Selon son avocat, Me Dupond-Moretti, il conteste la complicité d’assassinats, « qui ne repose sur aucun élément objectif ».
Abdelkader Merah, 29 ans, a été longuement interrogé, lundi après-midi, par les trois juges antiterroristes en charge des tueries perpétrées au printemps dernier, dans la région toulousaine, par son frère Mohamed. Le frère aîné de l’assassin de trois militaires et de quatre autres personnes, dont trois enfants, dans une école juive, est mis en examen pour « complicité d’assassinats, association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme et vol en réunion » du scooter utilisé par le tueur. La justice le soupçonne d’avoir activement aidé ce dernier à perpétrer ses crimes. Mohamed Merah a été tué par la police, le 22 mars, lors de l’assaut de l’appartement dans lequel il s’était retranché, puissamment armé. C’est la première fois qu’Abdelkader Merah était interrogé sur le fond depuis son placement en détention provisoire.
Cet homme semble être le seul à pouvoir expliquer le parcours djihadiste de son frère, sur qui il aurait exercé un ascendant et qu’il aurait conduit sur la voie d’un islam radical. Mais, selon son avocat, Me Éric Dupond-Moretti, l’intéressé « conteste totalement la complicité d’assassinats, qui ne repose sur aucun élément objectif ». En revanche, il a admis avoir été présent, le 6 mars, au moment où Mohamed Merah volait le scooter, affirmant toutefois ignorer quel usage criminel son frère comptait en faire. Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir par ailleurs acquis le casque du tueur.
Plus embarrassant : Abdelkader Merah a été reconnu par le gérant du taxiphone d’où ont été passés deux appels à destination d’Imad Ibn Ziaten, premier militaire tué par Merah, peu avant sa mort, le 11 mars. La récente déclassification de documents de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a montré que les deux frères avaient fait l’objet d’une surveillance suivie.
Abdelkader Merah a été répertorié dès 2007 comme membre de la mouvance islamiste radicale, son jeune frère l’ayant été deux ans après. Il a reconnu devant les enquêteurs avoir été au courant des déplacements de son cadet en Afghanistan et au Pakistan, fin 2010. Abdelkader Merah a expliqué avoir fait quatre longs séjours en Égypte pour y apprendre l’arabe, rejoint par son frère pour un mois « à la fin de l’été 2010 ».
« Le temps de la vérité »
L’aîné a ajouté qu’il avait renoué avec Mohamed Merah, avec qui il était fâché, un mois seulement avant les tueries : « Deux ou trois jours après notre réconciliation, il m’a reparlé du djihad. Lui voulait trouver un filon rapidement ou faire des coups en France ou à l’étranger. » « Les choix idéologiques d’Abdelkader Merah ne font pas de lui un assassin », souligne Me Dupond-Moretti, estimant que lui attribuer un rôle dans la radicalisation de son frère « relève du fantasme ». À la sortie du tribunal il a annoncé qu’il envisageait de demander la remise en liberté de son client, une fois achevées certaines investigations techniques.
Pour Me Klugman, avocat des parties civiles, en revanche, « le temps de la vérité est venu pour Abdelkader Merah, qui doit livrer ce qu’il sait à la justice après avoir fait part de son adhésion idéologique lors de sa garde à vue ».
Stéphane Durand-Souffland, Lefigaro.fr - 10 septembre 2012