman avait déjà dit qu’on ne mettrait plus dans les cars, des matériaux qui ne soient pas ignifugées. Ça n’a pas été le cas. M.Macron a mis en circulation un certain nombre de cars, il faudrait maintenant se préoccuper de la sécurité à l’intérieur.

"On ne veut pas qu’il y ait un autre Puisseguin"

Ce qui vous inquiète, c’est que l’on ne tire pas les conclusions de l’accident de Puisseguin, et qu’il y en ait un autre similaire ?

Michel Vigier : Exactement. C’est le but de notre combat, que l’on en tire les conclusions. Sinon on n’à qu’à abandonner. On ne peut pas changer ce qu’il s’est passé à Puisseguin, mais on peut se battre pour que cela n’arrive plus.

Qu’attendez-vous de la justice ?

Michel Vigier : Cela ne m’intéresse que modérément. La suite du volet judiciaire, à mon avis, sera une lutte entre les assureurs du camion et ceux du bus. Nous ne sommes pas réellement concernés.

Vous n’attendez pas une condamnation des transporteurs, comme ce fut le cas à Beaune, par exemple ?

Michel Vigier : Certaines familles nourrissent de la rancœur, on ne peut rien y faire. Moi je souhaite juste que tout cela s’arrête, que l’on reprenne une vie normale. Ce ne sont pas eux qui sont responsables directement de l’accident. Le responsable, c’est le chauffeur du camion, et il a lourdement payé, puisqu’il est mort en compagnie de son petit garçon dans l’accident. De ce côté là, je ne cherche pas à enfoncer qui que ce soit. Je ne souhaite rien d’autre qu’améliorer les conditions de sécurité dans les cars.

Date : 22/10/17
Auteur : Thomas Coignac
Source : France Bleu

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