La première journée du procès en appel débute ce lundi 13 février 2023.
La salle d’audience, au cœur de la cour d’appel de Paris, est pleine. Le silence règne dans la salle lorsque l’audience débute. Les parties civiles sont présentes, silencieuses, représentées par leur avocate. L’accusé n’est pas dans le box en verre situé à droite dans la salle. Monsieur BENLATRECHE comparait à côté de son avocat et de sa traductrice, au premier rang, face à la Cour, dans son fauteuil roulant.
Lors de la diffusion à l’audience des images de vidéo-surveillance ayant filmé BENLATRECHE percutant au volant de son véhicule les militaires de l’opération Sentinelle en repos, place de Verdun à Levallois-Perret, les réactions varient dans la salle. Les victimes se figent, certaines glacées d’effroi, toujours dignes. L’accusé ne présente pas de réaction visible. Il continue à clamer que cette scène est un accident.
Il est en effet frappant de constater que lors de cette journée du 13 février 2023 marquant l’ouverture du procès en appel d’Hamou BENLATRECHE, celui-ci maintient la ligne de défense adoptée depuis le début de l’enquête. Atteint d’une pathologie provoquée par un caillot de sang dans le cerveau, l’accusé souffre depuis une vingtaine d’années de complications multiples (évanouissements, migraines, etc.). Le 9 août 2017, jour des faits, il déclare s’être évanoui alors que son véhicule, une BMW type break, s’avance dans la rue calme nommée « Place de Verdun ». Son pied s’enfonce sur la pédale d’accélération, son corps tombe sur le volant et le véhicule fauche alors les militaires en pause. Reprenant conscience aussitôt, il maîtrise son véhicule et rétabli sa trajectoire. Il déclare prendre alors la fuite de peur des représailles militaires. Son parcours s’achève sur l’autoroute à proximité de la frontière belge, après que les agents de la BRI l’atteignent de 5 balles tandis qu’il esquisse un geste vers sa ceinture. Il comparaît désormais en fauteuil roulant.
Toutefois, les débats devant la Cour permettent de dresser le profil d’un accusé se défendant de tous les constats négatifs qui lui sont adressés, y compris les plus objectifs, ne manquant pas de jeter un voile sur sa sincérité.
Un parcours de vie chaotique.
Ayant grandi dans une famille qu’il qualifie de « traditionnelle » en Algérie, Hamou BENLATRECHE obtient son visa pour motif médical en 2009 et s’installe seul en France. De là, il vivote de foyer en foyer, de proche en proche.
Son parcours professionnel est marqué par sa pathologie. Outre ses missions de conducteur effectuées pour le compte de l’association de la mosquée de Sartrouville, il travaille plus récemment dans un supermarché. Peu de temps avant le jour des faits et à la suite de plusieurs arrêts maladies, il débute une activité de chauffeur VTC. Le véhicule loué sera celui conduit par BENLATRECHE le 9 août.
Un épisode important de sa vie en France est mis en évidence lors de l’enquête : logeant dans un appartement, Hamou BENLATRECHE était agressé au couteau en 2014 par le frère du propriétaire avec lequel il partageait les lieux. Poignardé à plusieurs reprises, il était transporté en urgence à l’hôpital.
Sur le plan sentimental, l’accusé n’a pas de relation connue en France. Un mariage civil arrangé en Algérie s’achève sur un divorce un an et demi plus tard en 2017. Sa deuxième tentative de fiançailles prend fin avec la découverte de l’adultère de sa promise. Sa famille le décrit comme timide avec les femmes d’après l’enquêtrice de personnalité, ce qu’ils interprètent comme du respect envers elles.
L’instabilité de l’accusé.
La lecture des témoignages de proches et de membres de la famille d’Hamou BENLATRECHE dessinent le portrait d’un homme « gentil, calme et généreux ». Il est décrit comme « taiseux » et de nature réservée, n’aspirant qu’à la préservation de sa tranquillité. Mais la très grande majorité de ces descriptions s’accompagnent de mentions d’épisodes de colère soudaine, de nervosité et de heurts avec des connaissances ou des inconnus. Il était ainsi mentionné une dispute initiée par BENLATRECHE qui reprochait les lacunes religieuses d’un employé de la mosquée de Sartrouville. Plusieurs querelles verbales étaient rapportées avec des membres de l’association de distribution de denrées à laquelle il participait comme conducteur. Hamou BENLATRECHE lors d’une distribution de paniers repas à Lille se battait également avec un refugié.
En réponse à une question de la présidente sur son impulsivité, l’accusé déclarait « ne jamais s’énerver ». Il regrettait que ces témoins ne soient pas présents pour soutenir leurs propos, ce à quoi la présidente faisait remarquer qu’il n’en avait cité aucun à comparaître.
Sa conduite était également dénoncée par des collègues de l’association : sa propension à la vitesse ayant manqué de peu de projeter son véhicule et ses passagers dans un ravin lors d’un virage ; son amusement à accélérer puis freiner brusquement devant eux.
La violence sous-tendue dans le comportement d’Hamou BENLATRECHE se révèle davantage lors de son incarcération postérieure aux faits. De très nombreux incidents en détention sont évoqués parmi plus de vingt-cinq comptes-rendus, dont le plus récent est écrit un mois avant l’ouverture du procès. Rixes avec les surveillants (morsures, coups, crachats), propos agressifs, comportement sexuel inadéquat, multiples sont les évènements pour lesquels est sanctionné l’accusé. Interrogé par l’avocate générale, Hamou BENLATRECHE déclare toutefois sans sourciller ne pas être responsable de ces incidents, évoquant vaguement une entente des surveillants pénitentiaires.
Des intérêts pour un islam radical.
Hamou BENLATRECHE est décrit comme pratiquant. Ses proches ne relatent pas de conversation religieuse entretenue avec l’accusé.
Il côtoie cependant durant plusieurs mois des adeptes du mouvement tabligh, lequel prône un islam rigoriste et radical. La capitaine de la brigade anti-terroriste intervenue dans l’enquête explique à l’audience la similarité de cette mouvance avec l’idéologie salafiste. Elle fait également état de quelques uns de ses membres impliqués de plus ou moins près dans l’entreprise djihadiste, dont un Français parti en Syrie rejoindre l’État Islamique.
La capitaine détaille en outre les éléments saisis parmi les biens d’Hamou BENLATRECHE. On y retrouve notamment : trois vidéos de prêches d’Imam égyptiens dont le discours est assimilable au salafisme, des recherches internet effectuées sur son téléphone comprenant des vols vers Istanbul présageant d’un départ en Syrie, des consultations liées à la doctrine islamique et des pages internet titrées « Quand est-il licite de tuer un musulman ? » ou « Quel est le verdict pour celui qui tue un mécréant ? ».
Le verdict de la Cour d’assises spécialement composée est attendu pour le 17 février 2023. En 1ère instance, Hamou BENLATRECHE avait été condamné à 30 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté assortie d’une durée équivalente aux deux tiers de cette peine.
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