LE SURVIVANT DE L’ATTENTAT DE SAINT-ETIENNE-DU-ROUVRAY PLAINT "LES JEUNES QUI SE LAISSENT EMBOBINER"

Ce jeudi 17 février 2022 s’ouvre le quatrième jour du procès de l’assassinat du père Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), devant la cour d’assises spéciale de Paris. Le témoignage de Guy Coponet, qui s’est constitué partie civile, a commencé à 9 h 30. Il est très attendu.

Il a survécu à de graves blessures

Accompagné de son épouse, ce paroissien faisait partie des cinq personnes qui assistaient à la célébration, le jour de l’attentat. Guy Coponet, alors âgé de 86 ans, avait été poignardé à la gorge, au bras et dans le dos. Il était entre la vie et la mort. Il a survécu à ses blessures. Juste avant, les deux preneurs d’otages l’avaient obligé à filmer l’assassinat du père Hamel, avec son téléphone portable.

« Quelle souffrance il a dû ressentir »

À la barre, il raconte cette journée d’horreur, sans que le président de la cour d’assises ne lui pose de question. On lui apporte un fauteuil et un verre. Guy Coponet a la même silhouette frêle et de petite taille que le « père Jacques », comme il l’appelle.

« C’était le 26 juillet, le jour de mon anniversaire. C’était la fin de la messe vers 9 h 30, se souvient-il. Un homme frappe à la porte de la sacristie. Une religieuse va lui ouvrir. Il demande à voir le prêtre. La sœur lui dit de revenir. La porte se rouvre violemment. Puis, deux hommes rentrent bruyamment portant une veste bariolée et du matériel. »

L’un des deux assaillants attache un bandeau sur son front, l’autre place « une boîte autour du corps avec du scotch jaune ». Il s’agissait d’une ceinture d’explosifs factice. « L’un d’eux me donne un appareil pour filmer. Et me dit : « Tu peux y aller, ça marche ». Père Jacques était assis. Ils l’ont mis à genoux, ils lui ont donné des coups de couteau. Quelle souffrance il a dû ressentir. Ça m’a fait penser aux dernières stations du chemin de croix du Christ. »

« Ils l’ont massacré »

Guy Coponet poursuit son récit : « Ils l’ont massacré. Ils l’ont traîné par terre. Il ne tenait plus debout et s’est défendu comme il a pu avec les forces qui lui restaient, en criant « Satan va-t’en », comme un ordre. Le sang s’est mis à vomir. Et il ne bougeait plus ».

La voix de Guy Coponet s’étrangle. « Ils m’ont enlevé l’engin et l’ont écrasé avec un autre téléphone portable (la vidéo ne sera jamais retrouvée, N.D.L.R.). Ils m’ont dit : « C’est à toi maintenant » et m’ont jeté sur l’estrade de l’autel. J’ai reçu un coup de couteau dans le dos, les bras et le cou. Je me suis effondré et n’ai plus bougé. Je serrais ma gorge. Je suis resté comme ça. J’avais mal au dos. Il m’est venu à l’esprit : « Surtout bouge pas, parce que si tu bouges, il va te terminer ». Alors je suis resté comme ça. J’ai prié et récité « Je vous salue Marie ». »

« C’est du cœur que je parle »

Devant la cour, il reprend la prière et s’arrête à « à l’heure de notre mort ». Il est en larmes. « Là je me suis senti soulevé par les secours. On venait me chercher. Il était temps qu’ils arrivent. Ça a été rapide et ça m’a paru long. J’étais en clinique où j’ai eu deux opérations en trois jours et cinq charges de sang. C’est du cœur que je parle. »

« On le ressent dans votre récit », intervient le président de la cour d’assises, Franck Zientara qui interroge Guy Coponet sur le père Hamel. C’était « un saint homme », répond le paroissien.

« Pourquoi des gens font n’importe quoi au nom de Dieu ? »

« Votre déposition nous a profondément touchés », ajoute l’avocate générale.

« Dans tout ce qui s’est passé, j’y suis pour rien, reprend Guy Coponet. Seigneur, fais de moi ce qu’il te plaira, j’accepte tout. Je m’en remets entre tes mains. Fais de moi ce qu’il te plaira parce que je t’aime. C’est ça la force, le moteur. Tout le monde croit à un dieu, c’est le même amour. Pourquoi des gens font n’importe quoi au nom de Dieu ? »

« Je pense à eux tous les matins »

Durant son récit d’une vingtaine de minutes, l’homme a plaint les « jeunes qui se laissent embobiner » par des islamistes radicaux, tout en appelant à « ne pas minimiser » la responsabilité des accusés jugés à Paris comme membres de l’entourage des jihadistes. « Même si on reçoit des ordres, on est quand même responsable de dire oui ou de dire non. »

À propos des deux jeunes jihadistes de 19 ans, tués à leur sortie de l’église, il ajoute : « Je pense à eux tous les matins quand je me rase, parce que (la zone de la blessure) est insensible. Le rêve – c’est un rêve – ça serait que ceux qui ont donné des ordres, ceux qui ont formé ceux qui sont venus [attaquer l’église], viennent demander pardon à tous ceux à qui ils ont fait de la peine. Si on ne pardonne pas, c’est la haine. Ce n’est pas vivable. S’ils demandent pardon, c’est merveilleux », glisse-t-il.

Au troisième jour du procès, mercredi, le Dr Benjamin Mokdad, médecin légiste au CHU de Rouen, avait expliqué que Guy Coponet était parvenu à comprimer lui-même sa plaie tout en faisant le mort, ce qui lui a « probablement sauvé la vie ».

Après avoir asséné de nombreux coups au prêtre de 85 ans, Abdel-Malik Petitjean avait traîné Guy Coponet sur le côté de l’autel. L’assaillant lui a infligé « une plaie transversale […] sur 21 cm » au niveau de la gorge, avait expliqué le médecin légiste devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Crédit photos : Date : 17/02/2022 Auteur : Clémentine LE RIDÉE et Xavier ORIOT et AFP. Site : ouest-france.fr

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes