"Elle n’a pas souffert" : le témoignage poignant de la mère d’une collégienne tuée dans la collision de Millas

Le 14 décembre dernier, un car scolaire transportant des collégiens est entré en collision avec un TER à Millas, dans les Pyrénées-Orientales. Six personnes ont trouvé la mort. Parmi eux, Ophélia, une jeune fille élève en classe de quatrième tuée sur le coup. Trois mois après le drame, sa mère revient sur ce jour tragique et raconte les longues heures de calvaire qui ont suivi jusqu’à l’annonce du décès de sa fille.

"Les deux premiers mois, on a été occupé avec les papiers. Ce n’est pas que je suis dans le déni, mais comme je suis séparée, j’avais l’impression qu’elle était chez son père et qu’elle allait revenir. Maintenant, il n’y a plus de papiers et c’est là que le mal vient. Maintenant ce sera de plus en plus dur." Au mois d’avril prochain, Ophélia aurait dû fêter son quatorzième anniversaire. Le 14 décembre dernier, la collégienne a perdu la vie dans la collision entre un car scolaire et un TER à Millas, dans les Pyrénées-Orientales.

"J’ai tout de suite compris"

Ce jeudi-là, il était aux alentours de 16 heures quand le drame s’est produit. Barrières fermées ou ouvertes, ce que l’enquête tente toujours de déterminer, la conductrice d’un car transportant des collégiens de Millas s’engage sur les voix. Le véhicule est alors violemment percuté par un train régional circulant entre Perpignan et Villefranche. Au même moment, Stéphanie Fruité, la mère d’Ophélia, fait des courses au supermarché.

"J’attendais à la caisse, on voyait toutes les voitures de gendarmerie passées avec les gyrophares (...) un monsieur derrière moi a dit ’il y a eu un accident entre un train et un bus scolaire’, se souvient avec douleur cette mère de famille. J’ai posé mes courses et je suis partie. Je me suis doutée que c’était ma fille."

Avant d’avoir la confirmation de la terrible vérité, Stéphanie Fruité va devoir attendre plus de dix heures. Elle se rend d’abord sur les lieux de l’accident. "J’ai vu une ambulance, deux ambulances, trois ambulances, toutes les ambulances qui passaient", raconte-t-elle. "J’ai dit ’c’est pas bon’. Quand j’ai vu le premier hélicoptère arrivé, je travaille dans le médical, je suis aide-soignante, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas anodin. Je me suis carrément écroulée."

Dix heures d’attente

Suivent de longues heures d’attente, d’abord au collège de Millas, où les parents des collégiens sont redirigés vers la salle de sport de Millas. "Et là on attend, attend, attend, 17h, 17h30, 18h, 18h30 et là tu vois des curés rentrer. J’ai de suite compris qu’il y avait des enfants qui étaient décédés", poursuit Stéphanie Fruité. Les noms des victimes ne sont pas communiqués. A 20 heures, les autorités donnent ceux des enfants hospitalisés à Toulouse, à Montpellier et à Perpignan.

La mère de famille, son mari, le père d’Ophélia et sa belle-mère prennent la direction de l’hôpital de Perpignan. Là encore, ils devront encore patienter, Stéphanie Fruité serre contre elle le doudou de sa fille qu’elle est allée chercher "au cas où elle en aurait besoin à l’hôpital".

A 2 heures du matin, les médecins livrent une première liste avec l’identité de cinq enfants en réanimation. "Quand la deuxième liste est arrivée, ils ont carrément fermé les portes, ils faisaient partir les familles dans un petit bureau, famille par famille, et là tu entends des femmes hurler et tu te doutes très bien que ce n’est pas une bonne nouvelle", souffle Stéphanie Fruité.
"C’était un ange"

La mère d’Ophélia et ses proches pénètrent eux aussi dans ce petit bureau. "On nous demande la date de naissance de ma fille et on nous regarde dans les yeux et on nous dit ’elle est décédée’", livre-t-elle dans un sanglot. Stéphanie va devoir ensuite poser de nombreuses questions pour savoir où se trouve sa fille. "Dix heures où on ne dit rien, rien du tout", déplore-t-elle. "Le pire c’est que ma fille était identifiable, elle n’avait rien au visage. C’était la victime numéro 1, ça a été la première a être partie. Le premier hélicoptère que j’ai vu partir il y avait ma fille. C’est un pompier que je connais qui l’a identifiée."

Trois mois après le drame, la mère de famille exprime sa colère : "Pourquoi on m’a fait attendre pendant plus de dix heures pour me dire que ma fille est décédée, me demander des photos d’identité, de décrire comment elle était, de décrire les vêtements ?"

"Voilà ce que je ne pourrai pas voir grandir"

Dans son malheur, comme elle l’explique elle-même, et contrairement à d’autres familles, Stéphanie Fruité a pu voir sa fille. "Elle avait juste une petite égratignure, c’était une poupée", souffle-t-elle. "C’était un ange, elle avait un visage apaisé (...) elle n’a pas souffert." A l’image de sa fille, décrite comme discrète, la mère de famille a souhaité une inhumation dans la plus stricte intimité. Si elle ne cite personne pour responsable du drame, elle veut que l’image d’Ophélia reste "gravée" dans la mémoire de la conductrice.

"Voilà ma fille, voilà ma princesse, voilà ce qui est parti, voilà ce que je ne pourrai pas voir grandir. Il faut vivre avec ça tous les jours", lance Stéphanie Fruité, prise par l’émotion, en montrant des photos de son enfant.
Aujourd’hui, cette mère de famille tente de surmonter la mort de sa fille grâce à ses "béquilles", ses fils âgés de 17 et 8 ans. "Mon petit dernier me pose des questions sur la maladie, sur l’accident", conclut Stéphanie Fruité. "Il m’a dit qu’il aurait préféré qu’Ophélia soit malade. Quand il m’a parlé de l’accident, il a su, il a entendu des choses, il m’a dit qu’il aurait préféré qu’elle ait la jambe coupée, le bras coupé. Vous voulez répondre quoi ?"


Source : BFM TV
Auteur : Justine Chevalier
Date : 14/03/2018

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