En 2004, 135 Français trouvaient la mort dans le crash du vol Charm el-Cheikh – Paris de la compagnie Flash Airlines, aujourd’hui en faillite. Près de 10 ans plus tard, faute de personnes à inculper, la justice devrait prononcer un non-lieu.
Samedi 3 janvier 2004, deux minutes après avoir décollé de Charm el-Cheik en Égypte, le vol 604 de la compagnie Flash Airlines à destination de Paris s’écrasait en mer. Aucun survivant. À son bord, 148 personnes dont 135 Français.
Après presque dix ans d’une lourde procédure judiciaire, les familles des victimes sont à bout de souffle. Selon des informations du quotidien gratuit "20 Minutes", le juge d’instruction de Bobigny en charge du dossier s’apprête à prononcer un non-lieu.
Contacté par FRANCE 24, l’avocat des familles des victimes, Me Jean-Pierre Bellecave, confirme la véracité de cette information, estimant que la clôture de l’instruction n’était "probablement plus qu’une question de mois". "Toutes les expertises et contre-expertises ont été faites. Le dossier touche à sa fin", poursuit-il.
L’enregistrement des boîtes noires retenu en Égypte
Pour l’avocat, ce probable verdict n’est évidemment "pas satisfaisant", certaines questions et des contradictions restant, à ce jour, en suspens. "Nous ne savons toujours pas si c’est le mécanisme de l’avion qui était en cause ou bien une faute de pilotage. La contre-expertise ne s’est basée que sur une modélisation mathématique pour tirer ses conclusions. Aucun essai in vivo n’a pu étayer leur théorie", regrette-t-il.
En outre, il déplore que l’enregistrement des boîtes noires de l’appareil ait été conservé par les autorités égyptiennes. "Ils estiment avoir bien collaboré dans ce dossier mais ils ne nous ont fourni que des retranscriptions du contenu des boîtes noires." L’avocat aurait souhaité une copie de la bande-son afin de procéder à une analyse spectrale permettant de déterminer notamment les émotions et le niveau de stress ressenti par les pilotes au moment du crash.
Pas de responsable clair à accuser
Même en obtenant gain de cause, un autre obstacle de taille viendrait bloquer tout procès : qui incriminer ? "En l’état, les charges ne sont pas assez précises contre quiconque. Les pilotes sont morts, la compagnie Flash Airlines est en faillite, les agences de voyage étaient en règle…", énumère Me Bellecave. À l’époque, d’après lui, Flash Airlines disposait de toutes les certifications demandées par les autorités égyptiennes. "Nous sommes face à un véritable imbroglio" où tous les acteurs peuvent se renvoyer la balle indéfiniment, ajoute-t-il.
Me Bellecave dégage toutefois "un point positif" non négligeable : l’amélioration significative de la sécurité aérienne. "Grâce aux efforts fournis après Charm el-Cheik, un rapport parlementaire sur les crashs aériens a été publié en 2004. En une décennie, la manière dont la France travaille avec les compagnies aériennes a vraiment changé. Les choses sont, aujourd’hui, regardées avec beaucoup plus d’acuité", affirme-t-il.
Voyage commémoratif en Égypte
De leur côté, les familles des victimes accusent le coup. Elles sont aujourd’hui "fatiguées et frustrées", selon Claude Fouchard, président de l’une des associations des victimes qui a lui-même perdu onze membres de sa famille lors du crash. Un voyage commémoratif pour le 3 janvier 2014 est en cours d’organisation. "Cela fera dix ans. On jettera des fleurs dans l’eau depuis un bateau…", a-t-il déclaré à "20 minutes".
En attendant, une réunion de travail regroupant plusieurs associations de victimes de crashs aériens doit se tenir à Paris le 22 juin. "Nous ne cherchons pas la vengeance ou des indemnités. Nous voulons juste faire avancer les choses. Certaines familles ne supportent pas de ne pas savoir pourquoi leurs proches sont décédés, la vérité nous glisse entre les doigts. Nous nous battons pour que des mesures encadrent mieux les procédures judiciaires lors de ce genre de drames."
Ainsi, les plus combatifs espèrent encore changer la donne et demandent instamment la création d’une autorité internationale sur le modèle de l’Organisation mondial de la santé ou de la Cour pénale internationale. Elle viserait à améliorer la coopération entre les différents pays concernés lors de ce genre de tragédies. Interrogé sur cette initiative par 20 minutes, Robert Soulas, un membre de l’association des victimes du vol Rio-Paris, nuance toutefois l’idée : "Chaque crash est différent. Il faudrait réunir beaucoup de compétences pour parvenir à une autorité qui tienne la route…"
france24.com, le 20 juin 2013, Anne-Diandra LOUARN