Il y a trente ans, le 23 octobre 1983, 58 parachutistes français de la Force multinationale d’interposition au Liban étaient tués dans l’explosion de l’immeuble Drakkar à Beyrouth, touché par un attentat à la bombe.
Ce bilan meurtrier, le plus lourd en pertes humaines subies en un seul jour par l’armée française depuis la fin de la guerre d’Indochine en 1954, provoqua une immense émotion en France, rappelle l’AFP dans un reportage.
À la hauteur de cette photo de ce parachutiste de vingt ans, le regard perdu, tenant la main de l’un de ses camarades entièrement enseveli.
« Il était 06 h 15 et tout était calme ce dimanche », raconte à l’AFP Omer Marie-Magdeleine, alors âgé de 38 ans et adjudant à la 3e compagnie du 1er régiment de chasseurs-parachutistes (RCP).
Quelques secondes plus tard, une énorme déflagration se fait entendre du côté de l’aéroport de la capitale libanaise. 241 marines américains sont tués.
« Je me précipite vers le Drakkar pour monter sur le toit et tenter de repérer l’endroit exact de l’explosion », poursuit le sous-officier.
Le Drakkar, un immeuble luxueux de huit étages dans le quartier résidentiel de Bir Hassan à la périphérie sud de Beyrouth, abrite 73 parachutistes français, dont de nombreux jeunes appelés volontaires, qui participent à la force multinationale (États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni). Cette force, créée deux ans plus tôt par l’ONU, est chargée d’aider l’armée libanaise à restaurer l’autorité de son gouvernement.
« Je suis en bas de l’escalier principal quand le bâtiment est comme ouvert en deux par l’explosion. Je pense à un obus. Projeté en l’air, je vois ensuite l’immeuble s’écrouler sur moi comme un château de cartes », se souvient Omer Marie-Magdeleine.
Six heures sous les décombres, à demi enseveli, le corps écrasé des pieds jusqu’aux côtes, la tête dans une anfractuosité, inconscient, il entend tout de même les marteaux-piqueurs qui se rapprochent de lui et crie : « Attention, Je suis là ! » Il restera six heures sous les décombres avant d’être dégagé.
Fractures du bassin, des jambes, des genoux, péritonite. D’abord soigné à l’Hôpital américain de Beyrouth, il est rapatrié à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Pendant quatre ans, il subira 22 opérations dans trois hôpitaux parisiens et d’interminables séances de rééducation.
Au total, 58 parachutistes français – 55 du 1er RCP et trois du 9e RCP – sont morts dans l’explosion provoquée très probablement par un camion-suicide bourré d’explosifs tout comme celui qui explosa au quartier général des marines tuant 241 soldats américains. Deux attentats quasi simultanés attribués au Hezbollah et à l’Iran.
Du Drakkar furent dégagés quinze soldats français blessés, dont Omer Marie-Magdeleine. Deux des survivants, raconte le sous-officier, se retrouvèrent huit étages plus bas, soufflés par l’explosion. Trois parachutistes, partis en jeep quelques instants avant chercher le petit déjeuner pour leurs camarades, furent sains et saufs et parmi les premiers sauveteurs à se précipiter sur les décombres, un amas de béton et de ferraille d’une dizaine de mètres de haut.
Les survivants et leurs camarades, souvent âgés d’une vingtaine d’années, venus pour tenter de dégager des corps démembrés ou pour reconnaître les morts, « sont restés marqués à vie », assure Omer Marie-Magdeleine.
Dix jours plus tard, le 2 novembre, le président François Mitterrand préside la cérémonie d’hommage dans la cour d’honneur des Invalides, retransmise en direct à la télévision. Le chef de l’État dépose sur chacun des 58 cercueils alignés sur cinq rangs et recouverts du drapeau français la Légion d’honneur ou la médaille militaire près du béret rouge.
Cinq mois plus tard, le 31 mars 1984, les derniers soldats de la force multinationale quittent le Liban. Le lendemain du double attentat de Beyrouth, le président Ronald Reagan réaffirmait pourtant sa « détermination » à maintenir la présence militaire américaine au Liban tandis que François Mitterrand assurait que la France resterait « fidèle à ses engagements au Liban ».
lorientlejour.com avec AFP - 22 octobre 2013