Le 21 janvier 2020, s’est tenue une réunion d’information organisée par l’Association des Sinistrés de Lubrizol (ASL) à Rouen, en présence d’une soixantaine de participants, à laquelle intervenaient l’avocate de l’association, Maître Julia MASSARDIER, le médecin généraliste Docteur Franck PROUHET et des administrateurs de l’association ainsi que des représentants d’une association de personnes sourdes et malentendantes en présence d’une équipe de France 5.
Cette réunion publique, menée par Simon DE CARVALHO, Président de l’ASL, avait pour objet d’informer l’ensemble des personnes affectées par l’incendie de l’usine Lubrizol du 26 septembre dernier sur les conséquences immédiates de ce drame et les actions envisageables afin d’obtenir justice et réparation. Les discussions étaient traduites en temps réel par des interprètes en langue des signes pour permettre de rétablir une égalité totale dans la délivrance de l’information, oubliés de la communication du préfet.
Dans un contexte de reviviscence de l’angoisse des habitants de Rouen au lendemain d’une fausse alerte sur le site de l’usine ayant tout de même nécessité l’intervention des pompiers, ce temps d’échanges a démarré par une synthèse des travaux du collectif sur l’examen des fiches de sécurité des produits communiquées par Lubrizol, tardivement.
Sébastien DUVAL, représentant de l’ASL, a plus particulièrement insisté sur le caractère incomplet voire erroné de ces documents pourtant indispensables à la sécurisation du transport et au stockage de ces liquides. Au-delà de l’opacité qui a entouré la composition des produits stockés par l’usine, l’étude de ces fiches permet de constater la légèreté avec laquelle des produits potentiellement cancérigènes sont gérés par une entreprise de la taille de Lubrizol.
Ces résultats alarmants ont également démontré les difficultés auxquelles sont confrontées les sinistrés pour accéder à la vérité puisque jusqu’à ce jour aucun appui technique n’a été proposé pour faciliter un travail d’analyse approfondi. Un professeur de l’Université de Rouen a indiqué qu’une lettre ouverte au Président de l’Université avait été signée par plus de 70 enseignants afin de dénoncer le silence de la communauté scientifique sur cette catastrophe.
Maître MASSARDIER, avocate de l’ASL, est ensuite revenue sur l’échec des demandes formulées au nom de ses clients détenus pour solliciter une analyse relative à leur exposition au panache. Elle a indiqué qu’il convenait d’avoir accès au dossier judiciaire, pour établir de manière précise une stratégie d’action sur le plan civil et/ou administratif.
Bien qu’une instruction judiciaire soit déjà ouverte, l’avocate a encouragé les sinistrés à déposer plainte et à solliciter, en qualité de partie civile, des expertises auprès des juges d’instruction du pôle Santé publique. Pour gagner en efficacité, Maître MASSARDIER s’est entourée d’un avocat spécialisé en droit de l’environnement
La FENVAC a pris la parole pour rappeler l’utilité d’un recensement des personnes s’estimant victimes par un dépôt de plainte et à terme, pour celles souhaitant s’impliquer dans la manifestation de la vérité, par la constitution de partie civile.
D’après son expérience en matière d’accompagnement des victimes de drames collectifs depuis 1994, la dimension collective de cette catastrophe peut être convertie en une force pour établir un moyen de pression à l’obtention de réponses aux préoccupations partagées par l’ensemble des rouennais tant sur le plan de la santé, de l’économie ou de la sécurité.
Forte de ces acquis sur des drames emblématiques antérieurs, la FENVAC avec l’ASL et des avocats de victimes de la catastrophe de Lubrizol a sollicité la mise en place d’un accord-cadre d’indemnisation auprès de la Garde des Sceaux, Ministre de la justice.
Pour l’heure, les réunions s’étant tenues sur le sujet n’ont pas permis de considérer qu’une réponse satisfaisante a été apportée. Aussi, il s’agira de continuer à militer pour obtenir un traitement indemnitaire rapide, transparent et équitable de toutes les victimes, professionnelles ou non, en lieu et place de la remise de chèques par l’usine de manière aléatoire et encore une fois, en toute opacité.
Pour faciliter la reconnaissance des conséquences immédiates ou plus lointaines de l’exposition au panache, il est conseillé aux victimes de conserver l’intégralité des éléments relatifs aux modifications de leur état de santé, de leurs conditions d’existence ou de leur situation matérielle.
Enfin, un parallèle peut être fait entre l’angoisse ressentie par les rouennais après cet incendie et les victimes ayant été exposées à l’amiante au cours de leur vie à qui un préjudice d’anxiété est désormais reconnu.
Pour finir, le docteur Franck PROUHET a conclu la réunion en soulignant l’ampleur de la catastrophe liée à l’incendie de l’usine Lubrizol. Pour lui, il est dramatique de ne pas avoir fait de prélèvements biologiques sur un échantillon de personnes intervenues directement sur site, telles que les pompiers par exemple. Ces analyses ont d’après lui été refusées par l’État.
Il a également déploré la situation des salariés sous contrats précaires au moment des faits qui ont tu leurs symptômes après l’exposition à la fumée, de peur de perdre leur emploi en cas d’accident de travail.
Pour le médecin généraliste, le danger sanitaire est devant nous et il appelle à une politique consciente de cette réalité avec notamment la mise en œuvre d’étude épidémiologique.
Nous soutenir
C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.
Soutenir la FENVAC