La loi antiterroriste pourrait être clarifiée par le procès de l’attentat de London

Le procès historique qui a mis les lois canadiennes sur le terrorisme sous les feux de la rampe a abouti à un verdict de culpabilité, jeudi en Ontario. Mais on ne saura jamais quel rôle ont joué les allégations de « terrorisme » dans la décision du jury de condamner Nathaniel Veltman de « meurtres au premier degré » pour l’attentat contre une famille musulmane de London.

Les jurés ont reconnu jeudi Veltman, âgé de 22 ans, coupable de quatre chefs de meurtre au premier degré et d’un chef de tentative de meurtre, pour avoir happé avec sa camionnette les membres de la famille Afzaal, qui marchaient sur un trottoir de London le 6 juin 2021.

La juge Renee Pomerance avait indiqué aux jurés qu’ils pourraient rendre un verdict de meurtre au premier degré s’ils convenaient à l’unanimité que la Couronne avait établi hors de tout doute que Veltman avait eu l’intention de tuer les victimes et qu’il avait planifié et délibéré son geste.

Elle a également informé les jurés qu’ils pourraient le reconnaître coupable de meurtre au premier degré s’ils estimaient que ces meurtres constituaient une « activité terroriste ».

« Constatations quant aux faits »
Au Canada, les jurés ne peuvent fournir de détails sur la manière dont ils ont pris leurs décisions à huis clos.

Cependant, les juges lors des procès devant jury, dans le cadre du processus de détermination de la peine, dressent généralement des « constatations quant aux faits ». La juge Pomerance devrait donc dans ce cas-ci se pencher sur le caractère « terroriste » de l’attentat en prononçant la peine contre l’inculpé.

« La juge peut adopter sa propre vision des faits, déclarait jeudi l’avocat de Veltman, Christopher Hicks, après le verdict. La décision du jury ne dit pas s’ils l’ont déclaré coupable de meurtre au premier degré conformément au Code criminel – le caractère planifié et délibéré du geste – ou en raison de l’allégation de terrorisme (...) Nous verrons donc ce que dira la juge lors du prononcé de la peine. »

La thèse d’« activité terroriste » n’affecterait pas la peine pour meurtre au premier degré, qui entraîne automatiquement une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, a déclaré Me Hicks. L’avocat de la défense croit plutôt que cela pourrait être évoqué comme une circonstance aggravante potentielle concernant la peine pour tentative de meurtre _ une des cinq victimes de l’attentat a survécu.

Une première
C’était la première fois que les lois canadiennes sur le terrorisme étaient soumises à un jury dans le cadre d’un procès pour meurtre au premier degré.

Il s’agit également de la seule affaire de meurtre à ce jour impliquant des allégations de terrorisme sur la base d’un lien avec la « suprématie blanche ». C’est aussi l’un des rares cas récents liés au terrorisme dans lesquels une personne est accusée d’avoir planifié et exécuté seule ses crimes, plutôt que dans le cadre d’une organisation comme l’État islamique, a souligné Michael Nesbitt, professeur agrégé à l’Université de Calgary, spécialisé dans les lois antiterroristes et la sécurité nationale.

Le procès Veltman, ainsi qu’une petite poignée d’autres, placera probablement les tribunaux devant un manque de définition claire de la loi antiterroriste sur ce qui constitue l’idéologie, un élément clé du terrorisme, et à déterminer quel type de preuve est nécessaire pour prouver l’idéologie lorsqu’un accusé n’est pas lié à une organisation, a-t-il déclaré.

Par ailleurs, le fait que le procès Veltman ait été entendu par un jury complique légèrement les choses, estime le professeur Nesbitt. « On n’aura pas accès aux motifs écrits du verdict, ce qui est généralement le lieu où nous recherchons de nombreux détails qui nous fourniraient une valeur de jurisprudence », a-t-il déclaré.

« On n’aura pas une décision écrite de 50 pages reliant les preuves aux différents éléments de l’infraction, comme le ferait un juge, donc ce sera plus difficile à analyser. Mais on sera en mesure d’entendre ce que dira la juge [au prononcé de la peine], ce qui fournira certains détails. »

Le professeur Nesbitt souligne que certaines informations peuvent généralement être tirées aussi des directives du juge au jury sur les éléments des crimes, et éventuellement à l’étape de l’appel si ces directives sont jugées erronées.

Salman Afzaal, âgé de 46 ans, sa femme de 44 ans, Madiha Salman, leur fille de 15 ans, Yumna, et la grand-mère de 74 ans, Talat Afzaal, ont été tuées lors de cet attentat à London. Le fils du couple, âgé de neuf ans, a été grièvement blessé, mais il a survécu.

Cet article est rédigé par Paola Loriggio pour le Droit.

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes