L’Europe manque de cohésion sur l’aide aux victimes d’attentats

Soumise à une menace terroriste inédite, l’Union européenne manque cruellement de cohésion dans la prise en charge des victimes d’attentats, un sujet sensible sur lequel les Etats membres planchent vendredi.

"Il devrait y avoir un système européen d’aide aux victimes", affirme Thomas Savary, Français qui a perdu sa belle-mère belge dans l’attentat contre l’aéroport bruxellois de Zaventem. En Belgique, après les attaques jihadistes du 22 mars qui ont fait 32 morts et 400 blessés, "il n’y avait rien de prévu pour les victimes. C’était le néant administratif, juridique et financier", se souvient-t-il.

Un an plus tard, sa famille n’a reçu "aucune indemnisation". "Des gens qui ont été amputés n’ont même pas eu d’argent pour s’acheter des prothèses", peste ce commercial de 30 ans, qui face à ces dysfonctionnements a créé l’association V-Europe.

Pour corriger ces carences, le gouvernement belge vient de présenter un projet de loi pour accorder un "statut de solidarité nationale" aux victimes du terrorisme, leur garantissant notamment une aide financière à vie.

En bénéficieront les citoyens et résidents belges, et vraisemblablement les Belges victimes d’un attentat hors du pays. Mais les étrangers non résidents en sont exclus, quand nombre d’entre eux souffrent encore des attaques de Bruxelles, dénonce Thomas Savary.

Le Néerlandais Ferry Zandvliet se trouvait lui au Bataclan avec trois amis le 13 novembre 2015, quand des jihadistes ont tiré sur la foule dans cette salle de spectacles parisienne. Aucun d’entre eux n’a été blessé physiquement, là où 90 autres personnes ont péri.

Rentré le lendemain en voiture aux Pays-Bas "sans veste, sans papiers, couvert de sang", ce kinésithérapeute de 38 ans, traumatisé, a dû reprendre le travail deux mois seulement après les faits, faute de prise en charge.

"Si j’avais eu le soutien de mon pays, j’aurais pris plus de temps", souffle-t-il, confiant avoir passé "la pire année" de sa vie. "Mais en Hollande, il n’y a rien, pas de solidarité nationale pour les victimes si l’attaque s’est passée à l’étranger."

- Feuille de route commune -

Les victimes étrangères des attentats en France sont par contre prises en charge par Paris, ce que beaucoup ignorent. Frais médicaux couverts à 100%, aides multiples, indemnisations alignées sur celles des citoyens français... C’est "une fois rentrées chez elles" que leur situation se "complique ", observe la présidente de l’association Life for Paris Caroline Langlade.

La faute selon elle à la "non-harmonisation" des systèmes. Alors que le statut de victime du terrorisme n’est même pas reconnu dans certains Etats, les modalités d’accompagnement sont inégales. Le montant des indemnisations varie énormément, tout comme leurs sources de financement.

En Belgique, le système "dépend d’assurances, qui demandent des expertises et prennent leur temps", soupire Thomas Savary. Son beau-père a dû subir une évaluation psychiatrique "pour déterminer combien il était affecté par la mort de sa femme".

Certains pays, comme l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou la France, ont construit un dispositif "assez efficace", estime Levent Altan, le directeur exécutif de Victim Support Europe, un réseau de plaidoyer. Selon lui, "il y a une bien plus grande motivation quand les pays ont été attaqués dans leur histoire ou quand leurs services secrets pensent qu’ils vont l’être".

Mais d’autres comme la Grèce, Chypre, la Roumanie ou la Bulgarie "restent derrière", regrette M. Altan. Le pire est selon lui à craindre si "une attaque y survient demain".

Il est "absolument nécessaire" que l’Europe se dote d’une politique commune sur l’aide aux victimes, affirme la secrétaire d’Etat française Juliette Méadel, dont les services ont organisé une conférence internationale sur ce thème en janvier à Paris.

Une "feuille de route" ciblant des objectifs en termes "d’information des victimes, d’indemnisation et d’accompagnement" devait être signée par huit Etats membres vendredi à Bruxelles, à la veille de la journée européenne des victimes du terrorisme, annonce-t-elle.

Caroline Langlade, la présidente de Life for Paris, plaide, elle, pour la création d’un numéro d’urgence commun, d’un fonds d’indemnisation européen, sur le modèle français, et même pour la relance d’une sécurité sociale commune.

Source : la-croix.com
Auteur : AFP
Date : 10 mars 2017

Crédit photos : Source : la-croix.com Auteur : AFP Date : 10 mars 2017

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