IMMEUBLES EFFONDRES A MARSEILLE : « JE VAIS DEPENSER 3.200 EUROS DANS UN AIRBNB POUR VIVRE A CINQ MINUTES DE CHEZ MOI »

RELOGEMENT Près de quinze jours après l’effondrement de plusieurs immeubles à Marseille, la mairie demande le soutien d’Airbnb pour reloger les centaines de personnes encore évacuées

Quinze jours après les effondrements de la rue de Tivoli, les 302 personnes évacuées n’ont pas regagné leurs logements, et leur relogement vire au casse-tête.

Le maire de Marseille Benoît Payan appelle Airbnb à l’aide. Les prix pratiqués par la plateforme demeurent toutefois hors de prix, et l’offre limitée à long terme, en raison de la saison touristique qui démarre.

Quinze jours. Voilà près de quinze jours que 302 personnes sont parties à la hâte du Camas, après les effondrements de plusieurs immeubles rue de Tivoli à Marseille, entraînant la mort de huit personnes sous les décombres, le 9 avril 2023. Des centaines de personnes qui, aujourd’hui encore, vivent hébergées par des proches ou à l’hôtel aux frais de la mairie, depuis plus de deux semaines.

« La question, maintenant, c’est comment se reloger dans la durée, confirme Emmanuel Gras, membre du tout jeune collectif Tivoli 9 avril, lui-même délogé. Actuellement, je suis parti en vacances prendre le large, chez des amis. Mais il va falloir rentrer. Nous sommes une famille de cinq, et vivre à l’hôtel à cinq, ce n’est pas l’idéal. Les membres du collectif réclament de pouvoir accéder à un logement à moindre coût, dans lequel on puisse faire la cuisine, et si possible dans le quartier. La rentrée scolaire approche, et quand on a des enfants, c’est plus simple pour la logistique. »

Une « solution d’hébergement »

Lors du drame précédent qu’a vécu Marseille, la rue d’Aubagne, des milliers de personnes se sont en effet retrouvées logées à l’opposé de leurs quartiers d’origine, créant des situations compliquées pour les familles avec des enfants scolarisés. Des relogements dans des appartements majoritairement issus du parc public, dont on ignore à l’heure où ces lignes sont écrites la disponibilité pour assurer cette mission. Contactée, la ville n’a pas donné suite à nos sollicitations sur le sujet.

« La remise en état des immeubles les plus fragilisés sera, je le crains, longue, et nous devons trouver des solutions d’hébergement dans de véritables appartements pour celles et ceux qui ne pourront pas rentrer chez eux dans l’immédiat », abonde ce jeudi Benoît Payan dans une lettre adressée… aux plateformes de location de meublés touristiques type Airbnb et à la fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). Alors qu’une véritable pression immobilière s’exerce sur le Camas, l’édile compte sur le soutien d’Airbnb pour pallier l’urgence.

Airbnb en contact avec le maire
« Votre mobilisation, en tant qu’entreprise, permettrait de proposer des solutions rapides sur le temps long, dans ce quartier où vivent ces familles et à un tarif abordable », écrit le maire de Marseille. « Nous sommes en contact depuis ce vendredi matin avec le maire et les équipes de la mairie de Marseille pour évaluer les besoins d’hébergement et mettre en place un dispositif adapté, en lien avec notre communauté d’hôtes », indique la société sollicitée par 20 Minutes. Et d’ajouter : « Airbnb tient à exprimer son soutien aux Marseillais et à toutes les personnes affectées par ce drame, et salue l’engagement des hôtes déjà mobilisés pour accueillir les personnes évacuées. »

L’appel du maire intervient en effet, selon nos informations, quelques heures après une rencontre entre deux de ses adjoints, Patrick Amico en charge du logement et Laurent Lhardit en charge de l’économie, et Yannick Nobile, ambassadeur du club de la communauté des hôtes Airbnb de Marseille. Deux jours après le drame, ce dernier avait fait part de l’hospitalité des membres de ce club, qui regroupe 1.000 des 10.000 propriétaires Airbnb estimés à Marseille.

La saison touristique raréfie l’offre

« Des membres du club ont proposé de mettre à disposition leurs appartements, confirme Yannick Nobile. Nous l’avions déjà fait précédemment, lors de la rue d’Aubagne, par exemple. Airbnb avait alors mis en place une plateforme spécifique permettant une réservation spécifique qui coûte zéro aux locataires. » Et d’insister : « Nous sommes des Marseillais avant tout, et si on peut aider, on le fera. La ville de Marseille cherche toutes les solutions, et Airbnb peut en être une. Pour la rue d’Aubagne, nous avons hébergé des délogés gratuitement pendant plusieurs semaines. L’idée n’est pas forcément de faire payer les gens. »

Une philosophie qui ne semble pas partagée par tous les propriétaires, à en croire l’expérience d’Emmanuel Gras. « Je viens de réserver une location sur Airbnb pour ma famille de cinq personnes, explique-t-il. J’ai d’abord cherché sur l’application d’entraide Aouf qui a été réactivée après le 9 avril, et pour cinq personnes, c’est compliqué. Je n’ai rien trouvé. On a commencé à stresser. Et là, j’ai trouvé la dernière chose qu’il restait dans le quartier pour nous. J’ai réservé pour un mois cet appartement sur Airbnb. Et ça va me coûter 3.200 euros par mois ! Les prix Airbnb, quoi… J’ai l’impression de dépenser des moyens énormes pour pouvoir habiter à 500 mètres de chez moi. Et je sais qu’au sein du collectif, tout le monde n’a pas les moyens pour ça… »

A l’heure où ces lignes sont écrites, impossible de savoir le nombre exact de logements Airbnb qui pourraient être mis à disposition dans le quartier du Camas, ou au-delà, pour les délogés. Interrogés sur ce point, ni la mairie, ni Airbnb, ni la communauté d’hôtes marseillais n’ont été en mesure de nous répondre. Mais une certitude : cette offre semble d’ores et déjà limitée, en raison de la saison touristique qui démarre avec de nombreux ponts de mai. « Les logements que nous avons identifiés sont pour la mairie d’une trop courte période, rapporte Yannick Nobile. On a des logements pour une durée de deux à trois semaines. Après, c’est déjà loué… »

Article rédigé par Mathilde Ceilles paru sur 20minutes.fr

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