La FENVAC assistait à un colloque sur la gestion de crise, organisé par le HCFDC

Le Haut comité français pour la défense civile (HCFDC) réunissait, le 14 juin 2017, de multiples acteurs pour réfléchir ensemble sur une possible novation dans la gestion de crise en France. Le colloque débutait par l’intervention de Monsieur Jacques Gautier, ancien sénateur des Hauts-de-Seine et Président du HCFDC. Pour reprendre les mots du Président, le savoir-faire de la France en matière de gestion de crise lui permet de faire face aux chocs de manière relativement efficace. Pour autant, le dispositif de sécurité nationale ne serait certainement pas à la hauteur d’une catastrophe de grande ampleur. Il apparaît donc nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs, tant privés que publics, afin de faire émerger une culture de crise commune et se préparer à tous les risques qui menacent le pays.

Différents temps forts ont émaillé la journée, les tables rondes se succédant aux échanges avec la salle.

Introduction : Pourquoi notre système de gestion de crise a bien fonctionné et pourquoi pourrait-il devenir insuffisant ? (Colonel Éric FAURE et Christian SOMMADE)

On constate que si l’intérêt porté sur les causes et les conséquences de l’évènement est manifeste, l’évaluation de la crise, elle, n’est pas systématique. Finalement on ne se pose que trop rarement la question de savoir si la crise aurait pu être gérée autrement ou si le maximum a été fait pour venir à bout de la crise. Le système de gestion de crise à la française présente néanmoins trois forces principales qui lui permettent de faire face aux chocs qui secouent le pays :

D’abord, des moyens importants (financiers, matériels, humains) sont alloués à la gestion de crise.
Ensuite lorsqu’une crise se déclenche, on peut observer une certaine unité dans le commandement de la gestion de crise, qui permet de centraliser les décisions et réagir rapidement. Cette unité apparente peut, ceci dit, se traduire par un fonctionnement trop vertical du système. On relève ainsi que chaque service public impacté possède sa propre chaîne hiérarchique, ce qui pose évidemment problème lorsque survient une crise de grande ampleur. Si la seule bonne volonté des acteurs à vouloir coopérer n’est pas suffisante, à l’inverse, formaliser et planifier les procédures à outrance ne peut non plus mener à une solution efficace et durable. Il devient dès lors impératif de planifier de manière souple les « méga chocs ».
Enfin, la société civile (le monde associatif au premier rang) constitue une force décisive pour porter la voix des victimes et des personnes impliquées dans les crises.

Malgré ses indéniables atouts, le système de gestion de crise français se voit contraint par de nouvelles conditions de travail qui limitent ses marges de manœuvre :

Du fait de la multiplication des risques et des accidents, les tâches du quotidien augmentent et les sollicitations se multiplient ;
En même temps, les moyens budgétaires sont comprimés ;
Pour finir, les règlementations de l’Union européenne sur le temps de travail semblent limiter les amplitudes horaires et les marges de manœuvre managériales.

L’organisation de la gestion de crise dans le monde militaire (Colonel Michel BEAUBIE et Général Nicolas GRAFF)

La méthode d’intervention de gestion de crise obéit à une planification ciblée d’un « centre de gravité », qui se décline en trois étapes :
1/ la mise en contexte de l’environnement
2/ la mise en contexte du problème
3/ la mise en contexte de la solution.

Si elle est nécessaire, la planification n’est pas suffisante pour éliminer le chaos. Elle ne doit par ailleurs pas s’adresser uniquement au monde militaire, mais s’ouvrir à la vie civile et aux entreprises, qui doivent pouvoir s’en inspirer sans se heurter à des problématiques de compréhension. Il est vrai que les approches civiles et militaires diffèrent sur un point fondamental : alors que l’approche civile est dite capacitaire (on élabore la stratégie en fonction des moyens que l’on a à disposition), l’approche militaire, elle, adopte une stratégie définie à l’avance qu’elle applique sur le terrain en l’adaptant aux circonstances.

D’où la nécessité d’instaurer une véritable coopération entre les services de crise issus de ces divers milieux. Cette coopération doit conduire à un partage d’expériences, de mise en commun de données et à une facilitation des échanges entre les services, pour qu’à terme, la planification de la conduite des opérations intérieures soit complètement décloisonnée.

Echanges avec les participants : La France a-t-elle besoin d’un nouveau système de gestion de crise ? – Préconisations de la salle & celles issues du brainstorming en ligne (Jean-Louis FIAMENGHI, Serge GARRIGUES, Emile PEREZ, Michel SAPPIN, Christian SOMMADE)

Plus que la crise elle-même, l’enjeu de la gestion des chocs aujourd’hui est la gestion de l’incertitude. La préparation à ces chocs, par définition imprévisibles, doit s’accompagner d’exercices de « rupture » qui simulent les conditions réelles d’un choc de grande ampleur.

Un autre élément déterminant pour préparer au mieux les crises de grande ampleur est la formation des acteurs amenés à intervenir pendant les crises. On constate que le profil de ces acteurs (les préfets par exemple) est de plus en plus diversifié car le recrutement s’est élargi. Faudrait-il, dès lors, développer un centre de formation « inter-acteurs ? » pour uniformiser la préparation de ces acteurs ? Toujours est-il que le directeur des opérations de secours doit avoir un profil généraliste. Il doit savoir trancher entre les différents avis et savoir piloter un ensemble, en plus de mettre en œuvre une communication de crise efficace.
On constate par ailleurs que le renouvellement des préfets et des autorités se fait très rapidement, si bien que les personnels compétents viennent parfois à manquer.

On peut enfin se demander si un cadre législatif qui distinguerait les rôles des différents acteurs de crise ne serait pas souhaitable. Dans la pratique, on constate que c’est plutôt un corpus technique qui fait défaut.
Concernant une coopération internationale dans la gestion des phénomènes de grande ampleur, l’Union européenne pourrait effectivement y affirmer davantage son rôle. Pour rappel, la 1ère salle interministérielle de crise (COGIC) a été instaurée en 1999.
Il peut apparaître par ailleurs pertinent, à l’instar de l’Allemagne, de promouvoir un Ministère de la sécurité, qui soit indépendant du Ministère de l’intérieur.

Présentation des systèmes de gestion de crise américain et européen (Dan FRAZEE, Ronnie DJOUKENG, Lieutenant-Colonel Jean-Paul MONET)

Les Etats-Unis constituent un bon exemple de système de gestion de crise dans la mesure où ils sont exposés à un nombre important de risques et sont malheureusement accoutumés aux grandes catastrophes (ouragan, incendies, inondations, etc). Pour autant, la gestion des crises de grande ampleur (face au risque de prolifération d’armes nucléaires par exemple) est également perfectible du côté américain.

Les Etats-Unis ont développé au cours des années 1970 l’« Incident Command System », appelé ICS, un système initialement prévu pour les feux de forêts, puis étendu à toutes les catastrophes depuis le 11 septembre 2001. Ce système prône une approche standardisée de la commande, du contrôle et de la coordination de la gestion de crise, en instaurant une hiérarchie commune à laquelle les services des différentes agences de crises peuvent se soumettre.

Du côté européen, on constate une coopération inefficiente entre les services (locaux, nationaux, secteur public, privé, …) de gestion de crise. Il s’agit souvent d’un problème de commandement, (qui intervient ? avec quelle légitimité ? Sous quelle souveraineté ?). C’est dans les situations d’accidents transfrontaliers que ces problèmes se posent le plus. Il faudrait, de ce point de vue, former des équipes françaises capables de gérer ce genre de crises qui dépassent les seules frontières nationales.

Il apparaît dès lors souhaitable d’évaluer l’interopérabilité des systèmes entre les Etats. En soi l’ICS serait compatible avec le modèle français mais on ne peut se contenter de calquer le modèle américain et le transposer au système français sans prendre en compte les spécificités nationales. En revanche la finalité du système, elle, reste la même : la sauvegarde de la population, des biens et des industries.

Gestion de crise : l’intérêt de l’Incident Command System dans nos organisations françaises (Colonel Grégory ALLIONE, Lieutenant-Colonel Mohammed KHARRAZ, Lindsay PAGE-JONES)

Si l’on suit la méthode de l’ICS, l’organisation du système de gestion de crise doit être flexible et se déployer du terrain au commandement. Il apparaît donc indispensable de faciliter la transmission de l’information entre les différents services, transmission rendue possible par la mise en place d’outils et méthodes partagées par le plus grand nombre d’acteurs. Le développement de la fonction d’officier de liaison est un exemple pertinent.

L’ICS est donc un moyen de formalisation de la gestion de crise grâce à un cadre partagé par un ensemble disparates d’acteurs. Il doit permettre l’interopérabilité entre industriels, organisations spécialisées et autorités. En France, les avantages d’un tel système se manifesteraient à plusieurs niveaux :
-  Financier : il génère un coût moins élevé pour le contribuable, argument loin d’être négligeable dans un contexte de compression de dépenses.
-  Politique : Il permet de valoriser l’effort consenti par le service public pour sauvegarder les biens, les personnes et les bassins d’emplois.
-  Logistique : il incite à une organisation et une coordination plus poussées des services de gestion de crise
-  Opérationnel : montée en puissance de la capacité des acteurs à intervenir rapidement.

On observe une limite cependant, à laquelle la transposition du système ICS en France ne permet pas de répondre : la gestion de crise de proximité. Pour l’instant, le formalisme excessif et l’empilement des structures en France entravent la capacité des collectivités à s’investir de leur mission de gestion de crise au plus près des populations.

Conclusion (Préfet Pascal BOLOT)

On observe une évolution dans l’approche des crises :
-  Une cinétique plus rapide : vu la rapidité de leur survenance et leur extension territoriale, on prend conscience de la nécessité d’être prêt à répondre aux crises au-delà du local, les conséquences économiques qui en découlent pouvant être considérables.
-  L’importance grandissante du communicationnel : il est fondamental. Ceci dit, les médias ne doivent pas entraver l’action des services de crise. Les médias sont un critère important dans la communication de crise, mais ce ne sont pas le seul.
-  La nécessité de prendre en compte les impliqués et les familles de victimes

En somme, pour qu’un nouveau système de gestion de crise efficient voit le jour en France :
-  Il faudrait faire émerger une culture et un langage communs qui soient lisibles par l’ensemble des acteurs (autorités, entreprises, société civile), notamment par la promotion d’échanges, de partages d’expériences et de bonnes pratiques ;
-  Il est impératif de lier les aspects politiques, stratégiques, opérationnels et techniques pour une gestion de crises et de risques décloisonnée ;
-  Insister sur un management des organisations qui les prépare à l’imprévu est nécessaire face aux menaces grandissantes présentes dans nos sociétés ;
-  Intégrer les populations dans la gestion du risque est plus que requis, afin de ne pas les infantiliser mais les habituer à réagir face à une catastrophe.

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