JUSTICE I L’incompréhension des familles des victimes du crash Air Algérie face à l’ajournement du procès

Il y a neuf ans, le 24 juillet 2014 le vol AH5017 reliant Ouagadougou à Alger s’écrasait au Mali entrainant la mort de cent seize personnes, dont cinquante-et-un français.

L’avion était affrété par la compagnie espagnole Swiftair, sous-traitante d’Air Algérie. Peu après le décollage, l’aéronef avait dû effectuer quelques altérations de cap afin d’éviter plusieurs cellules orageuses, puis avait atteint un niveau de vol de croisière soit une hauteur de 9500 mètres d’altitude. Toutefois, après une courte phase de stabilisation, la vitesse de l’avion avait ensuite diminué jusqu’à la perte totale du contrôle de l’appareil par le pilote, entraînant sa chute.

L’épave de l’aéronef était retrouvée le lendemain par des militaires de l’opération SERVAL, dans la région de Gossi au Nord du Mali.

Une information judiciaire était ouverte en France dès le 29 juillet 2014 des chefs d’homicides involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

Les expertises techniques venaient révéler que l’accident avait pour origine une obstruction des capteurs de pression, vraisemblablement par des cristaux de glace, ayant ainsi engendré des valeurs erronées amenant l’auto-manette à limiter la poussée délivrée par les moteurs à un niveau inférieur à la poussée nécessaire pour maintenir le niveau de vol.

L’enquête venait quant à elle révéler des manquements dans la formation de l’équipage du vol AH5017 ayant contribué notamment à l’absence de perception par ce dernier des conditions de vol extérieures, et à sa non-appréhension de la détérioration des paramètres moteurs, causant ainsi le décrochage suivi du crash de l’appareil.

Ces manquements dans la formation étant directement imputable à la compagnie Swiftair et la société était mise en examen en 2017.

En 2020, en suivant les réquisitions du parquet, les juges d’instruction avaient rendu une ordonnance de renvoi de la société Swiftair devant le tribunal correctionnel de Paris afin qu’un procès ait lieu. Ce débat contradictoire sur les causes de l’accident et les responsabilités en découlant devait démarrer le 2 octobre prochain pour plusieurs semaines. Les proches des victimes, parties civiles dans la procédure, avaient d’ailleurs reçu une convocation officielle pour assister à l’audience.

Mais, un revirement procédural est venu bouleverser cet agenda. En effet, lors d’une récente audience de mise en état, Swiftair a soulevé une question préjudicielle basée sur la prétendue incompétence de la justice française pour connaître de cette affaire, au motif que Swiftair avait déjà été jugée en Espagne. Par ce recours, l’entreprise espagnole a sollicité une suspension de la tenue du procès le temps de saisir la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). Si cette démarche est assimilée à un abus de droit par les familles de victimes, elles ont été d’autant plus surprises d’apprendre que le parquet avait soutenu l’argumentaire du transporteur mis en cause.

La CJUE, dont le rôle est de veiller à l’application du droit de l’Union Européenne, à l’uniformité de son interprétation sur l’ensemble de son territoire ainsi qu’à l’interprétation du droit de l’Union à la demande des juges nationaux, devra se prononcer sur la compétence de la justice française pour juger Swiftair.

La position des magistrats du parquet suivie, par les magistrats du siège qui ont fait droit à la demande de transmission de la question préjudicielle soulevée par Swiftair, suscite l’incompréhension des familles des victimes. Ces dernières ne parviennent pas à expliquer pourquoi cet aléa de procédure n’a pas été anticipé durant les presque dix années de procédure.

Soutenues par la FENVAC, également constituée partie civile, les familles des victimes déplorent l’absence de considération de la justice face à leur attente de vérité. Elles ne s’expliquent ni la forme ni le fond de cet aléa judiciaire qui les prive aujourd’hui d’un procès auquel elles s’étaient préparées psychologiquement et logistiquement depuis plusieurs mois.
Devant ce revirement, les proches des victimes attendaient un mot de la part des représentants de l’institution judiciaire expliquant les motifs de cette décision inattendue et reconnaissant l’impact de celle-ci sur les parties civiles.

L’association AH5017 a tenu à exprimer sa colère et son incompréhension au Procureur de la République à l’origine de cette décision, par un courrier adressé par Suzanne Aillot, Présidente. Le ministre de la Justice et le Président de la République ont également été interpellés sur cette situation jugée « intolérable ». L’association indique qu’ « à trois mois de l’échéance, cela confine à de la maltraitance, nous nous sentons méprisés, bafoués par la justice et nous avons besoin de comprendre. »

La FENVAC soutient l’association AH5017 dans cette démarche et se tiendra, comme elle le fait depuis le lendemain de ce drame, aux côté des familles et des proches des victimes pour les soutenir dans cette épreuve supplémentaire.

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