Georges Ibrahim Abdallah : ses défenseurs appellent à sa libération après 30 ans

Georges Ibrahim Abdallah a entamé, vendredi 25 octobre, sa trentième année de détention dans les prisons françaises. Une demi-vie derrière les barreaux qui fait de ce militant libanais pro-palestinien de 62 ans, condamné pour "complicité d’assassinats", "le plus vieux prisonnier politique d’Europe", selon les mots de son avocat, Jean-Louis Chalanset.

Un prisonnier politique, Georges Ibrahim Abdallah ? De l’avis de l’ensemble des acteurs interrogés sur ce dossier, le destin de cet ancien combattant marxiste chrétien se joue davantage à l’Elysée que dans les palais de justice. Face à ce qu’elle considère comme un "régime d’exception", la Ligue des droits de l’homme appelle samedi à un rassemblement à Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, où il est incarcéré. Le 23 octobre, 14 élus – députés, sénateurs, maires et conseillers régionaux – ont adressé une lettre ouverte au président de la République demandant qu’il soit libéré et puisse rejoindre le Liban, "quelles que soient les pressions étrangères".

ASSASSINATS CIBLÉS

Ancien membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Georges Ibrahim Abdallah est le dernier souvenir que conservent les prisons françaises de la vague terroriste des années 1980. Son histoire personnelle est indissociable de celle du Liban, alors en pleine guerre civile et envahi par l’armée israélienne lors de l’opération "Paix en Galilée", en juin 1982.

Cette même année, quelques mois avant l’attentat de la rue des Rosiers, deux diplomates – Charles R. Ray, l’attaché militaire américain à Paris, et Yacov Barsimentov, deuxième conseiller à l’ambassade d’Israël – sont tués d’une balle dans la tête à Paris. La Fraction armée révolutionnaire libanaise (FARL), un mouvement marxiste pro-palestinien créé trois ans plus tôt par Georges Ibrahim Abdallah, revendique les deux assassinats. Arrêté le 25 octobre 1984, il est condamné en février 1987 à la réclusion à perpétuité pour "complicité d’assassinats", reconnu coupable d’avoir commandité ces exécutions.

Libérable depuis 1999, l’ancien combattant armé a vu jusqu’ici ses cinq demandes de libération refusées. Partie civile lors de son procès, les Etats-Unis se sont systématiquement opposés à ses requêtes par la voie de leur avocat, Georges Kiejman. Un Etat partie civile : la chose est rare et pèse d’un poids certain dans ce dossier, concède-t-il. Pour Jean-Louis Chalanset, qui assure la défense de M. Abdallah depuis la mort de Jacques Vergès, il est clair que la position de Washington s’est exprimée par d’autres voies que celles de la justice : "Il y a eu des discussions d’Etat à Etat, des pressions politiques. Le sort de mon client n’est pas entre les mains de la justice, mais entre celles du ministère de l’intérieur", explique-t-il.

C’est là l’une des curiosités de ce dossier. Aucune remise en liberté de Georges Ibrahim Abdallah ne peut se faire sans l’aval de la place Beauvau. Le 21 novembre 2012, le militant pro-palestinien a fini par obtenir un avis favorable du tribunal d’application des peines de Paris, "sous réserve qu’il fasse l’objet d’un arrêté d’expulsion du ministère de l’intérieur" à destination du Liban, pays qu’il souhaite rejoindre et qui accepte de l’accueillir. L’arrêté n’a jamais été signé. Si bien qu’en avril 2013, sa remise en liberté a été annulée par la Cour de cassation. "Mes requêtes ne servent à rien, tout se décide au plus haut niveau de l’Etat", déplore Me Chalanset. Sollicité, le ministère de l’intérieur n’a pas répondu à nos demandes.

De l’avis même de Me Kiejman, Georges Ibrahim Abdallah, irascible et méprisant lors de son procès, est devenu au fil de ses années de détention un "prisonnier modèle", "intelligent" et "apaisé". Il s’est en revanche toujours refusé à exprimer le moindre regret, y compris à l’endroit de la veuve de Charles R. Ray. Une constance idéologique qui joue en sa défaveur, la capacité de repentance étant examinée de près lors des demandes de libération conditionnelle.

"Georges Ibrahim Abdallah est un être déroutant, note Me Kiejman. C’est quelqu’un de très digne, mais qui se présente aujourd’hui encore comme un militant prêt à reprendre le combat politique, sans qu’on sache où il se situe dans la fournaise libanaise. Le gouvernement américain craint que son retour au Liban ne nourrisse l’incendie." "Aucun militant de l’ETA ni de la Fraction armée rouge, y compris ceux qui ont du sang sur les mains, n’a passé autant d’années en prison", s’insurge Me Chalanset. "La situation basque est en voie d’apaisement. La situation syro-libanaise en est loin. Il est clair que ça ne joue pas en sa faveur", rétorque Me Kiejman. Plus que jamais, le destin de cet ancien combattant apparaît indissociablement lié aux soubresauts qui agitent sa région.

Soren Seelow - Le Monde.fr - 25 octobre 2013


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